Des ex-cadres d’institutions étatiques nient tout en bloc

Des ex-cadres d’institutions étatiques nient tout en bloc

Le 9e jour du procès de Khalifa Abdelmoumene Rafik et des 74 autres accusés poursuivis dans le cadre de la caisse principale de l’ex-golden boy s’est poursuivi avant-hier au tribunal criminel de Blida. D’anciens cadres et fonctionnaires ayant occupé des postes de responsabilité au sein des institutions de l’Etat sont passés à la barre.

Parmi ces personnalités figurent Adda Foudad, l’ancien directeur de l’école de police de Aïn El-Bénian et ex-membre de la commission du contrôle de la mutuelle de la Sûreté nationale, ainsi que l’ancien PDG de Saidal, Ali Aoun.

Ces deux ex-cadres sont poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment abus d’autorité, corruption et pour avoir bénéficié d’avantages à titre de complaisance.

Lors de son audition, l’ex-cadre de la police a également été accusé d’avoir usé de son poste pour déposer ses propres fonds à Khalifa Bank, suite à un accord conclu en personne avec Abdelmoumene Khalifa, et ce en date du 01/09/2001, et dont le montant était de l’ordre de 609.000 euros.

Le mis en cause a ensuite utilisé une manière fallacieuse pour récupérer cette importante somme d’argent, et ce en ouvrant un autre compte bancaire à l’agence de Khalifa Bank des Abattoirs le 01/08/2002, conformément à une autorisation d’ouverture signée par le directeur de ladite agence, Soualmi Hocine, sans toutefois procéder au transfert de l’argent qui se trouvait à l’agence de Paris.

Au cours de la perquisition effectuée au sein de cette agence, le juge d’instruction a découvert un document émanant du directeur de la représentation à Paris, qui occupait alors le poste de directeur de l’agence d’Hussein Dey.

Le document, daté du 16/09/2002 et signé le 17/09/2002, précise que Adda Foudad possède toujours un compte bancaire à l’agence de Paris, alimenté de pas moins de 607.796.07 euros et que les intérêts était de l’ordre de 85.371.45 euros.

Le juge d’instruction a par ailleurs conclu que l’argent en question n’a jamais été transféré vers l’Algérie. Il a également déterminé que l’inculpé a procédé à un contrat formel en hypothéquant ses fonds au niveau de l’agence de Khalifa des Abattoirs d’Hussein Dey au profit de la société mixte algéro-espagnole de l’agroalimentaire le 23/02/2003.

La transaction en question a été conclue en présence du directeur Soualmi Hocine et des directeurs de société en question, Benhedi Mustapha et Bourayou Najib. Ces derniers, faut-il le souligner, ont hypothéqué l’usine qu’ils possédaient à Oran au profit de Khalifa Abdelmoumene et ont remis à Adda Foudad le montant intégral de 607.796.07 euros, soit l’équivalent de 52 millions de dinars par tranche jusqu’à la dissolution de Khalifa Bank.

Interrogé à propos de la lettre découverte dans son bureau, adressée à l’ancien P/APC de la ville de Staouéli pour faire bénéficier son fils d’un lot de terrain dans ladite localité, le mis en cause a clamé haut et fort : « Je ne l’ai pas envoyée ! »

La lettre à Jean Pierre Chevènement

A la question de savoir quel était l’objet de la correspondance trouvée dans son tiroir, qui allait être envoyée à l’ancien ministre de l’Intérieur français Jean Pierre Chevènement, l’inculpé a répondu : « C’est un simple projet de lettre pour bénéficier d’une carte de séjour de dix années car je possédais une carte d’une année. »

A la question de savoir combien de logements il possède : il a répondu :

« Dix logements à travers le territoire national, notamment à Oran, Mostaganem et Alger ! »

Et au procureur général Zerg El-Ras Mohamed d’intervenir : « Non ! Non ! Monsieur Foudad ! C’est faux, vous possédez 12 et non 10 logements, comme vous venez de l’affirmer ! »..

« Et à l’étranger » ? interrompt le président Antar Menouar. « Je ne possède pas des biens à l’étranger ! J’ai tout simplement loué une villa en plein cœur de la capitale du Mexique et une autre au Burkina Faso ! », a répondu l’accusé.

« Et le salon de coiffure situé en plein cœur de la capitale ? », interroge le président.

« C’est un bien qui m’appartient, monsieur le président ! »

« Pouvez-vous nous dire si vous êtes intervenu pour que vos enfants soient recrutés au niveau des différentes filiales de Khalifa Airways ? ». Et l’accusé de répondre : « Je l’ai fait pour mes deux enfants qui possédaient des qualités ! »

De son côté, l’ex-président-directeur général du Groupe Saidal, Ali Aoun, a affirmé, jeudi dernier, que son implication dans l’affaire Khalifa est « un scénario monté de toutes pièces » pour l’« écarter » de la gestion de l’entreprise , alors qu’il a été l’un des 3 gestionnaires sur les 25 à avoir « refusé » de faire des dépôts au niveau de la banque Khalifa, et ce malgré l’instruction émanant du directoire du Fonds de participation de l’Etat.

Dans ce contexte, il a signalé au président en charge du dossier que ce refus lui a même valu un « blâme » de la part de ce même directoire.

Le juge Antar Menouar a interrogé Ali Aoun, accusé de corruption et de trafic d’influence notamment sur les quatre comptes que détenaient les unités de distribution de médicaments du groupe au niveau des agences Khalifa.

