Des finances publiques saines sont incontournables pour sortir du cercle vicieux de la faible croissance par l’endettement et favoriser la refondation d’un nouveau modèle de développement économique élargi et inclusif en Algérie.
Ceci est d’autant plus important que la politique budgétaire (levier de gestion macroéconomique depuis les réformes des années 1990) cible la formation d’une épargne publique à travers le mécanisme du prix fiscal de référence, assure la redistribution de la rente pétrolière par le biais de subventions importantes couvrant une variété de produits de consommation et de projets d’investissement et constitue en dernière analyse un important levier de relance et de soutien de l’activité économique à travers la dépense publique.
Le rôle économique crucial assigné à la politique budgétaire est cependant affaibli par des vulnérabilités et des risques variés liés à la prépondérance du pétrole dans la composition des recettes et le financement des dépenses, la faible résilience de l’économie par rapport aux chocs extérieurs (nombreux dans un monde géopolitique et économique incertain) et l’importance du secteur public en termes d’institutions et au niveau de la formation de la valeur ajoutée.
Ces vulnérabilités et risques ont entrainé une accumulation de déficits budgétaires hors pétrole très élevés depuis des années et ont conduit à une croissance modeste, une baisse du ratio recettes fiscales/PIB, une hausse de la dette publique, une pression sur les prix et contre toute attente une appréciation de la monnaie nationale, résultat de l’orientation erronée de la politique de change en direction de la lutte contre l’inflation.
En 2025, le rééquilibrage des finances publiques revêt une importance stratégique au vu de l’ampleur de l’ajustement budgétaire de plusieurs points de pourcentage du PIB hors pétrole. Ce dernier passe par un compromis politique et social, une approche progressive et la mise en place de mesures budgétaires, institutionnelles et techniques dans le contexte d’une stratégie de restauration de la viabilité des finances publiques qui devrait être cohérente avec une stratégie globale de refondation de l’économie algérienne. Discutons de tous ces points.
L’endettement public peut soutenir la croissance économique dans un contexte de stabilité macroéconomique et de viabilité budgétaire
Trois points fondamentaux :
La viabilité des finances publiques est fondamentale pour préserver la stabilité macroéconomique
asseoir une croissance saine sur le moyen terme et promouvoir une redistribution de la rente à travers une fiscalité progressive et des programmes sociaux bien ciblés en matière de santé, d’éducation et de prestations sociales. De tels éléments sont à même de contribuer au bien-être de la population.
La dette publique peut financer des dépenses publiques et stimuler l’investissement productif
à condition de restaurer et/ou préserver la viabilité des finances publiques du pays. Cette dernière est symbolisée par un ratio dette publique /PIB stable ou en baisse sur le long terme, ce qui implique que les taux d’intérêt sur les emprunts restent inférieurs au taux de croissance économique. Seule une politique budgétaire viable, avec des excédents budgétaires primaires et une croissance positive, peut maintenir un ratio dette publique/PIB stable ou en baisse à long terme et contribuer à la stabilité économique.
Un cadre institutionnel et technique doit encadrer l’endettement public
Cela inclut une stratégie de mobilisation des ressources, des indicateurs de capacité de remboursement, l’affectation des ressources mobilisées au profit des investissements productifs et une coordination entre la politique budgétaire, monétaire et le secteur réel.
La question de la viabilité des finances publiques en Algérie
Quelques points d’analyse à ce sujet :
Un modèle économique obsolète assis sur les hydrocarbures fragilisant la croissance et les finances publiques notamment dans un contexte mondial en recomposition énergétique.
En 2025, le monde est en pleine recomposition économique, financière, énergétique et géopolitique. Cette recomposition ne manquera pas d’intensifier les chocs externes qui testeront la résilience de l’économie algérienne qui devra également faire à un épuisement de ses réserves d’hydrocarbures d’ici le milieu du siècle. Les baisses de recettes qui en découleront, combinées au trend démographique haussier (60 millions d’habitants en 2050) exerceront de fortes pressions sur les comptes budgétaires et externes du pays.
