La facilité accordée aux opérateurs qui ont soutenu le quatrième mandat contraste avec les blocages dont souffrent ceux qui ont affiché une certaine neutralité.
La Banque mondiale avait publié, en 2009, un rapport phare intitulé “Des privilèges à la concurrence : renforcer la croissance par le développement du secteur privé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord”. Le rapport relève en filigrane que le capitalisme de connivence ou de copains est destructeur d’opportunités, de richesses et d’emplois. Le document souligne que la région, dans son ensemble, souffre d’une application discrétionnaire et arbitraire des lois et règlements par les administrations. Le problème ne relève pas d’un manque de réformes des textes, mais plutôt de leur qualité et de la perception largement répandue que le cadre réglementaire relatif aux entreprises tel qu’il figure “sur le papier” ne s’applique pas de façon égale à tous. “Alors que la concurrence est un moteur essentiel d’innovation et d’efficacité opérationnelle, les freins à l’entrée sur le marché et à la concurrence, ainsi que l’orientation des marchés financiers, des marchés fonciers et des stratégies industrielles en faveur de quelques privilégiés et au détriment du plus grand nombre étouffent le dynamisme économique et la croissance de l’emploi”, écrivait Simon Bell, expert de la Banque mondiale.
Selon lui, les liens entre décideurs politiques et économiques ont infléchi le développement de l’économie au profit de quelques acteurs bien placés qui avaient la mainmise tant sur les opportunités que sur les ressources. Le quatrième mandat du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, semble avoir accentué cette situation. La facilité accordée aux opérateurs qui ont soutenu le quatrième mandat contraste avec les blocages dont souffrent ceux qui ont affiché une certaine neutralité. “Entreprendre est extrêmement difficile, voire dans certains cas suspect”, estime un opérateur économique, précisant que l’opérateur qui n’a pas les faveurs des pouvoirs publics va rencontrer “tous les obstacles du monde”. Plusieurs projets d’investissement ont été bloqués ou rejetés. Il y a bien sûr le cas de Cevital.
C’est le cas aussi d’un projet de production de canettes en aluminium pour l’industrie des boissons porté par l’entreprise OlbaPack, incluant des investisseurs algériens et internationaux de premier rang, rejeté systématiquement pendant près de 3 ans sans aucune explication. Parallèlement, un projet similaire présenté par la société Alcan, qui venait juste d’être créée, a été agréé par le Conseil national des investissements (CNI). Le fait de rejeter le projet OlbaPack place de facto l’entreprise Alcan en situation de monopole. Il aurait été plus judicieux de laisser les deux projets se concurrencer dans l’intérêt des consommateurs et de l’Algérie. Le CNI semble privilégier certains opérateurs et sanctionner d’autres qui tentent de s’émanciper.
L’engagement crédible dans un programme de réforme visant la réduction des pouvoirs discrétionnaires suppose un changement de conception et d’application des politiques économiques. Un tel engagement ne peut être crédible que si les réformes mises en œuvre réduisent les situations de rente, réduisent le pouvoir discrétionnaire dans les administrations. Les politiques de développement du secteur privé devront systématiquement être liées à des réformes des administrations en charge de les appliquer, en vue de réduire l’arbitraire et l’opacité et d’améliorer la qualité et la prévisibilité des services aux entreprises. Cela exige d’accroître la transparence et la responsabilisation des administrations qui régulent les marchés et interagissent avec les entreprises. La crédibilité des réformes ne s’accroîtra pas sans réduction des situations de rente, de l’arbitraire et du pouvoir discrétionnaire de l’administration.
Meziane Rabhi