Selma Allane
L’évolution politique à laquelle parvient le pays aujourd’hui devrait aboutir à la mise entre parenthèses du calendrier électoral ouvert par le président de l’Etat Abdelkader Bensalah et son Premier ministre Noureddine Bedoui.
Sera-t-il fermé par une annulation pure et simple ou par un report ? Ce sera sans doute la grande question politique qui sera posée dès maintenant aux animateurs du Hirak qui peut se targuer d’avoir invalidé par sa puissance pacifique le scénario d’une sortie de crise par l’article 102 de la Constitution ainsi qu’aux acteurs politiques et de la société civile engagés avec lui ou à côté de lui dans la recherche d’une alternative à cette issue désormais fermée.
En attendant la réponse qu’elle aura dans les prochaines jours, c’est tout le dispositif juridico-constitutionnel mis en branle depuis la démission de l’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril dernier, qui prend l’eau. Retour sur quelques marqueurs chronologiques d’un échec politique retentissant et d’une sortie de crise rendue fausse par le mouvement populaire pour le changement.
Le 9 avril 2019, le président par intérim Abdelkader Bensalah signe au premier jour de sa prise de fonction le décret portant convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle du jeudi 4 juillet. Le 5 mai, M. Bensalah s’adresse aux Algériens pour exprimer l’attachement du pouvoir à organiser le vote présidentiel à la date fixée et «dans les délais convenus». Dans son discours, il appellera au «dialogue intelligent, constructif, de bonne foi » et qui reste, selon les propos qu’il a tenus au début du mois, «l’unique moyen pour construire un consensus fécond, le plus large possible, de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l’organisation, dans les délais convenus, de l’élection présidentielle, seule à même de permettre au pays de sortir définitivement et durablement de l’instabilité politique et institutionnelle ».
Lors de cette intervention, le chef de l’Etat par intérim, qui salue le rôle joué par le commandement de l’armée, a évoqué les arrestations qui ont touché récemment des hommes d’affaires et des anciens responsables. « Au cœur des revendications populaires, la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics, a ainsi connu une accélération qui laisse entrevoir une prise en main déterminée par la Justice des dossiers qui ont défrayé la chronique, mais aussi et surtout une action méthodique, inscrite dans la durée et induisant un impact salutaire sur l’économie nationale », a-t-il dit dans un speech de veille de Ramadhan et, donc, empreint de religiosité.
Quatre jours après, le 8 mai, et comme marqueur de l’échec de M. Bensalah à convaincre les Algériens du bienfondé du calendrier électoral instauré, l’éditorial de la revue El Djeïch, organe central de l’ANP, tire à boulets rouges contre ceux qui rejettent ce calendrier et appelle à un processus transitionnel devant mener vers une « deuxième République ».
Dans cet éditorial en forme de réquisitoire, on apprend que l’Armée ne veut pas entendre parler d’une période de transition et s’en prend à ceux qui militent pour cette solution et refusent de se conformer à la feuille de route du gouvernement et que défend le chef d’état-major, le général de Corps d’Armée Ahmed Gaïd Salah. Il y a « ceux qui n’en ont cure de l’intérêt supérieur du pays et qui voudraient voir perdurer la crise en rejetant toutes les solutions disponibles et possibles, à même de permettre à notre pays de surmonter cette épreuve, et donc de couper la route aux aventuristes qui concoctent des plans et projettent de les exécuter à tous les échelons, dans le but d’entraîner le pays vers l’anarchie et le chaos », condamne la revue El Djeïch dont la prochaine livraison éditoriale ne sera que plus intéressante à lire et à analyser.