Du fait de la volatilité des prix mondiaux des hydrocarbures, le modèle économique actuel ne permet pas le maintien de la stabilité économique, favorise le recours à des politiques contracycliques et compromet la non viabilité des finances publiques qui se lit à travers un déficit primaire (recettes totales hors dons moins les dépenses primaires- soit la masse salariale, les biens et services et les transferts et subventions) et la montée de la dette publique. Un déficit primaire conduit à un financement monétaire des investissements.
Des déficits budgétaires globaux répétés bloquant l’économie du pays dans un cycle de faible croissance, d’inflation, d’endettement et de fragilité du secteur extérieur.
Contenu dans une moyenne de 25% du PIB hors pétrole entre 2000-2023, le déficit budgétaire hors pétrole de l’Algérie devrait atteindre 29,5 % du PIB hors pétrole en 2024.
En 2025, il devrait légèrement diminuer à 26,6 % du PIB hors pétrole et 25 % du PIB hors pétrole en 2027, Alors qu’elle se situait à 22,8 % du PIB au cours de la période 2000-2020, la dette publique a augmenté à 45,7 % du PIB en 2024 et devrait continuer à grimper pour atteindre 50,4 % du PIB en 2025 puis 50,5 % en 2027 (la baisse attendue des prix des hydrocarbures pourrait creuser le déficit et accroitre la dette publique).
En raison de tels niveaux de déficits budgétaires et d’endettement public, la croissance (bloquée à 3% en moyenne entre 2000-2020) n’a atteint que 3,8 % en 2024 et évoluera autour de 3,5 % entre 2025 et 2027 (soutenue essentiellement par des augmentations des dépenses publiques), des niveaux inférieurs au potentiel de l’économie en raison de l’inefficacité des investissements publics et d’une faible productivité.
D’une moyenne de 3,9 % entre 2000-2020, l’inflation a atteint 5,8 %, en 2024, exerçant une forte pression sur le pouvoir d’achat des ménages. Elle devrait décliner pour se situer à 5,2 % en 2025 et 4,8 % en 2027. Les comptes extérieurs seront également affectés par la stagnation des prix du pétrole, avec une réduction du surplus du compte courant à 1,3 % du PIB en 2024 avant de pivoter vers des déficits en hausse de 0,8 % du PIB en 2025 à 2,9 % du PIB en 2027.
Les facteurs explicatifs d’une politique budgétaire non soutenable en Algérie
Cette situation est le résultat de plus de vingt années de politique budgétaire expansionniste, de formes de financement malsaines des déficits successifs et de l’accumulation de faiblesses et vulnérabilités budgétaires. Entre 2000 et 2024, nous notons :
Une politique budgétaire expansionniste pérenne
reflet d’une option de croissance à court terme dont le corollaire est le maintien d’un déficit global hors pétrole et d’une forte hausse de l’endettement public domestique comme le suggèrent les données ci-dessus.
Une couverture des déficits par des ressources hétérogènes ne prenant pas en compte la nécessité d’un équilibre entre croissance économique et viabilité des finances publiques
Notons le recours à l’épargne budgétaire, les tirages sur les comptes des entités publiques au Trésor, la création monétaire (2017, 2018 et 2019), la diminution des dépôts du gouvernement et d’autres entités publiques (2020), une combinaison de mesures (investissement d’une partie des fonds propres de la Banque d’Algérie (BA) dans des obligations du Trésor à trois ans et avances temporaires au Trésor de la part de la BA), un programme spécial de refinancement (opération impliquant la BA, l’État, les banques privées et le Trésor (2021), le recours à l’épargne financière en 2022 et 2023 et la création monétaire en 2024.
