Les dossiers de 11.900 bénéficiaires d’Exploitations agricoles, sont entre les mains de la justice, a annoncé jeudi devant les députés le ministre de l’Agriculture, Rachid Benaïssa.
En effet, plus de 2,5 millions d’hectares ont été attribués à plus de 210.000 producteurs organisés en 96.629 exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC et EAI). «Le sort de ces exploitants sera décidé après le règlement de leurs affaires», a signalé M. Benaissa, lors d’une intervention à l’APN, au cours de la présentation du Projet de Loi relatif aux conditions d’exploitation des terres agricoles.
Selon le premier responsable du secteur, «cette situation a causé une grande perte pour le pays et a mis en danger le sécurité alimentaire de l’Algérie». D’après des sources informées, le ministère envisage de déposséder ces exploitants des terres pour donner l’exemple, tout en relevant la négligence qui a marqué la cession des terres».
La nouvelle Loi, qui va compléter celle d’orientation agricole entrée en vigueur en 2008, va consacrer le principe du maintien de la propriété de l’Etat sur les terres. Le droit de jouissance de 99 ans, quant à lui, a été abandonné au prof it d’un droit de concession limité à 40 ans.
Cette nouvelle disposition de la Loi a suscité la colère. Le nouveau texte prévoit une résiliation du contrat pour les agriculteurs qui ne respectent pas le cahier des charges, relatif à la concession.
L’Office national des terres agricoles sera bientôt crée pour le suivi des exploitations. Le régime de la concession touchera 200.000 exploitants agricoles, selon Sid-Ahmed Ferroukhi, Secrétaire général du ministère de l’Agriculture. Dans le cas où l’investisseur détenteur d’une nouvelle concession ne remplit pas ses engagements, le texte prévoit «une résiliation administrative » du droit de concession au lieu de «la déchéance par voie judiciaire».
LA JOUISSANCE DE LA TERRE ABANDONNÉE AU PROFIT DE LA CONCESSION
Les terres, régies actuellement par la Loi 87-19 du 18 décembre 1987, seront gérées par le modèle de la concession. Les exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC et EAI) seront remplacées par des sociétés civiles d’exploitation agricole, soumises à une fiscalité adaptée à l’activité agricole, selon ce nouveau texte.
Un délai de 18 mois est accordé pour le dépôt des demandes de reconversions et trois ans pour la reconversion. Le texte concède, dans le cas du statut des infrastructures, notamment les bâtiments d’exploitation édif iés sur l’assiette de l’exploitation, un droit à indemnisation en cas de non- renouvellement de la concession. La location des bâtiments d’exploitation autorisée par la Loi 87-19 est interdite dans le nouveau dispositif.
Dans l’exposé des motifs, le ministre a rappelé que la vocation agricole de nombreuses exploitations a été dévoyée par leurs propriétaires et/ou d’autres intermédiaires. Il faisait allusion à la décennie noire, période durant laquelle des centaines de milliers d’hectares qui appartenaient à des EAC et des EAI, ont été sacrif iés de manière déconcertante. Cinq amendements de forme, sans pour autant toucher au fond de l’avant-projet de Loi ont été proposés.
Il s’agit entre autre de la priorité à accorder aux enfants de Chouhadas et de moudjahidines et toute personne dotée de compétences scientifiques et l’exclusion du nouveau régime des personnes au passé peu glorieux durant la guerre de libération. Comme, des ambiguïtés ont été signalées sur certains articles, liés notamment à la nationalité du bénéficiaire, à la nature du partenariat, à la durée de la concession.
DÉPUTÉS: «OÙ ÉTAIT L’ETAT» POUR FAIRE LA GUERRE AUX «BARONS DU FONCIER »
De son côté, le Secrétaire général de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), et Député, Mohamed Alioui, mécontent de la mise à l’écart des agriculteurs, lors de l’élaboration du projet de Loi, a appelé à préserver le système de jouissance considère comme étant «le meilleur», pour lui.
Il a dénoncé l’absence de l’Etat, lorsque les terres étaient cédées illégalement. Il interrogera : «Où était l’Etat lorsque les terres relevant de son domaine privé étaient cédées de manière illégale, en raison d’une circulaire ministérielle, qui avait encouragé les agriculteurs et pourquoi faudrait- il, qu’il réagisse aujourd’hui pour punir ces derniers».
Il a révélé que de nombreux agriculteurs ont vendu leurs exploitations sous l’injonction d’un décret interministériel. Un décret qui, selon ses propos, a ouvert la porte à toutes sortes de dépassements et de détournements.
Il a affirmé que l’administration avait soudoyé d’autres exploitants afin de leur soutirer leurs propriétés. Un autre député indépendant, préconisant de s’attaquer plutôt aux «barons du foncier», prévient contre le retour, dans le cas de l’adoption de cet avant-projet de Loi, aux anciennes pratiques préjudiciables au foncier agricole.
Le nouveau texte concerne les terres relevant du domaine privé de l’Etat définies par la Loi de 1987 et dont la superf icie s’étend sur 2,5 millions d’hectares répartis en 100.000 exploitations agricoles et 218.000 bénéf iciaires. Le projet de Loi exclut les 300.000 hectares relevant également du domaine privé de l’Etat, mais exploités par des fermes pilotes et des instituts de formation.
La superf icie agricole globale exploitée en Algérie est estimée à 47,5 millions d’hectares dont 32 millions d’hectares de parcours, 7 millions de forêts et de maquis et 8,5 millions de terres arables (5,7 millions d’hectares appartenant à des exploitants privés et 2,8 millions relevant du domaine privé de l’Etat).
Malak Farah