La Direction de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (ENSA, ex-INA) a licencié « abusivement » deux enseignants pour avoir dénoncé l’inscription d’une vingtaine de bacheliers sans la moyenne requise, dénonce, dans une lettre, le collectif des enseignants limogés.
Après les grosses turbulences qu’elle a subies pour que son jardin botanique soit préservé de la destruction, l’ENSA est soumise à une autre secousse due à l’inscription d’une vingtaine de bacheliers en classe préparatoire sans la moyenne requise, et ce, sur dérogation du ministère. «Du jamais vu depuis que l’ENSA a été érigée en grande école», s’indignent certains enseignants que nous avons contactés.
En effet, 20 bacheliers ont été inscrits à l’ENSA, sans avoir la moyenne d’accès légale (appelée moyenne informatique d’accès et qui est de 13,63/20), et ce, sur dérogation du ministère de l’Enseignement supérieur. Pour le collectif des enseignants licenciés, ces dérogations destinées aux privilégiés sont « illégales », puisqu’elles accordent à l’étudiant bénéficiaire « un avantage indu ».
L’un des enseignants licenciés, Abdelguerfi Aïssa, dans une lettre envoyée à notre rédaction, affirme que « la réduction de la moyenne informatique d’accès pour environ une vingtaine d’étudiants est jugée comme une atteinte aux intérêts de l’ENSA, à sa renommée et à l’esprit d’excellence qu’elle est censée incarner ». Outre les inscriptions sans la moyenne requise, il parlera, également, du concours d’accès au doctorat qui se serait déroulé sans respect des normes. Il explique qu’il y avait huit places et en cas de défection, l’étudiant est automatiquement remplacé par un autre inscrit sur la liste d’attente. « Cependant, les hautes instances du ministère de l’Enseignement supérieur ont ajouté quatre étudiants qui n’étaient même pas sur cette liste », dira l’un des enseignants protestataires.
Les deux enseignants protestataires licenciés sont Abdelguerfi Aïssa, qui a à son actif plus quarante ans d’expérience, et Mme Issolah Rosa, qui comptabilise pour sa part trente-huit ans de service. En plus de ces deux enseignants, une autre enseignante, Zermane Nadjia, attend toujours la sanction. Selon ses collègues, elle sera soit dégradée soit mutée. Pour Abdelguerfi Aïssa, c’est « un abus de pouvoir et une action inacceptable dans le milieu universitaire». « Nous avons été sanctionnés pour avoir exprimé nos opinons sur les dérogations et sur le blocage du plan de développement de l’Ecole », nous a-t-il indiqué. Tout en ajoutant : « Notre salaire de novembre a été divisé par quatre. »
Ces enseignants demandent, aujourd’hui, une «enquête indépendante hors secteur» et la nomination d’une «personnalité scientifique externe à l’ENSA, capable de porter le projet d’excellence à la hauteur des défis de la sécurité alimentaire». Ils comptent également organiser, demain lundi, un sit-in à 10H devant le siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à Ben Aknoun. Triste constat et triste réalité pour une école supérieure. L’ENSA n’est pas un cas isolé dans les affaires de népotisme, d’affairisme et d’abus de pouvoir. En effet, d’Annaba à Oran, en passant par les universités d’Alger, « des étudiants et des enseignants ont toujours contesté les pratiques illégales, notamment, celles concernant les listes des lauréats qu’ils jugent entachées de fraude, de magouille et de favoritisme » jugent des observateurs.