Une accumulation de vulnérabilités structurelles sous-jacentes
Citons :
(1) la faiblesse des recettes fiscales
(10,7% du PIB de recouvrement par rapport à un optimum de 15% du PIB en 2024) en raison de
- (i) la prolifération des exonérations fiscales et douanières (vu que tous les impôts et les droits de douane prévoient des exonérations généreuses et multiples, les taux statutaires des impôts et droits de douane sont pour la plupart élevés par rapport aux taux effectifs) ;
- (ii) le problème de l’assiette fiscale et de certains taux ; ajoutons également une structure de l’impôt inadéquate qui sanctionne l’effort et fait peser l’effort d’imposition sur les travailleurs et
- (iii) la faiblesse de la gouvernance de l’administration fiscale et douanière ; l’administration fiscale et douanière dépense environ $3 pour collecter $1 d’impôt, comparativement à un ratio de $1,5 pour $1 au niveau des pays avancés.
Cette inefficacité reflète une bureaucratie lourde, des technologies obsolètes, un manque de formation et une faible gouvernance ;
(2) le poids des dépenses courantes hors intérêt, dont la masse salariale et les subventions et transferts
(27,7 % du PIB)
(3) l’inefficience des dépenses en capital
du fait des faiblesses de la chaine de gestion des investissements publics occasionnant pertes et surcoûts. Du fait de cette inefficience les deux dernières décennies ont été marquées par :
- (une faible croissance économique (des depenses de qualité auraient pu ajouter 0,5 points de croissance et fait gagner au pays plus de $50 milliards au PIB de 2024) ;
- la perte de nombreux emplois ; et
- la hausse du coût de la création de chaque emploi par rapport aux normes internationales. Ces manques à gagner ont également conduit à une perte de recettes fiscales.
La montée de risques additionnels a davantage dégradé les finances publiques.
- (1) les chocs macroéconomiques (les plus fréquents) ;
- (2) la variation des prix du pétrole ;
- (3) les garanties implicites et explicites accordées aux entreprises publiques et banques ;
- (4) le déséquilibre financier du système de retraites ;
- (5) les partenariats public –privé ; et
- (6) le poids financier des administrations locales.
Des avantages fiscaux participant d’une vision passéiste du développement qui apportent peu à la croissance économique, érodent la base fiscale et réduisent le recouvrement des recettes fiscales.
Plusieurs régimes d’exonérations fiscales sont en place pour encourager l’investissement domestique et international et diversifier les sources de croissance économique et soutenir les start-ups, les produits de première nécessité et le commerce extérieur.
La rationalisation des avantages fiscaux et douaniers entreprise depuis 2020 a permis de faire passer leur niveau de $12,4 milliards en 2014 à $4,7 milliards en 2025. Ceci étant, ces avantages fiscaux érodent la base fiscale et affaiblissent le recouvrement des recettes publiques, avec un ratio recettes fiscales /PIB en baisse de 12,2 % en 2014 à 11,2 % en 2024, bien en deçà du potentiel de 15 % du PIB.
Pour sa part. la croissance hors hydrocarbures est restée faible, avec une moyenne de 4,4 % entre 2000 et 2020, et une prévision de 3,2 % en 2025. Les exportations hors hydrocarbures stagnent autour de $3,5 milliards.
Une masse salariale considérable
équivalente à 33,6 % des dépenses courantes. Un niveau considérable résultant d’une hausse de recrutements dans certains secteurs prioritaires et de l’accroissement des salaires.
Cette masse salariale est une des plus élevées dans la région du Moyen Orient et Afrique du Nord. Une telle masse salariale ne signifie nullement une administration performante. De plus, la structure des salaires dans l’administration exacerbe l’écart avec celle du secteur privé et ralentit le développement de l’investissement productif privé.
Des subventions et transferts sociaux manquant de ciblage, coûteux et qui n’ont pas enrayé un creusement des inégalités sociales au cours de ces dernières années
Les transferts sociaux sont conçus pour alléger la charge financière des individus et des familles (allocations familiales, pensions pour les retraités, soins de santé, aide aux moudjahidines et assistance aux personnes à faibles revenus, démunis et handicapés).
