Diminution des appels d’offres et baisse des dotations, Travaux publics : les premiers signes de la crise

Diminution des appels d’offres et baisse des dotations,  Travaux publics : les premiers signes de la crise

Alternatives

L’année 2016 connaîtra une baisse importante des dépenses d’investissements publics. Cette tendance se poursuivra en 2017 et au-delà selon des spécialistes. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’emploi et la pérennité d’un pan important de la branche. Ne dit-on pas quand le BTPH va, tout va ? Les signes du ralentissement de la commande publique sont déjà visibles : les appels d’offres ont diminué de moitié, rapporte une représentante d’une entreprise étrangère fortement présente en Algérie, rencontrée au Salon international des travaux publics.

Les dotations des wilayas ont diminué, conséquence de la baisse des revenus financiers de l’État, affirme un responsable d’une entreprise publique de travaux publics.

Ces signaux annoncent de gros nuages en termes de pertes d’emploi et de disparition d’une partie du tissu de PME si rien ne bouge en termes d’alternatives au financement des investissements publics par le Trésor et en termes d’amélioration de l’efficacité dans la réalisation de la commande publique. Pour un spécialiste du domaine, deux leviers peuvent atteindre ce dernier objectif. Le premier consiste à revoir le mode de lancement des projets. Au lieu qu’ils le soient de façon individuelle, il serait plus judicieux de lancer des projets-programme. L’avantage est considérable en termes de coûts, de qualité et de délais. “Les entreprises qui auront été retenues à l’issue de l’appel d’offres-programme auraient en effet une visibilité suffisante pour engager les investissements nécessaires : acquisition d’équipements, mise en place de partenariats, perfectionnement des ressources humaines. L’avantage de projets-programmes sera d’offrir à des entreprises la possibilité de se hisser à des niveaux de compétitivité optimale. Il est anormal que le programme de commande public ne fasse pas émerger des champions nationaux et internationaux dans le domaine de la réalisation d’infrastructures”, a-t-il argué. Le second levier se résume au recours au project financing, en un mot un projet qui se finance par les revenus tirés de l’exploitation par exemple d’une infrastructure : autoroutes, centrales électriques, aéroports… Schématiquement, il s’agit de montages financiers consistant à confier la réalisation d’infrastructures publiques à des sociétés créées spécifiquement à cet effet et qui seront gérées en tant qu’entreprises concédantes. Cette formule de financement qui a été utilisée en Algérie dans la réalisation des usines de dessalement d’eau de mer permet d’éviter de financer ces projets par le budget de l’État. D’autres formules de financement peuvent être sollicitées, notamment le BOT, le recours à l’épargne privée, les concours bancaires pour des projets rentables. L’endettement extérieur interviendrait en dernier recours pour de grands projets. Il devra privilégier les crédits concessionnels caractérisés par des taux d’intérêt peu élevés afin d’éviter la spirale du surendettement. Cette inquiétude sur la perte de marchés et d’emplois, de points de croissance et partant sur la survie des entreprises du secteur pourra être dissipée avec une adaptation à la conjoncture et une politique de diversification. Cosider, le leader du secteur, un potentiel champion national et international, a déjà anticipé ces effets de la crise. Pour les transcender, il s’oriente vers de nouvelles activités, en particulier la concession d’infrastructures, pour s’affranchir de la dépense à l’égard de la commande publique.

Mais la question est de savoir si cet exemple pourrait faire tache d’huile tant la véritable réforme sectorielle n’a pas encore été mise en œuvre. En clair, l’Algérie n’a pas profité des successifs programmes d’infrastructures pour constituer de grandes entreprises de réalisation comme Cosider et pour muscler ses capacités d’études, d’ingénierie de projets de manière à réduire sa grande dépendance à l’égard des bureaux d’études étrangers, d’où une facture d’importation de services très salée. La crise financière actuelle offre donc l’opportunité de rectifier le tir, avec moins de moyens financiers. Un défi à l’intelligence de l’exécutif, de nos experts et de nos ingénieurs. Il peut être relevé si les intérêts de l’Algérie priment sur l’affairisme et les intérêts individuels.

K. R