Document : La réponse de Sid-Ahmed Ghozali à Bensalah

Document : La réponse de Sid-Ahmed Ghozali à Bensalah

Son Excellence Monsieur Abdelkader Bensalah

Monsieur le Président

Je tiens à introduire cette lettre par l’expression de mes salutations et de ma haute considération, priant Dieu qu’Il vous allège de la lourde charge de vos Hautes fonctions, et ce, pour le bien des gens et de la nation.

Quant à la lettre reçue avant-hier, j’y suis invité à me rendre demain à une réunion consultative organisée par le secrétariat général de la présidence de la république en vue de la « mise sur pied en urgence d’une institution nationale de préparation et d’organisation des prochaines élections ».

Je passe sur la non-faisabilité manifeste, d’un projet étonnamment audacieux, qui consisterait à étudier, légiférer et organiser des élections présidentielles, en quelques semaines voire de quelques jours.

Qu’elle consiste à recueillir les avis des invités ou à révéler le contenu du projet, la réunion de demain ne saurait compter sur une participation de ma part, laquelle ne serait, ni logique, ni utile ni encore moins d’une quelconque nécessité. Car ma position est archiconnue de la présidence de la république, puisque je n’ai jamais cessé, durant les vingt dernières années, de m’exprimer, oralement et par écrit, publiquement ou en privé, et ce, à plusieurs reprises, des dizaines voire des centaines de fois.

Durant vingt ans je n’ai cessé de mettre en garde à plusieurs reprises les tenants du pouvoir, contre trois péchés capitaux, sources inéluctables de la mauvaise gouvernance, à savoir : primo l’absence de culture du droit ; deuxio le mépris vis à vis du rôle qui échoit à la société dans son propre fonctionnement, en particulier pour la mobilisation des énergies humaines créatrices de richesse ; tertio le refus obstiné du pouvoir de rendre compte de ses actes, refus qui conduit de la sorte à s’auto-sacraliser.

Ces mêmes positions personnelles sont gravées dans le programme du FD Front Démocratique que je préside, parti fondé par 10000 militants, 1100 congressistes et accepté par la loi (article 22) depuis le 27 juillet 2000, parti qui pourtant reste empêché d’activité, arbitrairement, par un pouvoir politique injuste envers les droits civiques légitimes de milliers de citoyens, en violation ouverte de la loi depuis 19 ans.

Monsieur le Président, vous le savez bien, le peuple ne demande pas la lune. Il ne demande rien de plus que le respect de son aspiration légitime à une vie paisible dans la dignité et la sécurité.

Les manifestations populaires sont réconfortantes dans la mesure où le peuple, que d’aucuns ont pu croire résigné et désespéré, a montré à maints égards, un visage rayonnant de vie et d’espérance. Ce que je crains des initiatives inappropriées, c’est une grande déception d’une population, qui a clamé durant deux mois, à raison et avec force, que les milieux les plus désignés pour assurer les changements devenus nécessaires, ne sauraient être ces forces politiques mêmes qui se montrent si obstinées à pérenniser le « pouvoir pour le pouvoir », à prolonger sans fin la tradition « d’élections » décidées à l’avance.

L’inquiétude s’amplifie quand on mesure l’ampleur des dangers et des défis qui nous attendent demain en raison de la mortelle précarité enfantée par la mauvaise gouvernance.

Monsieur le Président, vous vous souvenez peut-être de ce que j’avais exposé ces mêmes positions ouvertement dans le discours-programme d’investiture de mon gouvernement un certain 8 juillet 1991.

Voilà autant de raisons de se démarquer ouvertement des tenants et aboutissants de cette réunion du 22 avril, exercice auquel il n’est pas question pour moi de participer, de près ou de loin.

En plus de mes salutations et de l’expression de ma haute considération, je prie Dieu le Tout Puissant de vous accorder ainsi qu’à nous tous, Sa miséricorde et Son pardon. Amine

Alger le 21 avril 2019

Sid Ahmed GHOZALI