Les subventions, quant à elles, sont des fonds publics alloués pour maintenir les prix de certains produits ou services à un niveau bas. Bien que ces dernières jouent un rôle important dans le soutien de divers secteurs, elles se distinguent par :
(1) leur coût élevé ($40 milliards ou 16% % du PIB en 2024) qui augmente avec les fluctuations des prix mondiaux
(2) leur manque de ciblage, bénéficiant de manière disproportionnée aux ménages les plus riches, ce qui les rend inefficaces pour lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales.
En outre, elles conduisent à la surconsommation et au gaspillage, découragent l’investissement dans des secteurs clés tels que l’agriculture et l’énergie et favorisent des activités économiques informelles et la contrebande.
Notons enfin que les subventions sont des facteurs de distorsion des marchés, nuisent au potentiel de croissance économique et mobilisent des ressources importantes qui auraient pu être consacrées à financer des dépenses publiques plus productives.
En outre, elles n’arrivent pas à enrayer le processus de creusement des inégalités des revenus en Algérie causée par la dépendance du pays vis-à-vis des revenus pétroliers et gaziers, les disparités régionales et l’accès inégal à l’éducation et à l’emploi.
Les ménages les plus riches captent une part importante du revenu national, tandis que ceux des régions rurales et défavorisées font face au défi de la hausse marquée du coût de la vie.
Un nouveau dispositif budgétaire de solidarité national doit être mis en place avec un meilleur ciblage et à un moindre coût.
Une faible efficience des investissements publics :
illustrée par cinq indicateurs clés. Premièrement, le ratio production/capital supplémentaire est de 8 pour 1, alors que la moyenne dans les pays avancés est de 3 pour 1, ce qui signifie qu’il faut dépenser 8 DA en capital pour obtenir 1 DA de valeur ajoutée.
Cela indique une faible productivité. Deuxièmement, le multiplicateur de dépenses en capital montre que les investissements publics n’atteignent qu’un potentiel de 40 %.
En améliorant la gestion des investissements, 60 % de résultats additionnels pourraient être réalisés. Troisièmement, la qualité des infrastructures est évaluée à 76 %, laissant une marge d’amélioration de 24 %.
Ce taux est inférieur à celui des pays ayant une meilleure gestion. Quatrièmement, les surcoûts pour les grands projets, comme les routes et les chemins de fer, s’élèvent à environ 30 %, souvent à cause de la mauvaise gouvernance et de divers défis logistiques.
Enfin, malgré des progrès, les retards d’achèvement des projets sont estimés à 24 mois, entraînant des dépassements de coûts de 10 % à 20 %, selon le type de projet.
Les grands axes d’une stratégie bien conçue de rééquilibrage progressif de sa politique budgétaire pour appuyer le retour à la stabilité économique, contribuer à la croissance économique et favoriser l’emploi.
Un retour progressif à des finances publiques viables pour favoriser une croissance économique saine, forte et élargie en Algérie est une priorité stratégique.
Elle permettra d’assurer le retour à une bonne gestion macroéconomique du pays, de reconstituer des marges financières, de favoriser une croissance économique saine, durable et élargie et de prendre en charge les défis domestiques (dont le changement climatique et la pression démographique) et externes (recomposition du contexte géostratégique, économique et énergétique mondial) dans le cadre d’une stratégie à long terme de refondation du modèle économique et social. Concrètement, cela implique :
Une vision stratégique des finances publiques à long terme :
qui permet l’ancrage du budget dans une perspective décennale. En plus du maintien de la stabilité économique à court terme, la politique budgétaire a vu ces dernières années son rôle s’élargir avec la prise en charge de nouveaux défis structurels à long terme, tels que la croissance durable, la réduction des inégalités sociales, l’adaptation au changement climatique et l’investissement dans l’innovation. Ipso facto, la conduite de la politique budgétaire doit s’inscrire dans le contexte d’une approche plus stratégique et proactive pour renforcer la discipline budgétaire.
