Les chauffeurs de taxi sont-ils sexistes ? La corporation compte moins de 1% de femmes. Leur faible représentation ne serait toutefois pas due à la peur du danger, mais plutôt au sexisme qui prédomine encore dans la profession.
Djamila Bourahla a toujours fait ce que les hommes font. « J’ai conduit une moto à 17 ans », lance-t-elle d’emblée, avec un large sourire. « Et à Tlemcen, d’où je viens, ce n’était pas bien vu. J’ai étudié, j’ai travaillé pour une société comme comptable… Jamais je ne me suis empêchée de faire quelque chose parce que je suis une femme. Et jamais je ne le ferai », confie-t-elle.
A son arrivée à Alger, il y a plus de 10 ans, la quadragénaire a d’abord travaillé pour une société médiatique, puis engagée comme chauffeur personnel pour une société d’imprimerie. Il y a environ six mois, elle a finalement décidé de se lancer dans le taxi. « J’aime travailler avec le public, j’aime conduire, j’aime être libre de mon temps et avoir mon propre argent », dit-elle. Et d’enchaîner : « Le métier de chauffeur de taxi est parfait pour moi. » Abla Benabdelkrim a, pour sa part, senti que les choses étaient différentes pour elle. « Quand je me suis inscrite pour être chauffeur de taxi, on m’a tout de suite dit que j’étais courageuse, que les femmes faisaient long feu dans le milieu », se souvient-elle. « Les clients sont toujours surpris lorsqu’ils voient que c’est une femme qui conduit », soutient-elle, en riant. Selon elle, ce sont les femmes qui sont le plus étonnées de la voir derrière le volant. « En début de soirée, elles me demandent souvent si j’ai peur. Mais, elles, elles n’ont pas peur de se promener le soir.
Ce n’est pas plus dangereux pour moi », rétorque-t-elle. Et d’ajouter que les femmes chauffeurs de taxi ont les moyens de réagir dans des situations un peu plus difficiles. « On a un bouton-panique pour ce genre de situations, indique-t-elle. Je ne suis pas inquiète, le téléphone me porte souvent secours. » A ce sujet, Djamila Bourahla est claire. Ce ne sont pas tant les clients qui posent problème, mais les chauffeurs de taxi et les automobilistes hommes. Regards déplacés, commentaires sur sa façon de s’habiller et remise en question de ses compétences sont quelques-uns des comportements sexistes avec lesquels elle doit apprendre à composer chaque jour.
Abla a un autre problème. « Il arrive souvent qu’on refuse de me louer un véhicule parce que je suis une femme », laisse-t-elle tomber, avec une légère pointe de colère dans sa voix. « On me demande si je fais les démarches pour mon mari et quand je dis non, on me répond qu’on me rappellera. Ils ne le font pratiquement jamais », fait-elle savoir, en désignant du doigt les agences de radio-taxis de la capitale. Un propriétaire a même demandé qu’un homme se porte garant pour elle, ce qu’elle a refusé. Pis, un autre lui a proposé, il y a quelques semaines, de partager une voiture… à condition qu’elle lui laisse ses coordonnées. « Je vous laisse imaginer ce que je lui ai répondu », lâche-t-elle. Hamida a arrêté depuis 2011 ce métier en raison des pressions. « Les clients, bien souvent, sont très contents que ce soit une femme qui conduise », soutient celle qui retente sa chance depuis quelques mois. « Ils se sentent en sécurité. Ce sont les hommes de la corporation qui vous découragent avec leur comportement », regrette-t-elle.
Division sexiste