Huit personnes, un détenu et 7 gardiens, ont trouvé la mort asphyxiés au fond d’une fosse septique au niveau de la prison de Oued Ghir, dans la wilaya de Béjaia. Suite à ce drame qui a secoué tout le pays, une délégation ministérielle s’est déplacée sur les lieux de la catastrophe, puis silence radio. Plus rien. Aucune explication.
À son inauguration, la prison de Oued Ghir, dont la capacité atteint les 2200 détenus, a été qualifiée par les responsables du projet de prison « 4 étoiles ». Des années après son inauguration, et plus précisément en mars dernier, cette prison a été le théâtre d’un sinistre drame. Dans une fosse septique relevant de la prison, huit âmes ont péri.
Pourquoi ? Cette question qui a taraudé les citoyens et encore plus les parents des victimes, n’a pas trouvé de réponse du côté des instances officielles.
Comment se peut-il qu’une prison qui a couté à l’état plus de deux milliards de dinars, ne dispose pas d’une pompe de refoulement pour se débarrasser de ses eaux usées ? Pourquoi c’est un détenu qui est envoyé faire le sale boulot ? Cette tache n’est-elle pas du ressort de l’ONA (Office National d’Assainissement). Une enquête a été menée par nos confrères d’El Watan afin d’élucider les circonstances du drame.
Certaines victimes sont descendues «sur ordre» dans cette fosse
C’est un détenu, appelé Moh Blaguitone, de son vrai nom Mohamed Bendjenahi, qui est descendu le premier dans la fosse de la mort. En prison depuis 9 ans, pour une histoire de vol de voiture, Moh a été le premier à trouver la mort. Pourtant, il était seulement chargé de contrôler l’état de la fosse.
Selon les témoignages de rescapés de l’incidant, Moh, qui avait l’habitude faire ça depuis cinq ans, « n’est pas descendu complètement dans la fosse, mais s’est penché en tenant un objet avec lequel il s’affairait à dégager quelque chose à l’intérieur de la fosse. Il n’y avait pas ces gaz au début, mais un couvercle s’est détaché, ce qui a libéré les gaz qui l’ont saisi d’un coup et fait tomber au fond de la fosse. Il a essayé de remonter, mais il n’a pas pu ».
Nacer Chafik, le gardien chargé de surveiller Moh « a tenté de le faire sortir, mais lui aussi est tombé ». Suite à cela, une alerte a été donnée, et des responsables ainsi que d’autres gardiens sont accourus de l’intérieur de la prison. « Six autres collègues ont réagi de la même façon que Nacer Chafik. Tous ont péri à l’intérieur de la fosse ».
Parmi ces six gardiens qui ont trouvé la mort les uns après les autres, certains ont agi spontanément, mais d’autres ont été forcés de descendre. « Allaoua Boukhezzar (Un autre gardien mort sur les lieux) était presque forcé de descendre » indique le même témoignage qui précise que « On a ordonné à certains collègues de descendre avec leurs seules bavettes au lieu de stopper l’hécatombe. C’était suicidaire ! Le minimum était de porter des casques à incendie ». Comme si cela ne suffisait pas, « un huitième gardien a suivi avec sa seule bavette et que l’on a remonté du milieu de l’échelle que les pompiers venaient de poser ».
Pourquoi ce sont les détenus qui nettoient la fosse ?
Parce que « l’une des deux pompes est en panne depuis plus de sept ans et on nous disait qu’elle coûte cher », affirme un détenu. Mais les détenus, qui ne sont pas forcés d’accomplir de telles taches, font toutefois cela dans l’espoir de s’évader un peu, de retrouver un semblant de liberté. Pour changer d’air.
Moh, la première victime de cette fosse, a fait cela « pour avoir une permission de dix jours ». Le détenu de 41 ans n’avait plus que 3 ans à passer en prison, il avait donc le droit de revoir sa famille sans escorte, si toutefois il s’est « distingué par un bon comportement ».
Ce genre de travaux font aussi gagner aux détenus des repas améliorés. Ce repas amélioré consiste cependant à des sandwiches frite-omelette, ce qui change quand même des repas servis dans les gamelles.
Enfin il est également utile de préciser que, le directeur de la prison de Oued Ghir, Rahmani Saïd, a été relevé de ses fonctions en fin de semaine dernière, rapportent toujours nos confrères d’El Watan.