Donald Trump, de gaffeur en série à candidat favori des républicains !

Donald Trump, de gaffeur en série à candidat favori des républicains !

Si la politique est l’art de dire et l’audace de se contredire devant des millions de témoins, certains candidats aux primaires du Parti républicain d’Amérique ne s’encombrent point de salamalecs pour s’en justifier et en exceller.

 

Dans la foulée d’une déclaration, pour le moins extravagante, dans laquelle il envisage, au cas où il accéderait au poste suprême, d’interdire le territoire américain à tout individu de confession musulmane, Donald Trump creuse l’écart qui le sépare de ses concurrents immédiats, et ce, malgré l’immense tollé que telle déclaration xénophobe avait soulevé auprès de la classe politique et de la société civile. Sous le coup de l’émotion, certains sages du «Grand Old Parti» avaient même suggéré une procédure d’exclusion des rangs. Ce à quoi Donald Trump avait répliqué -si on m’exclue, je me présenterais en candidat indépendant ! Une façon de reconnaitre que le combat pour le poste suprême n’est pas une question de conformité à des idéaux et des valeurs que l’on est censé défendre pour le bien de la collectivité, avec le sens du sacrifice que cela suppose, mais relève bien plus d’une ambition personnelle qui fait fi de toute probité. Pressentant le danger d’un tel reniement et les risques sérieux de jeter un sacré discrédit sur son investiture, il n’a pas fallu longtemps à Donald Trump pour faire volte-face et rassurer la famille républicaine de son attachement à son parti, lors du dernier débat télévisé, sans pour autant donner la moindre impression de revirement de stratégie, puisque les envolées lyriques provocatrices ne semblent pas s’être estompées, bien au contraire.

Comme les quatre précédents, ce 5e débat, sponsorisé par CNN, s’est laissé spontanément glisser vers des thématiques de politique extérieure, faisant de l’Islamisme radical le principal barycentre de toutes les préoccupations qui gravitent autour de l’avenir immédiat de l’Amérique et du monde. Les gaffes et l’arrogance de Mr Trump ont donné le ton à une surenchère de solutions largement dominées par l’esprit cow-boy des westerns américains de notre enfance. Ces fictions de conquêtes de l’ouest dans lesquelles le héros est celui qui cogne plus fort et dégaine plus vite. Et la recette semble bien prendre puisque débat après débat, en redoublant d’agressivité D. Trump voit sa popularité grimper à exponentielle, sondage sur sondage. Fort de sa position de favori, notre Trumpy s’est même permis l’éclat d’une réprimande à l’endroit d’un journaliste modérateur, mettant en avant, en le lui reprochant d’un ton vif et résolu, un non professionnalisme flagrant qu’il ferait mieux de rectifier. Menaces à peine voilées d’un Führer en mal d’autorité.

Le plus surprenant c’est que d’autres candidats semblent vouloir appliquer la même recette, en emboitant le pas à une surenchère incroyable de propositions guerrières quant à la façon la plus téméraire de combattre et de défaire le terrorisme islamiste. À tel point que Georges W. Bush, l’homme par qui le désordre oriental arriva, s’est retrouvé mêlé aux débats pour être glorifié par l’un des candidats, lequel n’hésita pas à clamer haut et fort «I miss G. W. Bush !» (G.W. Bush me manque !) sous les applaudissements bien nourris d’un public acquis à la cause guerrière. À l’opposé, sur ce registre conflictuel, Donald Trump n’hésite pas à accuser la famille Bush d’être de connivence avec la famille Bin-Laden, allant jusqu’à affirmer que G.W. était au courant des attentats de New York, bien avant le 11 Septembre 2001. C’est dire combien la famille du Grand Old Parti ne suit plus une trajectoire unique dans sa quête de prendre en mains le destin du monde et de l’Amérique !

Les solutions proposées pour refroidir la bouilloire moyen-orientale, tout en sauvegardant le pays d’éventuelles attaques terroristes, oscillent entre des extrêmes qui finissent tous par se rejoindre, tant de nombreux candidats surfent sur la peur individuelle et l’angoisse collective. Le hic c’est que ça finit par prendre !

