Par Aomar MOHELLEBI
Les centaines de personnes habitant Tizza sont dans la tourmente. Ils craignent de vivre éternellement le calvaire du citernage
L’été est synonyme de calvaire pour les habitants de plusieurs régions enclavées de la wilaya. Les efforts des pouvoirs publics en matière d’alimentation en eau potable sont considérables, mais restent insuffisants quand on parle de la région sud-est de la wilaya. Le triangle compris entre El Hachimia, Ath Laksar jusqu’aux limites avec la wilaya de Bordj Bou Arréridj et plus au nord la commune de Thaourirt est réputé pour son manque de ressources souterraines. Ainsi, des villages comme Ighil Oumeziave, Chréa, Fraksa, Ath Rached, Ath Bouali, Roudha… souffrent du manque d’eau au robinet. Les apports des barrages de Koudiet Asserdoun, Tilesdit et Oued Lakhal sont indéniables puisqu’ils ont réduit, voire mis fin à la crise dans plusieurs villes et villages de la wilaya. Ainsi et dans le cadre des grands transferts, toute la région ouest à Sour el Ghozlane au sud de la wilaya sont régulièrement alimentés à raison de 3 à 4 jours par semaine pendant 4 à 10 heures par jour. Des agglomérations plus importantes comme Bouira, Sour El Ghozlane, Aïn Bessem, M’Chedallah et Lakhdaria affichent une satisfaction totale grâce à la disponibilité du liquide vital H24 et à longueur d’année.
Tizza et Ahl El Ksar: un cas d’école
Le village de «Tizza», situé à deux kilomètres au sud de la commune d’Ahl El Ksar, vit une situation identique. La particularité de l’été cette année, a suscité l’inquiétude parce qu’en plus de la dégradation des réseaux routiers, ce village vit annuellement un autre manque: l’eau. Il ne s’agit pas d’un manque de ce liquide vital, mais une insuffisance générée par la dégradation et la vétusté du réseau AEP. Les quantités d’eau qui coulent, vainement, dans la nature, sont très importantes comparativement à quelques gouttes atteignant les robinets. Le projet portant la réalisation de nouvelles canalisations AEP, à l’image de ce qui a été fait dans d’autres communes et les bourgades environnantes, a contourné le village. Et pour assurer la distribution de l’eau potable à partir du barrage de Tilesdit, les services concernés se contentaient d’utiliser un réseau existant déjà, et dont la réalisation remonte à l’époque coloniale. Le débit et la pression générés par le refoulement de l’eau à partir du barrage sont venus à bout de ces canalisations qu’aucune partie ne tente de réparer ou simplement de changer.
Les centaines de personnes habitant le village de «Tizza», sont dans la tourmente. Elles craignent de vivre éternellement le calvaire du citernage, solution préconisée à chaque saison chaude pour atténuer le problème aux clients. Il est opportun de préciser que l’AEP concerne aussi toute la région et des communes comme El Ksar et Ouled Rachad vivent cette difficulté, mais avec moins d’importance. Par ailleurs, dans plusieurs villages à travers les communes, la question des anciens réseaux d’AEP se pose avec acuité. A Haizer, Al-Adjiba, Bechloul, M’Chedallah et en d’autres municipalités, les anciens réseaux, qui sont dans un état de vétusté avancé, fonctionnent toujours, et ce, en dépit du danger qu’ils représentent sur la santé publique. Le village se trouve aux limites de la région de Thamalaht dans la commune d’El Adjiba. Azaknoun est un bourg avec des maisons éparses autour d’une belle mosquée. C’est l’unique édifice public de cette contrée. Toute la journée des tracteurs livraient l’eau dans des citernes. «Les conduites sont là depuis un moment, l’eau elle, demeure absente.
L’ADE rassure
Les responsables sont déjà venus, nous ont promis de régler cet épineux manque, mais nous continuons à débourser 1000 DA pour 100 litres» nous confie un habitant adossé au mur de la mosquée fermée. «Nous sommes entourés par des réservoirs, des communes des autres wilayas sont alimentées à partir de Tilesdit quand nous qui nous trouvons à quelques kilomètres de ce barrage nous manquons d’eau» ajoute notre interlocuteur. Le pire est à craindre surtout et selon les habitants la localité manque d’un réseau d’assainissement. «Les forages existants sont exposés à une pollution parce que chaque îlot habité a recours aux fosses septiques» affirme un autre citoyen.
Parce que l’eau reste le défi des décennies à venir, l’Algérie accorde à cette ressource vitale de plus en plus d’importance. Ceci s’est concrétisé dans la wilaya de Bouira par la réalisation et la mise en service de trois barrages dont un qui occupe la seconde place en capacité de stockage au plan national, il s’agit du barrage de Koudiet Asserdoun dans la daïra de Lakhdaria avec ses 640 millions de mètres cubes suivi de Tilesdit dans la daïra de Bechloul avec 164 millions m3 et oued Lakhal à Aïn Bessem qui retient 27 hl.
