Les nombreux amateurs de café «bien serré» doivent désormais faire très attention au liquide noirâtre qu’ils ingurgitent. C’est que tout baigne dans le noir chez plusieurs producteurs de café, qui ne s’accommodent pas des règles les plus élémentaires sur le plan de la qualité, selon une enquête menée par les services du ministère du Commerce. Les résultats de cette enquête font ressortir plusieurs infractions dans la production du café moulu, dont la plus grave relève de l’ajout de sucre dans la composition de ce produit qui donne un mélange du tonnerre, pour les malades diabétiques notamment. Ainsi, les résultats de cette enquête nationale, lancée par la direction générale de la Qualité et de la répression des fraudes du ministère, révèlent l’adjonction interdite de sucre, le goût amer, l’étiquetage frauduleux et la substitution par des ingrédients à bas coût. «L’objectif de cette enquête était de s’assurer que ce produit ne dégage aucune mauvaise odeur, ne représente aucun mauvais goût, a un taux d’humidité inférieur ou égal à 5%, ne contient pas plus de 0,2% d’impuretés et ne contient pas de sucre (..)».
Hélas, sur les 347 échantillons de café moulu analysés, 71 échantillons se sont avérés «non-conformes», soit un taux de 21%, signalent les résultats de l’enquête portant sur la conformité du café moulu et du produit dénommé «Torrefacto». Aussi, les analyses ont confirmé la présence de sucre dans des mélanges de cafés moulus avec des taux variant entre 1,5% et 7,5%, une pratique «interdite clairement» par les dispositions réglementaires régissant ce produit. «Ce type d’infraction est qualifié de tromperie, du fait que le produit en question ne répond pas à l’attente légitime du consommateur quant à sa composition», note le rapport de cette enquête. Les analyses ont également révélé que certaines marques de cafés moulus préemballés ont un mauvais goût, ou goût amer, dû à la non maîtrise des techniques de torréfaction. Pour précision, avant torréfaction, les grains de café vert n’ont aucun arôme, ni parfum, et c’est le processus de torréfaction qui fait paraître les arômes cachés dans les grains. On mettra à nu la majorité des fabricants locaux de cafés, qui mélangent le Robusta et l’Arabica avec toutefois, une concentration élevée du Robusta, au motif que ce dernier est beaucoup moins cher que l’Arabica. Le gain facile et rapide pousse des fabricants de café, qui prolifèrent d’une manière spectaculaire ces derniers temps, à faire fi de la santé des consommateurs en foulant aux pieds les règles de la qualité et d’éthique commerciale. Assez souvent, on entend des consommateurs se plaindre de maux et de brûlures d’estomac, d’appétit coupé, et autres bobos de santé. Mais, à de rares exceptions, accros qu’ils sont au café, personne ne peut s’en défaire définitivement.
Le consommateur, dindon de la farce
Quant au produit dénommé «Torrefacto», un café dont la torréfaction est réalisée par addition d’une quantité limitée de sucre, soit 5% maximum au cours du processus, l’enquête a porté sur la vérification du respect du taux de sucre ajouté dans ce produit, de la présence des mentions «Torrefacto» et du taux de sucre ajouté sur l’étiquetage. Et dans 8 % des cas, il a été mis à jour qu’aucune règle n’est respectée. L’enquête a, en effet, montré une non-conformité de 6 échantillons de produits dénommés «Torrefacto» sur 74 analysés. A propos de ces non-conformités, on signale essentiellement l’absence de la mention «taux de sucre ajouté» sur l’étiquetage, alors qu’il est obligatoire d’informer le consommateur et de respecter les proportions de sucre ajouté dépassant largement les 5%. On signale également que le produit «Torrefacto» reste méconnu par la majeure partie des consommateurs, qui le considèrent toujours comme étant café moulu, du fait de son mode de présentation qui se confond avec celui du café moulu (forme, couleur, etc.). Un usage qui crée un «embrouillement» dans les esprits des consommateurs et porte atteinte à sa santé, particulièrement pour les personnes «diabétiques», souligne encore l’enquête. Enfin, en l’absence d’un cadre réglementaire régissant le «Torrefacto», le ministère du Commerce a autorisé la mise sur le marché de ce produit avec l’obligation de préciser sur l’étiquetage de manière lisible, visible et indélébile la mention «Torrefacto», ainsi que le taux de sucre ajouté qui doit être inférieur ou égal à 5 %.
Aveu implicite d’une faille en matière de réglementation sur le marché du café, le directeur général de la Qualité et de la répression des fraudes Abderrahmane Benhazil, indiquera qu’un texte encadrant le «Torrefacto» et d’autres types de cafés est déjà en cours d’élaboration. En tout cas, et il était grand temps de la faire, 452 interventions aux différents stades de la mise en consommation des deux produits ont été menées au titre de cette enquête qui entre dans le cadre des évaluations de la conformité des produits mis sur le marché. Ces interventions ont, ainsi, donné lieu à la constatation de 163 infractions au double plan qualité et pratiques commerciales et l’établissement de 71 procès-verbaux à l’encontre des contrevenants.
Sur le registre des pratiques commerciales, les infractions relevées qui sont au nombre de 30 concernent le défaut de facturation (13 infractions), l’opposition au contrôle (9), l’absence de registre du commerce (4), l’exercice d’une activité commerciale différente de celle portée sur le registre du commerce (4). Le café commence, donc, à révéler son sombre parcours avant d’arriver au consommateur. Certes, l’Algérien est grand consommateur de café, mais ce n’est pas la seule raison qui pousse à la prolifération des marques sur le marché local, car certains tirant profit de l’absence de contrôle, et d’une réglementation défaillante, ont multiplié les gains sur le dos de la santé du consommateur.