Les grandes villes sont les meilleurs exemples pour illustrer ce rush de campagnards en quête de petits boulots. Loin des rêves qu’ils caressaient avant l’aventure, ces malheureux s’engouffrent dans des situations inextricables. Ils se retrouvent ainsi à assumer les tâches les plus dures pour des rémunérations dérisoires. Et cela sans parler des innombrables contraintes liées à l’hébergement, la restauration et les conditions de travail en général.
La cherté de la vie contraint de plus en plus de jeunes gens à emprunter les chemins tortueux de la débrouillardise. Ces jeunes à peine sortis de l’enfance, se mettent à la recherche de petits travaux pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, et, souvent, aider leurs familles, généralement très pauvres, à atténuer, un tant soit peu, leurs souffrances.
Ces parias, laminés par le dur train de vie qu’ils mènent dans leurs patelins respectifs, conjugué à tous les maux et fléaux sociaux corollaires, ne ratent pas la moindre occasion pour «émigrer» dans les villes, dans l’espoir de dénicher un quelconque boulot. Les grandes villes sont les meilleurs exemples pour illustrer ce rush de campagnards en quête de petits boulots.
Loin des rêves qu’ils caressaient avant l’aventure, ces malheureux se s’engouffrent dans des situations inextricables. Ils se retrouvent ainsi à assumer les tâches les plus dures pour des rémunérations dérisoires.
Et cela sans parler des innombrables contraintes liées à l’hébergement, la restauration et les conditions de travail en général. En effet, ils sont des milliers à travailler dans les restaurants, cafés et autres débits de boissons de la capitale.
Un point commun entre eux : la précarité des travaux qu’ils exercent. Ils sont soumis au diktat des propriétaires de ces commerces. Très maigres traitements mensuels, horaires de travail excessivement exagérés, point de couverture sociale et autres droits inhérents à la législation du travail, pas de congé, sont autant de “bobos” auxquels sont confrontés ces humbles gens.
Mahmoud est peut-être l’exemple le plus édifiant de cette mésaventure. Il n’aurait jamais imaginé qu’il se retrouverait petit vendeur de cigarettes au «Square» 10 ans après avoir quitté son village lointain en haute Kabylie. Entre ces dates phares, il est très difficile de retracer le parcours de ce jeune villageois parti à la fleur de l’âge, séparé de ses parents de manière précoce, et combattant les aléas de la vie en solo.
Aujourd’hui, hormis sa petite «table» de cigarettes, Mahmoud est veilleur de nuit dans un hôtel de la capitale qui constitue pour lui plus un abri qu’autre chose. «J’ai travaillé dans plusieurs restaurants et cafés à Alger, mais je n’ai jamais tiré profit de mes efforts», avoue-t-il non sans amertume. S’il a choisi à présent de revendre des cigarettes en détail, c’est qu’il gagne beaucoup plus en se fatiguant moins.
Le gagne-pain des parias !
Comme Djamel, ils sont nombreux. Sofiane, son ami, 25 ans à peine, vient de débarquer dans la capitale en provenance de M’sila. A la difficulté de s’adapter aux nouveaux paysage et mode de vie, s’ajoutent la rareté de ces petits travaux mêmes. La raison : c’est tous les jeunes qui fuient leurs douars, traqués par le chômage et la malvie, ce qui engendre une hausse vertigineuse de la demande ces dernières années. D’où la pénurie de l’offre d’emploi.
Cette réalité, loin de désamorcer une situation qui échappe à tout contrôle des autorités, a davantage enfoncé le clou. M’hamed a fini par décrocher un poste de travail, s’il en est un, dans la buanderie d’un quartier populaire algérois, après huit mois de vagabondage. Il travaille tous les jours de 8h à 20h, il effectue toutes les besognes seul sous le regard menaçant de son patron… pour 8 mille dinars par mois. M’hamed n’est pas allé voir ses parents depuis près d’une année.
«A chaque fois que j’émets le voeu d’y aller, le patron me le refuse sous prétexte qu’il n’y a personne pour me remplacer», dit-il, feignant de tenir le coup, à son corps défendant, tenu qu’il est de travailler, les souvenirs des longues journées monotones sans le sou au bled présent toujours dans sa tête. Dans une cafétéria chic d’un boulevard huppé de la capitale, un groupe de jeunes y assure le service depuis déjà plus de deux années.
