D’un dessous de table naquit Tliba Bahaedine !

D’un dessous de table naquit Tliba Bahaedine !

Ses déclarations à Ennahar TV sont trop bien calibrées pour être de son simple cru. Le député Tliba Bahaedine, plus connu sous le surnom de « l’Émir de Doha d’Annaba », est un esprit trop moyen pour délivrer une philippique si bien ramassée à l’endroit de Toufik, Khalida Toumi, Louisa Hanoune et le général Hassan. Tliba est un de ces nouveaux riches devenus décideurs politiques après avoir prospéré très vite, trop vite, dans l’import et le marché informel, sous le pouvoir de Bouteflika.

Tliba est une création de l’Algérie dégénérescente : l’Algérie de Bouteflika. C’est pourquoi j’en ai fait un des personnages de mon dernier roman, La mission (1). L’homme réunit en sa seule personne tout le drame de l’abaissement national : l’avidité pour seule ambition, l’argent pour seul idéal et la subornation pour seul étendard.

Du reste, selon son entourage, il ne répugne pas à ressembler à un mandarin de Doha. C’est riche, c’est pieux et c’est indiscutable, un mandarin de Doha. Dans la fortune, dans la corpulence comme dans la manière de se vêtir. Depuis, Tliba s’est installé dans la conviction que l’habit si réticent à faire le moine chez les mécréants n’avait aucun autre choix, en terre musulmane, que de faire l’émir.

Il résolut alors de mettre en pratique l’une des plus subtiles pensées qu’on ait entendues de sa bouche et qui proclamait que tout, ici bas, avait un prix. La formule exigeait qu’on l’expérimentât sans plus tarder, ce que notre homme entreprit de faire sur une prestigieuse souris de laboratoire : Abdelaziz Belkhadem, alors chef du FLN.

Tliba Bahaedine, qui n’était qu’un « militant » quelconque d’un petit parti dont je ne me souviens plus du nom, profita d’un voyage de Belkhadem à Annaba pour l’y accueillir avec fastes, prenant à sa charge tous les frais de séjour de « son invité » et de sa délégation, offrant cadeaux et courbettes, faisant preuve d’une prodigalité aussi exceptionnelle qu’intéressée. Entre la poire et le fromage, Tliba proposa d’acheter une place au sein de la direction du FLN et Belkhadem qui sait si bien concilier Dieu et le diable, accepta illico la transaction.

Ainsi naquit Tliba Bahaedine : d’un dessous de table. Après tout, il faut être de son époque : pour le FLN, on versait autrefois son sang ; aujourd’hui, on verse de l’argent.

Le militant anonyme d’un sombre parti sans destin est aujourd’hui membre honoraire de la pègre bouteflikienne, membre du Comité central du FLN, vice-président du groupe parlementaire du parti au pouvoir avant d’être carrément propulsé vice-président de l’Assemblée ! Tliba et les nouveaux enrichis de Bouteflika sont devenus décideurs politiques, solidement installés dans les rouages du pouvoir, forts de cette soudaine capacité à promulguer des lois et à en bloquer d’autres.

Ils ont, entre autres, empêché l’adoption de l’impôt sur la fortune, décriminalisé la corruption, et stérilisé jusqu’aux lois de la République qui venaient d’être votées, comme l’obligation de régler par chèque toute transaction d’un montant supérieur à 50 000 dinars ou la loi de finances complémentaires (LFC) destinée à réduire les importations.

De quoi donc s’engraisserait la mafia de l’import sinon des achats massifs à l’étranger ? Cette puissante coterie imprime son mode de gouvernement, impose ses choix économiques (économie d’importation au détriment de l’investissement national, économie informelle au détriment de la production nationale…)

Ce sont ces forces de moins en moins occultes qui constituent la base forte de Bouteflika et qui militent jusqu’au dernier souffle pour sa reconduction. Une non-réélection de Bouteflika serait une catastrophe sans nom pour eux. Tliba a acheté, en 2013, une page publicitaire dans El-Khabar, appelant Bouteflika à se présenter en 2014.

C’est donc en parvenu de la politique que notre homme se fit le porte-parole de la pègre bouteflikienne sur Ennahar TV, porteur d’un avertissement solennel de cette Cosa Nostra solidement installée aux plus hauts niveaux de l’État algérien : « Rien ne doit changer en Algérie, surtout pas la gouvernance bouteflikienne qui favorise l’économie douteuse au détriment de la production nationale, l’accumulation des capitaux non déclarés, la spéculation, la corruption et le népotisme économique. »

Avis à tous ceux qui croient pouvoir profiter d’une disparition du Président pour changer de gouvernance. Ils trouveraient à qui parler. La Tentacule a des dossiers sur Mme Toumi, accusée à demi-mot d’indélicatesses avec le budget du ministère de la Culture. Elle a ses troupes : Tliba disposerait d’hommes de main mafieux et de troupes de voyous prêts à casser de l’opposant. En juin 2013, ces voyous auraient empêché le déroulement de la réunion des « redresseurs » et permis le maintien de Belkhadem.

Le mouhafadh FLN de Annaba, Mohamed Salah Zitouni, adversaire de Belkhadem et qui s’est retrouvé à l’hôpital pour traumatisme et blessures au visage après une agression à Hydra, avait accusé Tliba Bahaeddine d’être le commanditaire de cet acte de violence qu’il a fait commettre par des malfrats d’Annaba. « Il les a fait venir d’Annaba. Je les connais », assure Zitouni. Il ne savait pas, le pauvre, qu’on ne touche pas au clan Bouteflika.