Artiste algérienne de talent, native des Aurès, Djahida Houadef renouvelle sans cesse ses ambitions créatives en allant cette fois piocher dans ses anciennes amours pour la “photo”. Sollicitée, elle a bien voulu répondre à nos questions.
Liberté : Sur le plan professionnel quel bilan faites-vous de 2016 ?
Djahida Houadef : L’année 2016 a été riche en événements sur le plan professionnel : j’ai pu réaliser plusieurs expositions qui ont eu un écho favorable, et le fait d’être présente sur la scène culturelle ne peut que renforcer la relation entre l’art et le public. Par contre, sur le plan personnel, je continue à faire de la résistance pour assurer une ambiance stable et adéquate pour ma créativité, malgré le manque de moyens dont souffrent beaucoup d’artistes comme moi : espace de travail, aide à la création, marché de l’art…
Pour 2017, je souhaite que la situation de l’artiste s’améliore. Je souhaite que cette année nous apporte le meilleur dans tous les domaines et surtout celui de la culture, vecteur de positivité. Je souhaiterais que deux points importants convergent d’une manière forte et consciente : des décideurs qui s’ouvriraient davantage aux créateurs et un public averti et conscient des enjeux de l’art dans la vie de tous les jours.
L’art a toujours été, depuis la nuit des temps, et continuera à être une valeur ajoutée ; il faut juste que tout le monde en prenne enfin conscience.
Dernièrement, vous avez participé à une exposition à Paris. Pouvez-vous nous éclairer sur cet évènement ?
L’exposition “YIA” à laquelle j’ai participé et qui s’est déroulée à Paris (France) est un rendez-vous important pour l’art et les créateurs. C’est une Foire internationale où les professionnels de l’art se rencontrent pour se connaître, découvrir des nouveautés et faire vibrer le “Marché de l’art”. Ma participation s’est faite à travers l’agence Ifrikya roots nouvellement créée. Cette agence vise à internationaliser la culture algérienne, mais je crains fort que cet objectif ne soit trop dur à concrétiser car sa quête pour rassembler les fonds nécessaires à de telles activités ne sera pas une mince affaire et risque d’entraver ses louables ambitions.
Vous déplorez souvent le manque de visibilité d’artistes pourtant talentueux…
Oui, effectivement, je suis souvent très en colère contre l’esprit “tribal” qui règne dans notre domaine. Il faut absolument “surélever” les meilleurs, leur donner la possibilité de “s’éjecter” davantage pour que l’entourage profite de leur expérience ; mais il faut aussi sédentariser leur valeur en tant que “Patrimoine”! Aussi, il ne faut surtout pas négliger les débutants, mais plutôt les encourager et favoriser leur cheminement vers la créativité.
Dernièrement, vous sembliez toucher à la photo, d’où vous vient ce penchant ?
J’ai pratiqué un peu la photo quand j’étais à l’École des Beaux-arts, et un peu en dehors aussi, mais sans vraiment m’y engager totalement. La photographie ne se dissocie pas de la peinture, elles ont les mêmes caractéristiques basées sur la lumière et la couleur. D’ailleurs, beaucoup d’artistes s’appuient sur la photographie pour réaliser leurs œuvres, surtout celles qui traitent du réalisme et de l’hyperréalisme. La photo dégage des expressions et des sensations invisibles à l’œil nu et ses lectures sont souvent multiples. Bien que je ne fasse pas beaucoup de photos, je pense toutefois que c’est un moyen efficace pour accéder à l’imaginaire. Ça permet d’ouvrir large le champ de vision et de favoriser l’interférence entre l’inspiration et la créativité.
L’art va mal en ce moment, comment pourrait-on le valoriser selon vous ?
C’est plutôt l’histoire qui valorise l’art, et l’histoire ne pourra se constituer sans ceux qui veillent à sa vérité, à son épanouissement, à sa transcription, à sa valeur et à sa transmission. Et s’il n’y a rien qui stimule le créateur, l’art meurt !
Et comment faire de cet art une source rentable ?
On ne peut le rentabiliser que par son cycle naturel. Assister à sa naissance, le cueillir avec “l’art et la manière” sous un emballage étudié et raffiné, le favoriser pour l’offrir aux autres, et la boucle est bouclée. Je pense que si les pays développés ont réussi à attirer la foule du monde entier vers l’art, c’est pace qu’il y a une conscience groupée qui a permis cette victoire.
Que pourrait apporter de plus l’art dans le secteur culturel algérien ?
L’art joue un rôle initial et crucial qui est celui de la valeur humaine ; cela signifie investir dans l’homme ; et quand on dit valeur, on dit authenticité. L’homme, de par sa nature, traverse le monde entier à la recherche de cette authenticité afin de vivre de nouvelles sensations et atteindre le sommet de l’apaisement. Et vu sa grande curiosité, seul l’art peut jouer ce rôle important d’attirer à la fois son attention et son intérêt. Et d’autre part, il va sans dire que l’intérêt est le mot clé du Tourisme, il faut donc investir ce secteur – et l’art y compte pour beaucoup – si important pour le souffle d’un pays et qui doit faire ses preuves à l’échelle internationale et contribuer aux enjeux économiques par un apport conséquent.