La Tunisie se retrouve, en effet, presque dans le même schéma qu’en Égypte où les Frères musulmans ont vu progressivement la population se liguer contre eux.
Après Le Caire, le projet de construction d’une société régie que par des préceptes de l’islam est en pleine crise également en Tunisie, comme, par ailleurs en Turquie où le régime islamo-conservateur au pouvoir depuis dix ans fait aussi face à une vague de protestation sans précédent. En Tunisie, l’avertissement lors de l’enterrement, par plus d’un million de Tunisiens, de Chokri Belaïd, assassiné par le terrorisme-islamisme, n’aura pas tenu six mois.
Les assassins que l’enquête n’a pas encore débusqués mais dont les commanditaires sont connus de tous à Tunis, viennent de récidiver: Mohamed Brahmi, député et leader du Mouvement populaire (parti de gauche, membre l’opposition), a été tué par balles jeudi devant son domicile de
Tunis. Brahmi n’avait pas ménagé ses critiques envers le parti islamiste Ennahda au pouvoir, comme Belaïd également chef de parti moderniste. Reprenant la rhétorique des Frères musulmans du Caire, Rached Ghannouchi a crié qu’“il y a comme une volonté d’empêcher les Arabes notamment les pays du printemps arabe à faire aboutir leur expérience démocratique”. Comme en Égypte, des permanences du parti islamiste au pouvoir sont incendiés depuis jeudi après-midi et des manifestants se regroupent devant le ministère de l’Intérieur pour réclamer la chute du gouvernement islamiste. L’avenue centrale Habib Bourguiba de la capitale prend les allures de la place cairote Tahrir où a sonné le glas pour l’islamisme politique en Égypte. “À bas le parti des Frères, à bas les tortionnaires du peuple”, en référence aux liens étroits entre le parti islamiste Ennahda et la confrérie des Frères musulmans en Égypte, ont fusé et fusent encore de cette avenue dédiée au père de la Tunisie moderne.
Comme en Égypte, des Tunisiens ont eux aussi répondu aux desseins des islamistes de les voir “baisser la tête”, “marcher au pas” et “se détacher des valeurs républicaines, modernes et démocratiques”.
Ces manifestants contre l’ordre islamiste rappellent à Ghannouchi et consorts qu’ils ne se sont pas révoltés contre un dictateur, qui, pourtant, lui a offert une économie qui comptait parmi les meilleures du continent et une sécurité que beaucoup enviaient, pour offrir leur dignité et leurs libertés retrouvées à ceux qui ne sont capable de leur offrir que la panne économique, l’insécurité, l’instabilité, l’anarchie et la pauvreté matérielle et intellectuelle, fussent-ils sous couvert de la religion.
Plus de la moitié de la population, selon divers sondages, estime que le gouvernement islamiste n’a pas tenu ses promesses et qu’en définitive, son seul intérêt est l’application de la charia. Le bilan du parti de Ghannouchi est aussi piètre que celui des Frères musulmans Égypte dont Ennahda est une franchise maghrébine : malaise social et politique général, grogne populaire devant la montée vertigineuse des prix des denrées de base, ras-le-bol de la classe politique et des élites intellectuelles. Les Tunisiens sont de nouveau dans la rue, à l’instar du peuple égyptien, pour exiger le départ du pouvoir islamiste. Et Ennahda est loin d’être dans sa superbe des débuts. L’échec le plus spectaculaire de Ghannouchi, de son parti et d’autres formations islamiques était l’abandon de leur bébé: inscrire la charia en tant que source principale de la Constitution post-Benali.
Sous les coups de boutoir de la société civile, des pressions de la rue, Ghannouchi avait annoncé en personne son abandon. Très grande destination touristique, la Tunisie vit aujourd’hui dans l’enfermement par la faute de la gouvernance au mode islamiste. Autre similitude avec l’Égypte qui recevait presque 20 millions
de touristes par an. Et comme en Égypte, de plus en plus de Tunisiens exigent le départ du pouvoir des islamistes.
D.