Des jeunes filles, des mères célibataires ou des femmes divorcées : Aïn El Turck… «L’eldorado» des fugueuses

Des jeunes filles, des mères célibataires ou des femmes divorcées : Aïn El Turck… «L’eldorado» des fugueuses

Régulièrement, de jeunes et moins jeunes fugueuses originaires de différentes contrées du pays, atterrissent, après un long périple, dans la daïra d’Aïn El Turck, une région côtière qu’elles considèrent comme un eldorado.

Certaines, qui ne sont pas encore sorties de l’âge de l’adolescence, ont fui l’austérité imposée dans leur milieu familial. Le cas récent de cette jeune campagnarde âgée d’à peine 17 ans, que l’on appellera Amel, qui a fui, l’été dernier pour une seconde fois, la ferme de ses parents accrochée au flanc d’une montagne, loin de toute civilisation, située à Draâ El Mizane, dans la région de Tizi Ouzou et ce, avec l’intention de refaire sa vie, selon ses convenances. Après plusieurs jours d’errance dans la commune d’Aïn El Turck, au terme desquels l’adolescente a été sauvée in extrémis d’un viol collectif par un riverain du village côtier de Cap Falcon, Amel a eu la chance d’être recueillie par une famille, qui lui a offert le gîte et la nourriture et ce, après l’avoir au préalable signalée aux services de police de la Sûreté de daïra. Lors de son bref séjour chez ses bienfaiteurs, cette jeune fugueuse a confié au Quotidien d’Oran sa soif de découvrir un monde sans montagnes, sans vaches, sans moutons et sans tout ce qui a trait à l’ambiance prévalant dans la campagne. Elle a également affirmé être l’unique fille dans la fratrie des neuf membres composant sa famille et qu’elle «a toujours subi de mauvais traitements depuis sa tendre enfance et que ses frères lui ont interdit d’aller à l’école, lieu où elle se sentait plus être une enfant qu’une bonne à tout faire». Ses parents, qui ont lancé, entre temps, un avis de recherche auprès de la brigade de gendarmerie de leur lieu de résidence, ont pu être contactés en moins de 48 heures, à l’issue d’intenses investigations orchestrées par la famille qui a accueilli la jeune fugueuse sous son toit. Ils étaient comblés de joie en retrouvant enfin leur enfant grâce à un grand élan de solidarité, initié par ses bienfaiteurs, qui ont remué ciel et terre pour identifier, localiser et prendre contact avec l’un de ses frères en l’appelant sur téléphone mobile.

Cependant, deux mois environ après avoir réintégré la ferme familiale, le Quotidien d’Oran, qui a gardé le contact avec ses parents, a appris que la jeune fille venait de récidiver. En effet, en dépit d’une étroite surveillance imposée par ses proches depuis son retour au bercail, l’adolescente a encore réussi à prendre la poudre d’escampette. Mais cette fois-ci, les parents ont décidé d’un commun accord de répudier leur fille. «Même si un jour elle décidait de rentrer à la maison, nous ne l’accepterons pas. Sa énième fugue a été ébruitée dans notre village et c’est une honte pour la famille», a confié le père de la fugueuse au Quotidien d’Oran, avec une pointe de dépit perceptible dans la voix. Notre interlocuteur, un septuagénaire à caractère soupe au lait, qui a gardé toute sa fugue en ne rechignant pas sur le travail de la terre et ce, en dépit de son âge, a radoté «je ne lui pardonnerai jamais cette affront, qui a enfanté la risée à notre égard dans notre village». Toujours est-il que le cas de cette adolescente ne semble vraisemblablement pas être isolé et ce, en se référant à la présence du nombre élevé de jeunes fugueuses, parmi lesquelles figurent des dizaines de mères célibataires et de jeunes femmes divorcées, dans cette daïra côtière, qui constitue leur point de chute favori, où est répertorié l’essentiel des établissements de nuit que compte la capitale de l’Ouest. Selon le constat établi sur le terrain, la grande majorité de ces jeunes filles, dont certaines ont transité via des réseaux mafieux, ont intégré le tortueux et sournois monde de la nuit. Un certain nombre d’entre elles n’a pas complètement rompu le contact avec la famille et envoie presque régulièrement de l’argent à une mère malade, une sœur et/ou un père sans ressources. «Je fais croire à mes parents que je travaille dans une société à Oran.

Mais, je ne pense pas qu’ils sont aussi dupes. Il m’arrive souvent de leur rendre visite lors des fêtes de l’aïd», a confié une jeune divorcée, avec à sa charge un enfant, originaire d’une ville de l’Est, ayant fui le domicile familial près de six années auparavant, qui est depuis employée dans une boîte de nuit, sise dans la commune d’Aïn El Turck et espère fonder, bientôt, de nouveau un foyer avec son jules. D’autres jeunes fugueuses ont finalement réussi, après moult péripéties, à s’extraire du piège dans lequel elles ont foncé tête baissée, en fondant un foyer alors que d’autres attendent toujours en espérant voir un jour le bout du tunnel. Elles sont encore nombreuses celles qui ont des liaisons, plus au moins secrètes, avec un homme déjà marié, généralement beaucoup plus âgé, qui leur offre en compensation une appréciable prise en charge, financièrement parlant. «Certaines sont là depuis des années. Elles étaient jeunes lorsqu’elles ont débarqué dans ce métier. D’autres ont réussi par contre à refaire leurs vies en épousant un client, qui est tombé amoureux.

Ces dernières sont aussitôt remplacées et la vie continue ainsi dans ce monde, parfois cruel. Un établissement de nuit n’est pas en mesure de travailler sans la présence de jeunes femmes», a commenté en substance le tenancier d’un des établissements de nuit jalonnant cette contrée où ces jeunes fugueuses, venues des villes et des villages de l’intérieur du pays, animent depuis la nuit des temps l’essentiel de l’ambiance nocturne.