« Les quatre comptes appartenaient à des unités de distribution, sachant que sur les 300 clients grossistes de Saidal, 60 % payaient Khalifa par chèque. C’est une manière d’escompter ces comptes et cela se faisait le jour même », a expliqué M. Aoun, ajoutant que Saidal disposait d’un compte au niveau du Crédit populaire d’Algérie qui l’a « beaucoup aidé » pour relancer le groupe. « Il n’y avait [donc] aucune raison de changer ».

Il a aussi indiqué qu’un montant de 59,6 millions de dinars a été récupéré grâce à lui par une technique de gestion appelée « transfert de créances ».

Pour ce qui est de la convention conclue avec le Groupe Khalifa Médicament, Ali Aoun a précisé que la convention a été signée par l’une des filiales du groupe qui jouissent d’une autonomie financière et de gestion, exprimant, par la même occasion, « son regret que le projet n’ait pas abouti ».

Le projet entre la filiale de Saidal, Pharmal et le Groupe Khalifa consistait à produire une trithérapie pour sidéens, et dont les coûts devaient être totalement à la charge du Groupe Khalifa. Le groupe privé, qui disposait déjà selon Aoun du dossier technique, devait importer la matière première, aménager le local et assurer la formation des travailleurs.

Concernant le véhicule de marque Citroën considéré par l’accusé comme « mesure d’accompagnement au projet », Aoun a déclaré qu’« il ne s’était rendu compte que la carte jaune était à son nom que six mois plus tard », insistant sur le fait d’avoir payé son prix auprès du liquidateur avec des intérêts, et ce en avril 2004.

« Pourquoi le groupe Khalifa aurait-il cherché à me corrompre ? » s’est-il interrogé, ajoutant que c’est « plutôt le Groupe Saidal qui était bénéficiaire dans cette affaire ».

Quant à la carte d’accès au complexe de thalassothérapie de Sidi Fredj, l’ex-P-DG de Saidal, qui a nié tous les faits, a soutenu non seulement ne l’avoir jamais utilisé mais jamais vu, lançant, avec un brin d’humour préférer de loin Hammam El-Ouane

L’OPGI, les milliards et Khalifa

Par ailleurs, les cadres des OPGI qui se sont succédé aux auditions soutiennent avoir déposé de l’argent au sein de Khalifa en vertu de conventions.

En outre, les responsables et les cadres des Offices de promotion et de gestion immobilière (OPGI) de certaines wilayas de l’ouest du pays ont nié, avant-hier, les faits qui leur sont reprochés dans l’affaire Khalifa, indiquant que les placements auxquels ils ont procédé l’ont été conformément à des conventions signées.

Les directeurs des OPGI, qui répondaient aux accusations de corruption, de trafic d’influence et de bénéfice de privilèges et d’avantages en contrepartie de placements au sein de la banque Khalifa, ont rejeté en bloc les faits et ont affirmé avoir « procédé à ces dépôts en vertu de conventions signées entre leurs entreprises et ladite banque, et avec l’aval, pour certains d’entre eux, de leurs conseils d’administration respectifs ».

L’ex-chef de service des finances et du budget à l’OPGI de Relizane, Bencetta Ali Tayeb, a déclaré devant le juge Menouar Antar avoir déposé un montant de 3 milliards de centimes, conformément à la convention signée par le directeur général, Bacha Said, et ramenée à l’unité par le directeur de l’unité, Ouail Abdelhamid.

Ce dernier a confirmé les propos du chef de service, précisant que la direction générale de l’OPGI a déposé 80 millions de dinars et UPI (unité de promotion immobilière) 30 millions de dinars.

Le chef du service de l’administration et de la comptabilité de l’OPGI de Relizane, Berkat Benachir, a pour sa part indiqué avoir procédé au placement de 80 millions de dinars, comme le stipulait la convention signée entre son entreprise et la banque Khalifa, précisant, en réponse au procureur, qu’il n’y avait pas eu de « réunion du conseil d’administration car son mandat avait expiré ».

L’ex-directeur de l’agence foncière de Aïn Témouchent a expliqué avoir fait des placements sur plusieurs tranches, en retirant près de 100 millions de dinars de la Banque de développement local et du Crédit populaire d’Algérie, selon la convention signée suite à la résolution du conseil d’administration.

L’ex-PDG de l’entreprise publique de réalisation des grandes œuvres d’Oran, Belhachemi Khedouja, a expliqué que le placement de 229 millions de dinars au sein de la Banque Khalifa a été motivé par les taux d’intérêt qui étaient alléchant, mais aussi par les « dysfonctionnements » constatés au sein des banques publiques.

Elle déclare détenir des copies des résolutions du conseil d’administration, qui lui demandait de procéder à des « placements à des taux attractifs », ajoutant, en réponse à une question du procureur sur les garanties, que « la garantie pour nous était que cette institution financière était agréée par la Banque centrale ».

Les accusés, qui ont comparu devant le juge, ont tous infirmé avoir pris des « commissions, bénéficier de carte de transport gratuit sur Khalifa Airways », allant jusqu’à dire, pour certains, que les noms qui figurent sur les listes trouvées au sein des agences Khalifa ne sont autres que des homonymes et non des membres de leurs familles.

Il convient de signaler qu’au dixième jour du procès Khalifa, qui se poursuivra aujourd’hui, dix accusés comparaîtront alors que le nombre, depuis le début, est de 30 inculpés.

Les débats se poursuivront aujourd’hui.