Par Djilali Hadjadj
Un des principaux obstacles au développement du processus démocratique en Algérie est illustré par le fonctionnement du Parlement, fonctionnement limité et trop dépendant de l’Exécutif, non encore acquis à la séparation des pouvoirs, pourtant consacrée par la Constitution.
Le même phénomène est observé au niveau des partis politiques, ceux qui sont au pouvoir ayant la part belle et utilisant tous les moyens, à la fois pour retarder l’alternance politique et minimiser le rôle de l’opposition. Un des moyens de prévenir la corruption est l’instauration de la déclaration de patrimoine des membres de l’Exécutif, des élus et des hauts fonctionnaires. Mais, là aussi, cet instrument, quand il existe, est très souvent détourné et mal appliqué. Enfin, l’évolution du processus démocratique est lié, en grande partie, à la transparence dans les élections. Comment y parvenir ?
Les différents facteurs qui interviennent dans la consolidation du processus démocratique aux plans économique, politique et institutionnel, ne peuvent être d’un apport concret que s’ils sont «immunisés» contre la corruption. Quel que soit le domaine dans lequel elle sévit, la corruption procède du détournement des principes qui fondent la démocratie tels que l’égalité, l’éthique, la transparence et la justice. L’existence d’un système démocratique est essentielle à tout système d’intégrité. La corruption résulte le plus souvent d’une confusion des sphères publique et privée et du dérèglement des mécanismes de régulation qui organisent les échanges économiques et la dévolution du pouvoir politique. Cette rupture d’équilibre est caractéristique du dysfonctionnement des institutions dont l’origine est à chercher dans leurs relations parfois ambiguës avec l’espace économique et le champ politique. L’Algérie, comme encore nombre de pays africains, offre en ce sens un terrain où la démocratie, souvent très fragile, est à consolider.
Respect de la séparation des pouvoirs
Dans les démocraties, le Parlement est issu d’élections où les candidats sont présentés par les partis politiques ou des listes indépendantes sur la base d’un dispositif législatif accepté par tous. La vie politique est rythmée aussi bien par l’action du gouvernement, l’activité des partis — majorité et opposition — que par le fonctionnement du Parlement, dans le respect de la séparation des pouvoirs.
Malgré une indépendance acquise il y a près de 60 ans pour la plupart des pays africains, la problématique du processus démocratique et son irréversibilité demeurent posée. L’alternance politique n’a pas encore conquis ses lettres de noblesse et la citoyenneté n’en est qu’à ses premiers pas. La société civile, malgré la persistance de cas de violation de la liberté d’expression et des droits humains, enregistre des progrès indéniables.
L’Algérie est dans cette situation, et le mouvement populaire en cours contre le pouvoir en place et pour une véritable démocratie peut lui faire faire un bond qualitatif appréciable…
Indicateurs pour évaluer l’Exécutif
La politique est-elle élaborée en consultation régulière avec la société civile ? Existe-t-il des procédures de surveillance de la fortune et du train de vie des personnes concernées (obligation de déclaration des avoirs par exemple) ? Si cette obligation existe, les déclarations sont-elles vérifiées de manière systématique ou par échantillon choisi au hasard, puis soumises à des contrôles ? Sont-elles remises à un organe indépendant ou mises à la disposition du public ou des médias ? Existe-t-il des règles précises s’appliquant aux conflits d’intérêts ? Si oui, sont-elles généralement respectées ? Y a-t-il des registres pour -a) les cadeaux et pour -b) l’hospitalité ? Si oui, sont-ils tenus à jour ?
Le public, les médias et l’opposition politique y ont-ils accès ? Les représentants de l’Exécutif sont-ils obligés (par la loi ou par l’usage) de justifier leurs décisions ? Existe-t-il des règles précises contre les ingérences politiques dans le travail quotidien de l’administration, c’est-à-dire des règles formelles exigeant la neutralité politique des fonctionnaires ? Les procédures d’aliénation des biens de l’État sont-elles transparentes ? Y a-t-il des ventes de biens publics qui donnent l’impression de favoriser, indûment, ceux ayant des liens étroits avec le parti au pouvoir ? Les membres de l’Exécutif sont-ils contraints par la loi de justifier leurs décisions ?
baliser l’immunité et délimiter les prérogatives de l’Exécutif
Un régime d’immunités et de prérogatives est toujours nécessaire pour protéger le statut des hauts fonctionnaires de l’État. Il serait inefficace qu’un juge, par exemple, puisse être tenu personnellement responsable d’une erreur commise, de bonne foi, au cours d’un procès. Le véritable remède à ces situations réside dans le procès en appel et les prérogatives de clémence.
Assurément, il est également contraire à l’intérêt public que des hommes politiques de haut niveau soient pris dans des litiges mineurs de nature privée ou qu’un chef d’État soit interrogé dans le box des témoins à la suite d’une plainte déposée par n’importe quel individu.
Dans les pays où la tradition démocratique n’est pas respectée, il peut être nécessaire d’accorder aux parlementaires des immunités simplement pour leur permettre de faire leur travail face à une administration corrompue. Cependant, il est tout aussi important de définir d’une manière aussi restrictive que possible le champ de ces immunités et prérogatives, qui dérogent au principe d’égalité devant la loi et affaiblissent l’autorité de l’administration. Aucune immunité ou prérogative ne doit permettre à un corrompu de s’abri- ter derrière elle pour échapper aux autorités chargées de faire appliquer la loi. Il faut, par ailleurs, qu’elles cessent dès que le bénéficiaire quitte ses fonctions sauf, bien sûr, lorsqu’elles concernent des actes officiels accomplis de bonne foi.
Une immunité qui excède le terme du mandat ne sert les intérêts de personne si ce n’est ceux des personnes corrompues. Des limites sont imposées à la durée des fonctions présidentielles et au nombre de mandats auxquels on peut prétendre. Il est donc parfaitement logique de penser que la certitude de perdre le pouvoir à l’avenir rappelle au président en exercice qu’il devra rendre des comptes à l’expiration de son mandat.
Djilali Hadjadj