Pourtant, la propreté des lieux, le marbre et le bois luxueux, la prestation de service et la qualité de la clientèle ne reflètent guère la situation socioprofessionnelle de ceux qui veillent sur les lieux.
Renseignement pris, Djamel, Khireddine, Yahia et Mourad, pour ne citer que ceux-là, mènent une vie digne des «Misérables». En plus des salaires dérisoires qu’ils perçoivent en contrepartie de leur souffrance, ces jeunes doivent improviser chaque jour que Dieu fait pour s’entasser dans une chambre exagérément exiguë pour pouvoir passer leurs nuits.
Pour bénéficier d’un relâche de quelques jours, ils doivent assurer des journées de travail avancées, car n’ouvrant pas droit à un congé. «Même durant le mois de ramadhan, où l’établissement baisse rideau, le patron nous rappelle pour effectuer des travaux d’embellissement et autres décors», nous confie Djamel, exprimant par là même toute la détresse de ses copains surexploités. Des exemples de la sorte sont légion. Et ce n’est pas les enfants qui travaillent dans les marchés qui risquent de contredire cette réalité.
La douzaine à peine entamée, Samir se lève chaque jour à 5h du matin, pour rentrer chez lui très tard dans la nuit, épuisé, avec quelques légumes et fruits pour nourrir sa famille et quelques sous également.
Dans l’enfer des chantiers d’Alger
S’il existe un lieu où le travail précaire trouve parfaitement son explication, c’est bien dans les chantiers de bâtiment. Ce secteur, en pleine expansion ces dernières années, offre des opportunités d’embauche pour des centaines de jeunes à la recherche de gagne-pain.
Cependant, force est de constater le calvaire de ces travailleurs. Dans certains chantiers à l’est de la capitale, les travailleurs changent chaque semaine. Pourquoi? «Ici, les conditions de travail sont tellement inhumaines, que le plus résistants des ouvriers ne saurait résister au-delà d’un mois», explique Mohamed, un habitué de ce genre de travaux, rencontré sur la petite terrasse du café de “Qahwet Chergui”, où se rencontrent tous les ouvriers.
«C’est ici même qu’on vient nous chercher s’il y a du boulot à pourvoir », renchérit-il. Mohamed et Hicham qui sont venus le rejoindre au café sont tous deux de l’intérieur du pays. De Tablat (Médéa) plus exactement. Cela fait un peu plus de sept ans qu’ils se trimballent de chantier en chantier. Avec 600 DA la journée, somme qu’ils perçoivent dans un vaste chantier de bâtiment à Ben Mered à l’est de la capitale, ils arrivent à peine à sortir la tête de l’eau.
La petite masure qu’ils occupent pas très loin dudit chantier, dans un quartier pauvre, leur sert d’abri, de cuisine, de douche et de cave à matériaux à la fois. Le tout dans une superficie ne dépassant pas 10 m2. Sur le chantier, Abdallah, ferrailleur de son état, originaire de Relizane, ne quitte presque pas les lieux à longueur de journée. Il y passe la nuit en effet avec quelques autres, une fois les horaires de travail terminés.
«C’est ici que nous préparons à manger», dit le ferrailleur, montrant du doigt une petite pièce délabrée à l’extrémité du chantier, qui ressemble à tout sauf à une cuisine. Sous-payés, surexploités et sans toit, ces parias vivent dans le désarroi. Sans couvertures sanitaire et sociale, les maladies les guettent à chaque instant. «Mon ami Karim a dû retourner chez lui dans sa misère, après l’accident qu’il a eu l’an dernier ici dans ce chantier», fait savoir Abdallah non sans regrets.
En effet, Karim n’a résisté que quelques semaines après sa chute d’un échafaudage, car ne trouvant même pas de quoi subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Certains chantiers, sinon la quasi-totalité, fonctionnent comme une jungle, où le plus fort exploite les faibles, dans un monde, pourtant visible, qui échappe à tout contrôle.
M. C.