Gravement malade, le comédien Salah Aougrout a été transféré pour des soins à l’étranger. Une goutte qui a fait déborder le vase de certains. Si le comédien est aimé et respecté par tous les Algériens, son transfert à l’étranger pour recevoir des soins contre le cancer n’a pas manqué de susciter l’indignation, voire la colère, mais surtout les interrogations de beaucoup d’internautes ; qu’en est-il du droit du simple citoyen ?
Parmi les Algériens que le transfert de Salah Aougrout à l’étranger a fait réagir, le Dr Mazit Amine, un médecin radiologue qui exerce en France, et qui fait partie « des médecins Algériens qui ont été forcés à l’exil » comme ce medecin l’a affirmé dans une vidéo qu’il a publié hier sur son compte Facebook.
Le Dr Mazit n’a pas manqué de rappeler le règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika, qui a, d’après ce médecin, « passé 20 ans au pouvoir sans qu’il puisse se construire un hôpital pour se soigner ». Le médecin a également indiqué que des millions d’euros, payés par les impôts des prolétaires, ont été dilapidés pour soigner Bouteflika sans donner le moindre résultat.
Le médecin ne s’arrête pas là, il affirme que depuis cette époque « on n’a pas appris la leçon et on n’a pas construit un seul hôpital ou les Algériens puissent se soigner décemment, pendant ce temps, les responsables et les ministres sautent d’un hôpital européen à un autre, alors que le simple citoyen Algérien est livré à la triste fatalité dans les hôpitaux Algériens ».
Le cas Salah Aougrout, la goutte qui a fait déborder le vase ?
« Salah Aougrout a été transféré en suivant les directives du président de la république, mobilisant les efforts de trois ministres, (de la santé, de la culture et du travail) » a déclaré le jeune médecin qui ajoute que ces ministres « ont fanfaronné après avoir préparé le dossier du transfert dans un temps record ».
Il faut dire que l’attitude du ministre du Travail, El Hachemi Djabboub, qui avait déclaré récemment que la France est « l’ennemi traditionnel et éternel » de l’Algérie, suscite moult interrogations. Car, il a été le premier à réagir à l’appel de Salah Aougrout, et à œuvrer pour l’envoyer se soigner… en France.
Le Dr Mazit précise que le cout de l’avion privé à bord duquel le comédien a été transféré coute au moins dans les 400 millions, « sans compter les frais des soins contre le cancer dans les hôpitaux européens qui coutent des milliards de centimes ». « Tout cet argent est payé par la sécurité sociale de l’argent des travailleurs prolétaires qui ont passé leur vie à amasser ces sommes ».
« En Algérie il y a des milliers de Souilah, a déclaré le jeune médecin, des milliers qui soufrent en silence et qui meurent en silence. Il n y a pas d’hôpitaux en Algérie, on n’a pas construit un seul hôpital avec des critères locaux, et encore moins avec des critères internationaux ».
« Le citoyen Algérien a été privé de sa dignité et de son droit aux soins, affirme encore le médecin, alors que ce droit est garanti par la constitution ». Le jeune médecin a suscité des dizaines de réactions sur le réseau social et des dizaines de commentaires, mais aussi des témoignages qui confirment son point de vue.
« Chacun a le droit d’être transféré »
« On nous a dit qu’on avait le meilleur système de santé en Afrique, alors soit on se soigne tous dans le meilleur système sanitaire en Afrique, soit on se fait tous transférés vers les hôpitaux européens comme a été transféré Souilah. Chacun a le droit d’être transféré », martèle le Dr Amine Mazit.
« Ou sont les principes de la justice et de l’égalité ? Ou est le droit aux soins constitutionnellement garanti ? Ou sont les efforts du gouvernement ? », s’est interrogé le médecin qui a précisé que le budget alloué à la santé reste dérisoire, comparé à d’autres secteurs qui « n’ont pas de raison d’exister ».
Le jeune médecin a tenu à rappeler que des milliers d’Algériens souffrent de cancer, et qu’ils n’arrivent même pas à décrocher un RDV pour se soigner en Algérie. « Les citoyens viennent de plusieurs lointaines wilayas (vers les hôpitaux d’Alger NDLR), ils dorment à même le sol alors qu’ils sont atteints de cancers dans des stades très avancés ». Selon ce médecin, « il n y pas de description pour cette catastrophe que connait le pays ».
La fermeture des frontières, de l’huile sur le feu
Le jeune médecin s’est attardé sur la souffrance que vivent les cancéreux en Algérie, dont il affirme avoir été témoin. Très touché, le Dr Mazit Amine déclare que « l’Algérie n’a pas construit un hôpital quand elle avait de l’argent, nous n’attendons pas que ça se fasse maintenant ».
« Comment voulez-vous que le citoyen ne se sente pas méprisé et marginalisé alors qu’il voit de ses propres yeux qu’il y a des privilégiés qui sont transférés pour des soins à l’étranger, et ce, en plein période de crise sanitaire et de fermeture de frontières », a déploré le radiologue.
Le jeune médecin a rappelé que plusieurs Algériens ont suivi les obsèques de leurs parents sur les écrans de leurs téléphones pendant que des étrangers rentraient en Algérie. Le Dr Mazit a également exposé le cas des Algériens qui ont été empêchés de sortir, faute d’autorisation de sortie, afin de recevoir des soins à l’étranger.
Une situation catastrophique
Le jeune médecin a insisté sur le fait qu’il y ait des « milliers de Salah Aougrout en Algérie, et comme Salah Aougrout a été transféré se soigner à l’étranger, eux aussi doivent être transférés, c’est ça l’égalité, et on est tous égaux ». Pour finir, le radiologue qui exerce actuellement en France, a donné l’exemple du service Pierre et Marie Curie à Alger, « allez voir » a-t-il invité les internautes, « dans les pays qui se respectent on n’y soignerait même pas des chats ».
Le jeune médecin a fustigé le populisme dans lequel l’Algérie baigne actuellement : « l’état, au lieu de dépenser son budget sur des ministères défaillants, doit établir une réelle sécurité sociale,… afin que la dignité du citoyen soit préservée. La solution ne vient pas en faisant un peu de buzz pour être transféré à l’étranger ».
Le jeune médecin a aussi rappelé que les forces de l’ordre ont tapé sur des médecins et sur des enseignants qui réclamaient des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, ce qui fait qu’on se retrouve aujourd’hui face à l’impuissance de l’Algérie à former et à soigner ses propres enfants, pendant que les hauts responsables et les privilégiés du système sont transférés se soigner à l’étranger.