La définition d’un cadre budgétaire sain et équitable sur le plan intergénérationnel (au bénéfice des générations futures) autour de deux points d’ancrage, notamment des excédents primaires et des niveaux d’endettement soutenables.
Pour le premier point d’ancrage et dans le cas de pays disposant de ressources naturelles comme l’Algérie, l’indicateur qui rend compte de la santé des finances publiques est le ratio déficit global hors pétrole/PIB hors pétrole.
L’approche du revenu permanent (comme cadre d’analyse intergénérationnel des dépenses au vu de la durée de vie des ressources naturelles) et le calcul de multiplicateurs des dépenses courantes et en capital propres à l’Algérie suggèrent un ratio déficit global hors pétrole PIB hors pétrole de 12 % du PIB hors pétrole. Avec un déficit global hors pétrole à fin 2024 de 29,5 % du PIB hors pétrole, ceci implique un ajustement significatif de 17,5 points de pourcentage du PIB hors pétrole (soit 5049 milliards de DA à retirer à travers des hausses de recettes et des baisses de dépenses).
Pour le second point d’ancrage, le ratio endettement public/PIB se situe à 45,7% du PIB à fin 2024, soit dans la fourchette des taux d’endettement de 46%-69% du PIB propre aux pays exportateurs de produits naturels. Vu la faiblesse de la dette extérieure ($1,3 milliards), le défi pour l’Algérie est donc de maintenir ce taux d’endettement intérieur et de le faire baisser le cas échéant.
Un rééquilibrage budgétaire crédible offrant une visibilité macroéconomique au pays (surtout si on veut attirer les véritables investisseurs intérieurs et extérieurs).
Deux conditions à remplir : (1) être d’ampleur pour marquer la volonté des autorités d’assainir les finances publiques ; et (2) disposer d’objectifs clairs en termes de recettes, dépenses et déficit budgétaire global hors pétrole.
Un rééquilibrage symétrique portant sur les recettes, les dépenses et la structure de financement des déficits.
En premier lieu, les réformes devront affecter les recettes publiques, notamment la politique fiscale (refonte des taux d’imposition et des assiettes fiscales), les exonérations fiscales et douanières (à bannir) et la gouvernance de l’administration fiscale et douanière (à renforcer considérablement).
En second lieu, elles devront viser à rationaliser les dépenses courantes hors intérêt (masse salariale et subventions et transferts) et renforcer l’efficience les dépenses en capital en repensant toute la chaine de gestion institutionnelle des projets publics. Les réductions de dépenses sont difficiles à mettre en œuvre au vu des besoins sociaux urgents.
Dans ce cas, il serait souhaitable de procéder alternativement à un meilleur ciblage des dépenses en fonction des priorités du budget-programme. En troisième lieu, les réformes couvriront la structure de financement des déficits qui devra faire l’objet d’une règle budgétaire en vertu de laquelle les financements doivent provenir de sources variées et stables et assurer un équilibre entre croissance économique et viabilité des finances publiques.
Plus important, vu l’ampleur et le temps nécessaire pour conduire un tel ajustement budgétaire, un plan pluriannuel soigneusement conçu fournirait une feuille de route claire, transparente et responsable, contribuant à garantir l’adhésion de la population et des investisseurs.
La réhabilitation du mécanisme du prix de référence fiscal pour faciliter une gestion budgétaire proactive et s’inscrire dans une perspective intergénérationnelle.
En calant les dépenses par rapport à des niveaux précis de recettes budgétaires et en cohérence avec un objectif de déficit budgétaire compatible avec une trajectoire de consolidation budgétaire, un tel mécanisme assure la crédibilité de la politique budgétaire, permet de créer des marges budgétaires pour prendre en charge le financement des défis structurels de l’heure.