Pour une gestion rationnelle, l’Algérienne des eaux est présente dans 44 communes de la wilaya. Les besoins de la wilaya sont de l’ordre de 120.982 m3 par jour. La production répartie entre eaux superficielles et souterraines est de l’ordre de 140.000 m3/transférée dans un réseau global de 3572 km linéaires avec un raccordement de 97% du territoire de la wilaya. Bouira dispose de 554 ouvrages permettant le stockage de 204.000 m3. La disponibilité de l’eau varie d’une région à une autre et d’une saison à une autre. Ainsi, 40 communes sont dotées en eau au quotidien avec des horaires allant de 2 à 24 heures. 2 communes bénéficient de l’eau d’un jour sur deux et avec une tranche horaire de 2 à 14 heures par jour. Une commune reçoit l’eau un jour sur 3 pendant 2 à 10 heures. Cette distribution reste tributaire de l’état des réseaux et beaucoup de communes se plaignent de la vétusté de ce dernier. Qui dit vétusté dit coupure et dysfonctionnement dans l’alimentation.
L’assainissement pour sa part reste une priorité sur les pouvoirs publics eu égard aux risques et dangers que représentent ces dessertes en pleine nature. L’Office national d’assainissement de Bouira géré 3 step installées dans les communes de Lakhdaria, Sour El Ghozlane et Bouira.
La direction de l’Algérienne des eaux (ADE) va en guerre contre les déperditions en eaux superficielle ou souterraine. Parce que l’ensemble des anciens réseaux est vétuste, des quantités énormes d’eau s’évaporent dans la nature. Quand la fuite est visible, l’intervention permet de colmater, mais quand cette perte est souterraine, cela nécessite d’autres moyens et des techniques particulières pour intervenir.
Guerre contre les fuites
Dans ce domaine l’ADE de Bouira, relevant territorialement de la direction régionale de Tizi Ouzou, s’est dotée d’un matériel adéquat et en mesure de retrouver les fuites enfouies. L’opération consiste à sectoriser le réseau et sa répartition en zone d’interventions.
La sectorisation consiste à subdiviser le réseau d’eau potable en plusieurs secteurs selon la configuration de la distribution, sur lesquels les volumes mis en distribution sont mesurés sur chacun des secteurs, on réalisera la mesure de la consommation pour déterminer en particulier le débit minimum nocturne pour calculer pour chaque secteur l’indice linéaire de fuite. «L’objectif de notre mission est d’augmenter le rendement du réseau. Pour cela il a été mis en place un programme de lutte contre la déperdition physique d’eau dont la recherche de fuite invisible est l’un de ces axes. Ce programme d’action s’articule aussi sur la régulation et modulation de pression, la suppression des branchements illicites et la réparation rapide des fuites visibles, semi-visibles et invisibles. En vue de bien mener la recherche de fuites sur les réseaux d’alimentation en eau potable de la wilaya de Bouira, le suivi des mesures de débit de nuit s’impose» déclarait le premier responsable de l’ADE lors du lancement du projet. Le travail de détection sera accompagné par les mesures de niveau des réservoirs.
«Ces mesures sont à réaliser sur tous les réservoirs et les bâches de stockage en service sur le réseau, les mesures de niveau sont réalisées par des sondes piézométriques». L’opération lancée l’année dernière avec la pré-localisation de fuite par «step-Test», une méthode qui consiste en la séparation d’un réseau en secteur étanche ou section avec un seul point d’approvisionnement. Il s’agit aussi de mesurer les débits de nuit (entre 00h00 à 4h00 du matin) sur chaque secteur par des fermetures successives des vannes de sectionnement du secteur ce qui permet de quantifier les pertes par tronçons. Tout ce travail reste un prélude puisque après la sectorisation commencera la campagne de recherche avec la vérification d’étanchéité des vannes, le découpage du secteur en sous-secteurs sur plans (S1, S2… Sn) et l’élaboration d’un planning de travail qui aboutira à la recherche des fuites. Cette opération, la première s’inscrit selon la direction dans la volonté d’une meilleure gestion du secteur de l’eau, mais aussi une rationalité dans la consommation pour éviter les manques que connaissent les étés.
Les incivilités du citoyen
Cette lutte pour la préservation de l’eau passe obligatoirement par le citoyen qui se doit de corriger ses comportements. Laver sa voiture, arroser un petit jardin au bas de sa villa, laisser son robinet couler… parce que l’eau ne coûte pas cher, sont des incivilités qui participent au gaspillage quand sous d’autres cieux, les gens n’ont pas de quoi boire. Malgré les campagnes de sensibilisation à travers les médias, bon nombre continuent à faire la sourde oreille. L’eau qui reste l’enjeu mondial dans quelques années en raison du réchauffement climatique doit être préservée, rationnalisée pour éviter au pays des surprises à l’avenir.