Dans un communiqué rendu public hier, le Gadem (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants au Maroc) soutenu par plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, au Maroc et ailleurs, dont la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (Laddh), fait état de l’arrestation et de l’expulsion par le Maroc de dizaines de ressortissants subsahariens vers la frontière algérienne. Une frontière fermée depuis 1994. Ils sont de différentes nationalités (camerounaise, sénégalaise, guinéenne, ivoirienne et malienne) et comptent parmi eux des enfants. Le Gadem dénonce «les violations des droits des étrangers et migrants» au Maroc. Dans son communiqué, le groupe antiraciste indique que «les autorités marocaines ont repris le renvoi de personnes non ressortissantes marocaines noires vers la frontière avec l’Algérie». Elles sont au nombre de 34, dont 12 enfants, présentement «bloquées dans le no man’s land entre le Maroc et l’Algérie». Les personnes expulsées affirment «ne pouvoir aller ni d’un côté ni de l’autre. Nous sommes coincés sans eau ni nourriture». Selon des témoignages, «les forces auxiliaires les ont abandonnées à 10 mètres des grillages et les ont sommées, parfois à coup de bâton, d’aller du côté algérien». D’après les déclarations des personnes contactées par le Gadem, lit-on dans le communiqué, «des violences ont accompagné les arrestations et reconduites à la frontière. Des personnes en migration ont été battues à coup de bâton aux bras, à la tête ou aux jambes. Trois d’entre elles auraient des blessures graves aux jambes. Pour deux autres, c’est le bras qui aurait été touché. L’une d’elle dit avoir été tailladée avec des lames tranchantes au visage. L. a été frappé à l’épaule, et Al., blessé au genou, dit être très inquiet de la situation de trois autres personnes qui sont dans un état grave. L’une d’elle a déjà perdu connaissance deux fois». Le même communiqué précise que ces arrestations et refoulements interviennent dans un contexte de renforcement de la sécurité et la lutte contre la criminalité transfrontalière. Et de constater que «les personnes en migration deviennent, malgré elles, les victimes collatérales de ce tour de vis sécuritaire». Le Gadem rappellera toutefois que «le Maroc s’est pourtant engagé dans une nouvelle politique migratoire qui se veut radicalement nouvelle et respectueuse des droits humains et le gouvernement a adopté une stratégie nationale d’immigration et d’asile. Les organisations de la société civile et les instances de coopération internationale ont salué les efforts mis en œuvre et notamment, la dernière phase de l’opération de régularisation annoncée le 12 décembre 2016». Le revirement paraît donc étrange et incompréhensible : «Il est aujourd’hui difficile de comprendre la logique de la reprise des violences et des refoulements vers une frontière fermée depuis 1994. Le renvoi des personnes noires non ressortissantes marocaines vers ce no man’s land menace leur intégrité physique et morale, et constitue un acte de discrimination et de racisme.» Le Gadem et les organisations signataires du communiqué appellent à «l’intervention des autorités compétentes pour que l’ensemble des personnes arbitrairement refoulées en dehors de toute procédure légale soient toutes réadmises, sans conditions et dans les plus brefs délais sur le territoire marocain».
N. A.