-L’Islam radical est une menace, il faut un leader fort pour le combattre et le battre !

-En Amérique, les citoyens de confession musulmane posent problème, il faut les ficher !

-La 3e guerre mondiale a commencé et nous avons un président qui se refuse à identifier l’ennemi ! Nous l’identifierons et le battrons !

-Nous sommes en danger parce que nous avons un ennemi qui veut nous tuer ! Ces gens-là ne sont pas là pour voler votre voiture mais pour vous trucider !

-Non je ne discuterais pas avec Putin sur le problème Syrien, il a ses solutions, nous avons les nôtres et elles ne convergent pas !

-Notre arsenal militaire est vieillot, il faut le renouveler !

Voilà quelques pépites de reparties et de propositions relevées à la volée d’un débat belliqueux à nausée. Amplifier les peurs d’un peuple, le terrifier, l’angoisser en lui rabâchant que ses jours, sa vie, sont en danger, quoi de plus simple pour le faire adhérer à toutes sortes d’aventures, de ressentiments et d’hostilités?

Fort heureusement, dans ce tollé de surenchère offensive, des voix osent défendre l’idée qu’il serait peut-être plus judicieux d’aider les musulmans à reformer l’Islam. Sur le registre du sacré, une bloggeuse de l’Université d’Austin est invitée, via Facebook, à participer au débat. Sa question est claire -pourquoi refuser l’accueil des réfugiés Syriens, alors que dans la Bible, il nous est recommandé d’aider son prochain ? Réponse solennel : -Oui mais notre priorité est celle de nos concitoyens!? À croire que même la bible verse dans un favoritisme patriote béat ?

Entre armer les Kurdes, bombarder les QG d’ISIS, demander aux pays musulmans de s’impliquer d’avantage sur le terrain, seules des solutions militaires sont invoquées. Aucun candidat ne propose l’unique dénouement digne de ces 20siècles de civilisation censés avoir donné à l’homme une maturité accomplie: Celle d’aider ces pays à s’émanciper et rejoindre le train du monde en évacuant cette dictature spirituelle que chacun interprète à sa façon et qui fait que, comme le formule à juste titre un candidat :-entre musulmans, c’est la guerre depuis des millénaires.

Au-delà de ces démêlés dont l’enjeu va au-delà de l’avenir de l’Amérique, ce 5ème débat donne l’impression bizarre et peu rassurante que, pour les candidats du GOP, le monde ne représente rien d’autre qu’un jeu d’échecs dans lequel les vies humaines ne sont guère plus que des pions, nés pour être sacrifiés sur l’autel d’un jeu perfide entre puissants. Un jeu dont le but final est de préserver la pièce maitresse, le Roi, et tout ce qu’elle représente de mainmise sur l’or noir et autres trésors dérivés. Ces dons du ciel que même Dieu, sans s’encombrer du moindre scrupule, a offert à une petite minorité d’élus sur Terre, les plus forts, les plus barbares!

À cet égard, même si la présidence des États-Unis n’est pas encore gagnée pour Trumpy, le simple fait de voir ce grand pays, censé être la locomotive du monde, se laisser ainsi glisser sur les pentes d’un extrémisme ignoble et inhumain, a de quoi inquiéter et alarmer quant à l’avenir même de la race humaine sur Terre. Cependant, il est rassurant de savoir que l’autre face de l’Amérique, celle qui fait rêver, celle qui fait des clins d’œil d’humanisme et d’amitié, existe aussi, et nous la redécouvrirons certainement avec ravissement au prochain débat des démocrates, avec Madame Hillary Clinton! Avec elle, c’est sûr, il sera plutôt question d’apaisement! La paix, c’est ce que nous souhaitons tous, pour nos enfants, pour les vôtres, pour ceux de tous les autres, les habitants de cette petite planète magique et si fragile.

Kacem Madani