Disparition de Cheikh Mustapha Bereksi, dernier grand maître de la çanaa à Tlemcen

Disparition de Cheikh Mustapha Bereksi, dernier grand maître de la çanaa à Tlemcen

Le dernier grand maître de la musique andalouse de l’école de Tlemcen est décédé mardi à l’âge de 82 ans. Fils d’une famille de mélomane, Mustapha Sencoussi Béreksi fut le continuateur de la grande tradition musicale andalouse de Tlemcen, ayant lui-même pris la relève à la tête de l’orchestre de Cheikh Larbi Bensari après la mort de ce dernier en 1964. Cette grande figure de l’art musical traditionnel à Tlemcen fut un passionné de la musique andalouse.

Il fit partie de la génération des artistes tlemcéniens qui, dès les années trente, devait, malgré la chape coloniale, participer à l’œuvre culturelle pour le renouveau de l’art dans cette ancienne cité à l’âme andalouse.



Son père était lui-même musicien pratiquant le tbal, maintenant les vieilles traditions aujourd’hui perdues dans ce métier possédant la mémoire des vieilles marches (noubat soultane – soufiane, noubat al arous …) et les airs, souvent puisés dans la çanaa, qui accompagnaient l’animation des fêtes. Cheikh Mustapha Bereksi est le produit de ce milieu tlemcénien de l’époque où la culture et le nationalisme étaient en symbiose pour créer cette motivation politique particulière qui a marqué Tlemcen dès le début du 20ème siècle.

Ce dernier maître de la musique andalouse, tisserand de profession, était sur le plan musical sous l’influence de plusieurs maîtres qu’il a côtoyés, Cheikh Kermouni Serradj Abdelkader, Cheikh Omar Bekhchi … Si le premier lui fournit les premiers éléments à la connaissance du patrimoine en lui apprenant le jeu de la kouitra qu’il exécutait d’ailleurs merveilleusement, le second l’intégra dans son orchestre, ne pouvant trouver meilleur successeur à Cheikh Abdelkrim Dali parti s’installer à Alger. Les chefs d’orchestre de la nouvelle génération post-indépendance, le défunt Salim Mesli, Cheikh Salah Boukli, Yahia Ghoul, lui doivent la mémoire de prestigieux morceaux aux temps lents tombés dans l’oubli : «Kad gharada et Teirou, sabri kalil» (M’ceddar ) ; sahou – l-balabil (derj rasd dil ); Sali houmoumeq (m’ceddar reml el maya ) ; alfaradj karib (m’ceddar maya )…

Les fervents mélomanes reconnaîtront le génie qu’il avait en tant que chanteur dans l’interprétation des oeuvres des grands poètes andalous telles «hal dhara dabya elhima d’Ibn Shal» ou encore «rebiia» de Ahmed Bentriqui.

C’était un fin artiste et aussi un homme d’une fréquentation exquise à laquelle il faut ajouter une grande piété. C’est ainsi la fin d’un parcours pour un artiste qui mérite un grand hommage.

Salim El Hassar