De plus, les revenus calculés sur la base du différentiel entre le prix de référence fiscal et le prix de marché des hydrocarbures seront logés dans un véritable fonds intergénérationnel.
La mise en place d’une nouvelle infrastructure institutionnelle, technique et juridique pour faciliter le rééquilibrage budgétaire et favoriser une croissance économique saine et élargie.
Ceci inclut :
Un département macro-budgétaire (DMB) au sein du ministère des Finances
qui visera à évaluer l’impact des changements budgétaires sur les objectifs économiques et fiscaux. Ce département jouera un rôle essentiel dans la définition des objectifs fiscaux à moyen terme, la proposition des orientations politiques et l’évaluation des risques budgétaires, en assurant l’alignement entre les évolutions macroéconomiques et les projections fiscales.
Le DMB sera responsable d’analyser les effets des politiques fiscales sur la dette publique, la croissance économique et les enjeux structurels à long terme, tels que les tendances démographiques, les dépenses sociales et le changement climatique.
Il suivra également les risques budgétaires et ajuste les projections pour faire face à d’éventuels déséquilibres, garantissant ainsi l’efficacité des politiques fiscales et contribuant à une croissance économique durable.
Un cadre macro budgétaire (CMB), outil de planification stratégique à moyen terme :
le CMB mettra l’accent sur la politique budgétaire globale du gouvernement et sur sa viabilité sur une période à moyen terme (généralement de 3 à 5 ans). Plus particulièrement, le cadre macro budgétaire :
- (1) aidera à orienter et suivre les politiques budgétaires pour garantir la stabilité économique à long terme ;
- (2) permettra aux autorités de prendre des décisions basées sur la viabilité budgétaire, la gestion des risques et des objectifs macroéconomiques généraux
- (3) définira des objectifs budgétaires (recettes, dépenses, déficits, dette) tout en soutenant les choix fiscaux et de dépenses en lien avec la croissance et la réduction de la dette
- (4) contribuera à prévenir les risques financiers et les déséquilibres
- (5) gèrera les risques (déficit budgétaire excessif, dette publique insoutenable, chocs économiques externes, variations des recettes fiscales, dépenses imprévues, dépendance excessive par rapport aux emprunts, inflation élevée, changements politiques et volatilité des marchés financiers) et conçoit des plans d’urgence
- (6) assurera un suivi des performances budgétaires pour ajuster les politiques si nécessaire. Enfin, il garantit que les décisions budgétaires à court terme n’affectent pas la stabilité à long terme, tout en guidant l’élaboration du budget à moyen terme et la préparation des budgets annuels.
Un cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), outil opérationnel :
précieux pour une gestion durable et efficace des finances publiques, combinant planification, stabilisation économique, suivi et gouvernance. En offrant des prévisions budgétaires sur trois à cinq ans, il permettra d’avoir une perspective à moyen terme sur les finances de l’État, de mieux planifier les dépenses en définissant des objectifs clairs et en priorisant les besoins.
Cela assurera une répartition plus efficace des ressources et renforcera la gestion transparente et responsable des finances publiques. Il facilitera également la coordination entre les différentes institutions gouvernementales, alignant leurs actions sur des objectifs communs. Un autre rôle fondamental du CBMT sera la stabilisation économique. En fournissant un cadre prévisible et cohérent pour la politique budgétaire, il aidera à atténuer les impacts des fluctuations économiques et des chocs extérieurs, favorisant ainsi une croissance économique stable et durable.
Le CBMT comprendra des mécanismes de suivi et d’évaluation qui garantiront que les dépenses respecteront les prévisions initiales. Grâce à des critères de performance clairs et des indicateurs de suivi, les autorités pourront ajuster leurs stratégies budgétaires au besoin, dans le sens de la responsabilité et l’efficacité dans l’utilisation des fonds publics.
