Ni pistolets en plastique, ni fausse mitraillette pour Noël. Une semaine après les attentats de Paris et de Saint-Denis au cours desquels 130 personnes ont perdu la vie, la chaîne de magasins de jouets Toys ‘R’ Us a pris une décision radicale : retirer temporairement de ses rayons toutes les armes factices et en plastique destinées aux enfants pour éviter qu’elles soient une « source de confusion pour les forces de l’ordre ».
Selon France Info, qui a dévoilé l’information vendredi 20 novembre, les directeurs des 48 magasins de l’enseigne a reçu un e-mail de la direction leur demandant de retirer « jusqu’à nouvel ordre » tous les jouets en plastique imitant des armes à feu. En tout, 23 références ont été retirées des rayons. En revanche, les sabres laser et les pistolets à eau restent commercialisés.
Jouer à la guerre pour résoudre ses conflits internes
Mais au-delà de la ressemblance, parfois confondante, entre pistolets factices et véritables armes, et qui pourrait compromettre le travail des forces de l’ordre, la décision de Toys ‘R’ Us soulève une autre question : doit-on permettre à ses enfants de jouer avec de fausses armes à feu ? Ce type de jeu banalise-t-il la violence ? Pour Rafi Kojayan, pédopsychiatre à Montpellier et auteur deL’éducation positive, c’est malin (Éd. Quotidien Malin), croire que les pistolets en plastique peuvent prédisposer aux comportements violents n’a aucun fondement psychologique. « Si l’on veut éviter que les enfants jouent à faire la guerre pour les empêcher plus tard de perpétrer des attentats, ça n’a aucun sens. »
Au contraire, jouer à la guerre, tirer « pour de faux » sur ses petits camarades d’école avec des pistolets en plastique peut se révéler bénéfique au développement des enfants, qui font par ailleurs très bien la différence entre ce qui relève du jeu et ce qui est réel. « Ce sont les moyens qu’ont les enfants pour régler leurs conflits internes. Tout comme un enfant de 4-5 ans va avoir très peur des loups et des ogres va en même temps demander à ce qu’on lui raconte des contes effrayants. Il va chercher dans ces histoires qui font peur des réponses à ces questionnements. »
Dialoguer plutôt qu’interdire
C’est particulièrement vrai lorsque les enfants ont été confrontés, à la télévision ou sur Internet, à des images violentes comme celles diffusées ces derniers jours. Conscients qu’il s’est passé quelque chose de grave, qui dépasse l’habituel, ils ne comprennent pour autant pas toutes les images qu’ils voient défiler devant leurs yeux. Dans ce cas en particulier, « jouer avec de fausses armes permet aux enfants de retranscrire en actes ce qu’ils ont vu et de réguler leurs pulsions internes, explique le Dr Kojayan. C’est leur façon de parler de ce qu’ils ont vu et d’évacuer une tension interne liée à tout ça. »
Plutôt que de confisquer le pistolet, il vaut alors mieux privilégier le dialogue, notamment auprès des enfants qui, après avoir été confrontés à des images violentes à la télévision, auraient tendance à les reproduire dans leurs jeux à la maison. « Un enfant qui réclame une mitraillette en plastique ou qui joue à ‘tuer’ et qui a entendu, voire a été très marqué par ce qui s’est passé à Paris se pose des questions. Les parents doivent alors privilégier le dialogue pour lui faire comprendre qu’il s’est passé quelque chose de grave, et qu’ils ne préfèrent pas qu’ils jouent à la guerre pour le moment. »
L’important, souligne le Dr Kojayan, c’est de contextualiser son refus, de l’expliquer pour répondre à ses interrogations. « À 7 ou 8 ans, les enfants sont déjà dans l’âge de raison, ils sont sensibles à nos arguments. Il ne faut pas opposer un refus net et catégorique mais plutôt engager le dialogue pour savoir pourquoi il réclame ce type de jouet, et tenter de comprendre ce qu’il a compris des événements. »