Les “19-4” peuvent-ils encore continuer à surfer sur leur demande d’audience au chef de l’État, tout en émettant des doutes sur sa capacité à gouverner ? S’il s’agissait pour eux seulement de satisfaire à une “urgence”, celle d’alerter l’opinion, c’est chose faite depuis plus d’un mois, et il n’y aurait donc plus, aujourd’hui, matière à rabâcher les mêmes appréhensions, réelles ou surfaites, spontanées ou commanditées. Encore moins à attendre une improbable audience du chef de l’État.
À ses débuts, ce qui était appelé “l’initiative des 19” pouvait constituer un vrai coup médiatique et faire mouche au sein d’une opinion que l’absence et le silence ininterrompus du chef de l’État avaient déjà mise en condition et rendue prête à succomber à la moindre des incartades. Rendue publique “à l’occasion du 1er Novembre”, la lettre pouvait même émouvoir. Mais à présent, l’opinion attend de voir ce que l’un des signataires du courrier avait appelé “le plan B”. L’attente risque d’être longue car on ne voit pas comment les 19, désormais réduits à 15, peuvent rebondir pour tirer leur initiative de l’impasse.
Le général Toufik, lui, avait une toute autre “urgence” : celle de “réparer une injustice qui touche un officier qui a servi le pays avec passion”, soit le général Hassan, condamné à 5 ans de prison. Lui aussi a tenu à alerter l’opinion en rendant public un témoignage dont le tribunal militaire d’Oran n’avait pas voulu, tout comme les “19” avaient mis sur la place leur lettre qui, remise au cabinet de la présidence, était restée sans suite. L’ex-chef du DRS n’avait pas parlé de “plan B” mais avait évoqué “des questionnements légitimes” que l’affaire Hassan impliquait, laissant entendre que ladite affaire ne peut être déconnectée du psychodrame qui se joue au sommet. Comme les “19-4”, et à moins que son auteur se résolve à franchir une étape pour aborder ouvertement ce qu’il appelle les “questionnements légitimes”, la lettre-témoignage du général est condamnée au même sort que “l’initiative des 19” : l’impasse.
Ainsi va cette conception de l’action politique qui fait que chacun y va de sa propre “urgence” et s’y arrête net. Comme pour ne pas aller plus loin. Car sinon, après les urgences, c’est l’étape du diagnostic approfondi et du remède qu’il implique. Chose, quelquefois, difficile à assumer.