Devant l’explosion de l’immobilier et l’avancée du chômage : Le métier de courtier envahit la rue

Devant l’explosion de l’immobilier et l’avancée du chômage : Le métier de courtier envahit la rue

Jadis, il y avait à Oran, bien avant l’indépendance du pays, notamment dans les quartiers populaires, tels que M’dina J’dida, El-Hamri, Sidi Lahouari, Medioni, Raz El-Aïn…, quelques personnes, dont le nombre d’ailleurs ne dépassait guère celui des doigts d’une seule main, qui intervenaient dans les transactions immobilières, concernant aussi bien l’achat que la location.

Cela allait des «haouchs», patios, maisons individuelles, terrains, appartements, magasins, etc. C’était les courtiers.

Ces derniers étaient forts connus sur la place d’Oran et, de leur côté, ils étaient très bien introduits dans cette profession puisqu’ils connaissaient pratiquement tout le monde et, surtout, qu’ils jouissaient d’une grande confiance auprès des propriétaires ou gérants des biens avec qui ils travaillaient en étroite collaboration dans les transactions. Le terme «courtier» désigne communément le métier d’intermédiaire.

Or, force est de constater que, souvent, entre une agence immobilière et un courtier, il n’y a vraiment que cette qualification d’intermédiaire, qu’ils ont en commun et qui les unit. Pour Ammi Ali, sexagénaire, courtier depuis plus de 40 ans, il n’y a pas de grosse différence entres certaines agences immobilières et certains courtiers.

Il nous dira que beaucoup d’agences ne posséderaient ni registre de commerce ni d’agrément et qu’elles agiraient dans l’opacité la plus totale. «Pour moi», dira-t-il, «ces agences-là sont tout simplement des courtiers, à la différence qu’elles possèdent un local. Ce sont rarement des professionnels du métier et leurs interventions influent négativement sur le prix de l’immobilier», dira-t-il.

Il poursuivra : «Il y a de plus en plus de gens, qui ne connaissent rien du tout de cette profession et qui ont investi le marché de l’immobilier alors qu’ils sont incapable d’évaluer la valeur d’un bien. Pareille situation ouvre la porte à toutes sortes d’arnaques et d’excès.» D’ailleurs, c’est pareil en ce qui concerne ces pseudo-courtiers, qui excellent dans l’abus de confiance.

Supporter la concurrence déloyale du courtier

Dans le but, certainement, de mettre de l’ordre dans le marché de l’immobilier, de nouvelles mesures pour réglementer la profession des agences immobilières ont vu le jour, avec l’entrée en vigueur du décret exécutif du 24 janvier 2009. Cette nouvelle loi oblige les gérants d’agence immobilière à disposer d’un diplôme universitaire, notamment en architecture pour pouvoir bénéficier d’agrément.

Mais, une telle décision a soulevé le courroux de ces derniers, qui se retrouvent ainsi bloqués par cette réglementation, tout en étant contraints de supporter la concurrence déloyale, que leur dictent les courtiers. Selon les agences, une telle sentence ne peut que favoriser ces derniers.

«Ces fraudeurs contrôlent le marché de l’immobilier, fixant le prix d’achat et de vente.

Ils ne payent pas d’impôts et leur responsabilité, en cas de complications, est très difficile à admettre», dira M. Mohamed, agent immobilier à Oran, qui avoue qu’il pense sérieusement à baisser rideau et à se lancer, lui aussi, dans cette aventure de «courtier pour tenter de vivre comme tout le monde», dira-t-il.

H. Mustapha, 31 ans, licencié en langue espagnole, nous fera cette déclaration : «Après avoir obtenu ma licence, il y a déjà plusieurs années, je n’ai jamais pu accéder à un travail permanent, à ce jour. J’ai effectué plusieurs petits boulots pour ne pas rester une charge à ma famille. Il y de cela trois ans, comme je n’avais pas de boulot bien déterminé, je passais la plus grande partie de mon temps à flâner dans la cité, ou j’habite.

Un jour, un de mes voisins me confia qu’il désirait vendre son appartement et que, s’il y avait quelqu’un qui serait intéressé dans le quartier, je n’avais qu’à lui en faire part, contre une petite prime. Quelques jours après, alors que j’étais assis devant l’entrée du bloc où j’habite, un couple est venu me demander si je savais s’il y avait des appartements à vendre dans le secteur, j’ai tout de suite conduit ces gens chez mon voisin.

Une semaine après, la transaction a eu lieu et le vendeur, comme l’acheteur, m’a remis une somme d’argent, dont je n’aurais jamais imaginé un tel montant. Depuis, je me suis lancé dans le courtage des appartements, ventes ou locations. Dans ma cité qui, il faut le dire, est très grande et où les affaires de ce type ne manquent pas, je n’ai pas à me plaindre. De plus, certaines agences immobilières font souvent appel à mes services, moyennant un pourcentage.»

Un métier qui a encore de l’avenir

Pour B. Abdallah, 42 ans, c’est le monde des voitures, qu’il a investi. Il faut dire qu’il est devenu courtier en voitures un peu par hasard. Il nous raconte cette mutation : «Il y a de cela six ans, un de mes cousins, émigré en France, m’avait demandé de lui vendre sa voiture, ici à Oran.

Une fois la vente effectué, j’ai gardé l’argent jusqu’à son retour au pays, lors des vacances d’été. A son arrivé, je lui ai remis, comme convenu, la somme de la transaction. Pour me remercier, il me donna 20.000 da.

Ce gain, venu un peu miraculeusement sans trop forcer, me mettra la puce à l’oreille et, depuis, j’ai décidé de tenter ma chance dans ce milieu du courtage en véhicules.

Au début c’était un peu dure mais, peu à peu, j’ai commencé à flairer les bonnes affaires et, comme je connais bien la mécanique pour avoir longtemps effectué le métier de chauffeur, je me suis fait une réputation chez les gens, notamment ceux de mon quartier ou qui me connaissent depuis assez longtemps.

J’ai quotidiennement des commandes car le marché de la voiture d’occasion a repris en force, depuis que l’on a cessé la vente par facilité.»

Entre les agences immobilières, qui font correctement leur métier, respectant les règles, qui régissent cette profession, et ceux qui, au contraire, portent atteinte à la crédibilité de ce créneau et les courtiers, il y a bien sûr, les citoyens, qui cherchent à vendre ou à acheter un bien immobilier et qui ne se retrouvent pas souvent dans cet imbroglio. L’une des solutions à apporter ne serait-il pas celle d’accentuer les contrôles afin de séparer le bon grain de l’ivraie ?

SA Tidjani