L’ambassade de Turquie en Algérie a organisé, lundi, deux projections de films à la Cinémathèque d’Alger du réalisateur Kürsat Kizbaz, autour du thème de l’amour dans sa dimension soufie.
La Turquie, plus précisément la ville de Konya, est, comme tout le monde le sait, le berceau de la confrérie des Derviches tourneurs fondée par le mystique afghan Jalal-Eddine Rumi. Le pays reste marqué par l’héritage de ce soufi dont la pensée, traduite dans toutes les langues, rencontre un engouement mondial. Le cinéma turc est également empreint de cette culture de la tolérance, de la paix, de l’amour universel et de la spiritualité délestée du dogme.
Deux films, une fiction et un documentaire ont été projetés autour de ce thème à la Cinémathèque algérienne à l’initiative de l’ambassade de Turquie : Somuncu Baba Askin Sirri (Père boulanger – Les mystères de l’amour) et Mevlana askin Dansi (Mawlana, la danse de l’amour). Le premier, un long-métrage d’une durée de 100 minutes est un bio-pic du célèbre mystique turc Somuncu Baba, de son vrai nom Cheikh Hamidi Vali (1331-1412), qui enseigna les préceptes du soufisme dans la ville turque de Bursa sous l’égide du sultan ottoman Bayezid 1er. Plusieurs de ses disciples deviendront à leur tour de grands maîtres soufis.
Rythmé par le son de la flûte, un instrument emblématique de la musique soufie, le film raconte la trajectoire et les enseignements de l’ascète, surnommé le boulanger en référence à ce métier humble qu’il a choisi d’exercer à Bursa pour s’éviter le culte de la personnalité. La facture classique et la dimension didactique du film ne lèsent pas pour autant le travail approfondi sur le personnage dont le réalisateur réussira à mettre en relief le style de vie dépouillé et la beauté d’une pensée transcendante.
Le second film, signé par le même réalisateur, est un documentaire consacré à Jalal Eddine Rumi, certainement le soufi le plus célèbre au monde à l’heure actuelle, en raison de l’accessibilité et la popularité de certains de ses ouvrages. En effet, le fondateur des Derviches tourneurs et de la spiritualité du «Samaâ» (l’écoute) a, certes, laissé un livre phare et, néanmoins, ésotérique (El mouthnawi) mais aussi des recueils de poésie et autres œuvres dont la simplicité du style et l’universalité du contenu en font des livres de chevet pour des millions de personnes à travers le monde grâce à un réseau de traduction étendue.
Dans ce film intitulé Mevlana, la danse de l’amour, Kürsat Kizbaz alterne entre reconstitution et interventions d’universitaires, notamment américains, pour suivre la trace de ce mystique hors pair dont les vers et les enseignements continuent d’influencer et de guider des centaines de milliers de personnes, sept siècles après sa mort. De son arrivée à Baghdad à la fondation des derviches à Konya (Turquie), en passant par le récit de son amitié fusionnelle avec Shams de Tabriz et l’effroyable assassinat de ce dernier par les disciples de Rumi, le documentaire passe au crible le cheminement exceptionnel du maître tout en apportant des éclairages variés sur son œuvre grâce aux interviews avec des chercheurs et spécialistes du soufisme. Kürsat Kizbaz est un jeune réalisateur passionné de soufisme dont les trois films sont consacrés à des personnages emblématiques de cette philosophie spirituelle.
En plus de Rumi et de Somuncu Baba, il signe un bio-pic autour d’un autre mystique incontournable de Turquie, le poète Yunus Emre (1240-1321).
Sarah H.