Dans le monde contemporain, la télévision est omniprésente. Présente dans chaque foyer, elle contribue à l’éducation des jeunes. Mais est-ce le cas de l’Algérie ? Pas si sûr. Des familles sont exposées jour et nuit à des images véhiculant des messages violents. Des émissions diffusées sur des chaînes de télévision proposent clairement aux téléspectateurs des sujets dans lesquels le sang, les armes blanches et la drogue sont vulgarisés.
L’exemple d’une émission qui passe en plein prime-time sur une chaîne de télévision algérienne en est le plus illustratif. Elle traite des enquêtes mettant en scène des actes criminels commis dans des villes algériennes. Des simulations de scènes de crimes sanglantes sont librement montrées à l’écran, des jeunes noyés dans l’alcool et la toxicomanie sont mis aussi en avant dans cette émission. Où est, donc, la limite? Selon des spécialistes de la protection de l’enfance «tout semble être permis». Il n’existe pas en Algérie, une commission de classification des œuvres cinématographiques ou des émissions de télévision. Ces commissions, qui ont pour rôle de classifier les films et les programmes selon l’âge du public autorisé à les regarder, «ne sont pas constituées en Algérie», affirme Abderrahmane Arar, président du réseau NADA. Ce responsable de l’association de défense des droits des enfants dit recevoir quotidiennement des dizaines de plaintes des parents impuissants devant la violence à laquelle sont exposés dangereusement leurs enfants. Une violence qui fait irruption dans leurs foyers par le biais de ces programmes qui ne s’imposent et/ou à qui on n’impose aucune limite de diffusion. «Nous avons tenté plusieurs fois d’approcher l’autorité de régulation de l’audiovisuel pour justement les sensibiliser sur cette question précise», témoigne pour sa part le professeur Mustapha Khiati, pédiatre et président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche. «Nous avons demandé une entrevue pour discuter de ces sujets. Pour l’instant, ils nous demandent d’attendre la fin des élections législatives», regrette-t-il. L’Autorité de régulation de l’audiovisuel, est, en effet, la seule à pouvoir imposer des limites pour ces chaînes de télévisions.
«Des flots d’images et même de paroles incitant à la violence sont pratiquement diffusées sur toutes les chaînes de télévisions», dira le Pr Khiati. Pourtant, ajoute-t-il, plusieurs études à l’étranger ont montré l’influence directe de ces images sur les enfants. «On sait, aujourd’hui, que les adolescents et même certains jeunes, parce que l’adolescence est un comportement plus qu’un âge, sont sensibles devant ce qu’ils voient».
Des enfants de 4 ans influencés…
Le président de la FOREM dit, d’ailleurs, recevoir «très souvent» des parents qui viennent parler de ce phénomène qui tend à prendre de l’ampleur. «Que ce soit au niveau des écoles, des domiciles et surtout dans la rue, beaucoup de jeunes ont tendance à reproduire ce qu’ils voient à la télévision», note le président le Pr Khiati. Cependant, ce qui est encore plus embêtant selon lui, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de la génération des préadolescents. «Même les plus jeunes sont aussi influencés par cette violence. Nous avons eu des cas d’enfants du préscolaire et de la crèche qui ont à peine 04 ans ou 05 ans qui réagissent violemment dans leurs établissements après avoir regardé des scènes de violence à la télévision», s’indigne notre interlocuteur. Au point où un simple spot publicitaire, pourtant destiné à faire la promotion d’un produit, peut inciter à la violence.
L’on citera l’exemple de la Publicité d’une marque de tomate en conserve qui met en scène un acteur jouant le rôle d’un prince Ottoman qui d’un geste fait comprendre à son » serviteur » qu’il allait l’égorger. «Quand un gamin de 4 ans prend un couteau dans une garderie, il y a de quoi s’inquiéter réellement», alerte le Pr Khiati. Citant le cas de la France, il dira que «lorsqu’un policier a été abattu, récemment, aux Champs Elysées, personne n’a vu les images car les chaînes de télévisions ne les diffusent pas». Une preuve, selon lui, qui démontre, qu’aujourd’hui, même dans les pays développés, il y a «une autocensure sur tous les ingrédients qui poussent à la violence». Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. «Nous, nous montrons tout, et nous essayons surtout de faire parler les gens à chaud. Alors qu’on sait très bien que dans le vif, les gens disent n’importe quoi», s’indigne encore notre interlocuteur qui appelle les autorités concernées à intervenir. «Si aujourd’hui, on sait que ce n’est plus la peine de faire appel à la conscience des gens, il faut, donc, absolument que ce soit le rôle de l’autorité, qui doit mettre des lignes rouges», préconise le Pr Khiati.