Par Nazim Brahimi
La scène politique ne cesse de connaître, quotidiennement, des rebondissements avec leurs lots d’interrogations. Mais avant d’arriver à cet évènement de première importance qu’est l’annonce de la démission du président de la République avant l’expiration de son mandat électif le 28 avril en cours, il est utile de rappeler que tout a commencé un certain 22 février.
C’est le jour de grandes manifestations enregistrées à travers les quatre coins du pays pour protester contre la candidature de Bouteflika à sa propre succession et réclamer, dans le sillage, un départ du système politique en place.
La date du 22 février a ainsi ouvert la voie à une succession de manifestations, qui ont vu quasiment toutes les catégories sociales sortir dans la rue et porter leurs revendications dans l’espace public, le tout, sur fond de désir de changement.
Depuis ce jour, les grandes artères du pays ont vibré, chaque vendredi, au rythme des marches qui se sont distinguées par leur caractère pacifique. Incontestablement, du 22 février à ce jour, bien des lignes ont bougé, aussi bien dans les institutions de l’Etat qu’au sein des appareils politiques et autres organisations à caractère associatif ou socio-économique. Cette période fait ressortir des faits saillants avec un impact certain sur les évènements qui se sont, dès lors, accélérés jusqu’à interpeller les plus stoïques des observateurs.
Le 3 mars, le président Bouteflika, par ailleurs candidat à l’élection présidentielle, s’est engagé à organiser, «s’il sera réélu le 18 avril prochain, une élection présidentielle anticipée conformément au calendrier arrêté par la Conférence nationale indépendante, précisant qu’il ne sera pas candidat à cette élection qui assurera sa succession». Dans sa lettre, le chef de l’Etat affirme qu’il «n’a jamais été question» pour lui de briguer un nouveau mandat en raison de son «âge» et de son «état de santé», n’était le devoir ultime qu’il se devait d’accomplir. Son message a été lu par le directeur de campagne de sa candidature, Abdelghani Zaâlane, qui avait remplacé à ce poste l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal.
Et alors que le temps était à la supputation quant aux éventuelles candidatures à la course au palais d’El Mouradia, notamment celle du chef de l’Etat sortant, et au moment où tout le monde attendait l’avis du Conseil constitutionnel sur les candidatures validées, un rebondissement de taille surgit.
Abdelaziz Bouteflika annonce, en date du 11 mars, le report de l’élection présidentielle initialement prévue le 18 avril, et sa décision de ne pas briguer un 5e mandat à la magistrature suprême. L’option d’un 5e mandat venait alors d’être abandonnée, sans que cela ne contribue à calmer les ardeurs d’une rue qui continuait à mobiliser. La raison ? L’offre politique du pouvoir politique n’était pas du goût du mouvement populaire. Le président Bouteflika proposait alors la tenue de l’élection présidentielle dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante, ainsi que la formation d’un gouvernement de compétences nationales.
Le chef de l’Etat est revenu par la suite, en date du 18 mars, dans une lettre diffusée à travers laquelle il a indiqué que «la conférence nationale se tiendrait prochainement». «Notre pays s’apprête à changer son régime de gouvernance et à renouveler ses systèmes politique, économique et social à la faveur de la conférence nationale inclusive qui se tiendra dans un très proche avenir avec la participation de toutes les franges du peuple algérien», a-t-il souligné. Le plan de sortie de crise du pouvoir donnera naissance à un nouvel exécutif chapeauté par Noureddine Bedoui et Ramtane Lamamra, en qualité de Premier ministre et vice-Premier ministre, mais dont la composante n’a vu le jour que vingt jours après l’installation de Bedoui à la place d’Ahmed Ouyahia.
Divulguée dimanche dernier, l’équipe de Bedoui, dite de «compétences nationales», et qui devra assurer la gestion des affaires courantes, n’a suscité que désapprobation et critiques acerbes de la part du mouvement populaire, qui en était déjà à sa sixième semaine de mobilisation.
Autre fait majeur venu se greffer dans le débat public, signé par le général de corps d’Armée Ahmed Gaïd Salah, en date du 26 mars, qui, à partir de Ouargla, appela le Conseil constitutionnel à faire valoir l’article 102 de la Constitution comme voie de solution à la crise politique que vit le pays. Une «solution à même d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions et faire l’unanimité de toutes les parties, à savoir la solution stipulée par la Constitution en son article 102». La déclaration de Gaïd Salah n’a pas tardé à susciter des réactions pour le moins surprenantes de la part des partis politiques, traditionnellement partisans du chef de l’Etat. Le contexte a même généré des remises en cause au sein des partis de l’Alliance et de l’UGTA, dont les directions nationales font face, depuis, à des contestations internes. Il est, par la suite, revenu à la charge samedi dernier pour soutenir que « la mise en application de l’article 102 de la Constitution est la solution idoine pour sortir de la crise actuelle que traverse le pays», évoquant également et de façon significative les articles 7 et 8 de la Constitution, qui stipulent que le peuple est souverain.
En attendant la réaction du mouvement populaire vendredi prochain, les Algériens assistaient à une guerre feutrée entre divers niveaux de pouvoir et de décision, sur fond d’informations contradictoires diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux jusqu’à hier vers 19 h. Et pour cause, en fin de journée, un nouveau rebondissement : au moment où l’Etat-major de l’ANP a appelé à l’application « immédiate » des dispositions d’empêchement du chef de l’Etat, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a notifié officiellement au président du Conseil constitutionnel, sa décision de mettre fin à son mandat en qualité de président de la République.