Enfin, le CBMT renforcera la gouvernance en améliorant la transparence et la responsabilité. En impliquant divers acteurs de la société civile et du secteur privé dans le processus budgétaire, il encouragera une plus grande participation et un contrôle citoyen, renforçant ainsi la confiance du public et la stabilité politique.
Des tests de résistance budgétaire :
aideront les autorités à évaluer leur capacité à faire face aux chocs économiques. Un test de résistance s’articulera autour de plusieurs étapes clés :
- 1) le développement de scénarios consistant à identifier les scénarios de stress financiers potentiels (récessions, hausse des coûts, etc.) ;
- (2) l’évaluation de l’impact de ces scénarios sur les recettes et les dépenses ; il est également important de vérifier si les réserves sont suffisantes pour couvrir les tensions financières prévues (la marge de contingence) ;
- (3) la production d’un rapport qui résumera les conclusions et les ajustements nécessaires ; et
- (4) des recommandations pour améliorer la résilience financière (augmentation des réserves ou diversification des sources de revenus). Ces étapes aideront les gouvernements à comprendre les risques financiers et à planifier les défis futurs.
Des règles budgétaires :
sont des indicateurs à long terme fixant des limites sur les budgets centraux afin d’assurer la responsabilité budgétaire et la viabilité de la dette publique. Quatre types principaux de règles qui peuvent porter sur l’équilibre budgétaire (exigeant un budget équilibré sur une période donnée), la dette publique (limitant son niveau), les dépenses publiques (contrôlant leur croissance) et les recettes (assurant leur stabilité).
Plus de 100 pays dans le monde ont adopté ces règles qui font souvent l’objet de lois, s’appliquent à différents niveaux de gouvernement (central, régional et local), incluent des clauses de sortie permettant leur suspension en période de crise et sont suivies de près par des entités indépendantes pour garantir leur respect.
Leur mise en œuvre améliore la discipline budgétaire, favorise la stabilité économique et encourage la planification à long terme. Cependant, ces règles posent certains défis : si elles sont trop rigides, elles peuvent limiter les options de correction en cas de crise, elles nécessitent un fort engagement politique et demandent un mécanisme de contrôle solide.
Un mix macroéconomique et structurel cohérent :
afin d’assurer l’intégration des politiques budgétaires, monétaires, de change et structurelles dans le sens d’un rééquilibrage budgétaire et du renforcement de la stabilité macroéconomique.
La politique budgétaire ne suffit pas à elle seule pour résoudre des problèmes structurels comme le chômage et la faible croissance, surtout si un ajustement du taux de change réel est incontournable.
La politique de change, notamment une dévaluation, doit être gérée avec prudence car elle peut affecter le déficit budgétaire et les prix. De plus, l’ajustement budgétaire est crucial pour contrôler la masse monétaire et le crédit, en évitant des politiques monétaires trop expansionnistes.
Enfin, des réformes structurelles, comme celles des entreprises publiques, peuvent influencer les recettes et dépenses budgétaires, et doivent être alignées avec les autres politiques pour réussir à stabiliser l’économie et favoriser une croissance durable.
Des réformes structurelles pour améliorer la création de la valeur ajoutée
Il serait souhaitable :
(1) d’intégrer le plan de rééquilibrage budgétaire dans une stratégie globale et cohérente à long terme de croissance élargie et inclusive et de désinflation. Pour ce faire, il faut éliminer les principales entraves que les investisseurs rencontrent.
Les priorités comprennent la réduction des formalités administratives, l’amélioration de l’accès au financement, le renforcement de la gouvernance, la transparence et la concurrence, l’ouverture de l’économie au commerce et à l’investissement étranger et l’amélioration du fonctionnement des marchés du travail ; une amélioration de la productivité et de la compétitivité extérieure ; et
(2) de se doter une bonne fois pour toutes d’outils de pilotage macroéconomique.
Par Dr Abdelrahmi BESSAHA
Expert international en macroéconomie et finance