Ecole privée : Pourquoi cet engouement ?

Ecole privée : Pourquoi cet engouement ?

Histoire de l’école publique en Algérie:

Avant 1830, seules existaient en Algérie des écoles coraniques qui avaient pour but essentiel l’enseignement de l’écriture et de la grammaire arabes afin de faciliter la lecture et l’étude du Coran. Entre 1830 et 1840, il y a eu création des Ecoles d’enseignement mutuel; le principe en est simple : Mêler sur les mêmes bancs européens et Maures (musulmans), les premiers apprenant le français aux seconds, les seconds apprenant l’arabe aux premiers. Dans les années1836-1850, des écoles maures-françaises sont ouvertes; l’enseignement y est donné par deux instituteurs. L’un français enseigne les matières de base, le second, musulman, dispense l’arabe et la

religion de l’Islam.

Mais, en général, la fréquentation de ces écoles par les Algériens autochtones était faible, car beaucoup de parents ne voulaient pas envoyer leurs enfants dans les écoles françaises. Les écoles en Algérie s’inspiraient du système éducatif français. C’est la loi du 16 juin 1881 du ministre français de l’instruction publique, Jules Ferry, qui rend l’enseignement primaire public et gratuit; ce qui permit de rendre ensuite l’instruction primaire (6-13 ans) obligatoire par la loi de 1882, qui impose également un enseignement laïque dans les établissements publics. Le français était la langue d’enseignement principale et l’arabe était enseigné comme seconde langue.

Après le départ massif des Français au lendemain de l’indépendance en 1962, l’Algérie s’est retrouvée avec un grand déficit en enseignants, augmenté par un taux de natalité des plus forts au monde. Pour faire face à cette situation, les autorités de l’époque ont adopté un système de recrutement de moniteurs avec un niveau requis modeste. De nombreux enseignants ont été recrutés ainsi après avoir réussi à des concours organisés en langues arabe et française.

Pour l’enseignement de la langue française, il était difficile de trouver des candidats répondant aux critères de niveau. Dès les premières années de l’indépendance on a fait appel à un personnel algérien francophone, et aussi à des enseignants français d’Algérie qui sont restés, à des français progressistes de la métropole et à des appelés sous les drapeaux en France, choisissant d’enseigner plutôt que de passer leur service militaire, ceci suivant une convention signée entre l’Algérie et la France.

Pour l’enseignement de la langue arabe, on recrutait un grand nombre parmi les lettrés des écoles coraniques qui savaient lire et écrire. Les enseignants du corps des moniteurs ainsi créé devaient suivre obligatoirement des cours du soir en pédagogie et en culture générale avec des niveaux 1, 2, 3, et 4, suivis d’examens à passer en fin de stage.

Les cours étaient dispensés par des professeurs nationaux et étrangers recrutés sous contrats notamment parmi les Égyptiens, les Syriens, les Irakiens, les Jordaniens, les Palestiniens et parfois les Libanais pour la langue arabe.Dans les années 1970, le gouvernement a aboli les écoles privées et placé toutes les écoles sous son contrôle.

L’école est devenue obligatoire pour tous les enfants de 6 à 15 ans et gratuite de la première année d’école jusqu’à l’université.

L’arabe est la langue d’enseignement obligatoire durant les neuf premières années. Le français est enseigné à partir de la 3e année, c’est aussi la langue d’enseignement pour les cours avancés de mathématiques et de sciences. Les élèves et les étudiants peuvent aussi apprendre l’anglais, l’espagnol, l’italien ou l’allemand, voire le russe. En 2001, la langue tamazight (le berbère) est devenue une langue nationale inscrite dans la constitution algérienne; en 2005, elle était étudiée dans les lycées avec une obligation de passage à l’examen.

es réformes de l’Éducation nationale en 2008 ont précisé que l’éducation préscolaire prépare les enfants à l’accès à l’enseignement primaire; elle regroupe les différents stades de prise en charge socio-éducative des enfants âgés de trois à cinq ans.

Cet enseignement préscolaire est dispensé dans des écoles préparatoires, des jardins d’enfants et des classes enfantines ouvertes au sein d’écoles primaires. Le plan de développement quinquennal 2005-2009, a consacré 26 % du budget de l’Algérie au système éducatif dans son ensemble. Des programmes furent aussi mis en place pour combattre l’analphabétisme; selon le recensement de 2008, le taux d’analphabétisme, qui était de 90 % en 1962, est tombé à moins de 40 % en 1990 et à 22,3 % en 2008.

L’école publique et l’école privée en Algérie :

Malgré la construction et la création de nombreux établissements scolaires de tout type par l’Etat algérien, nous assistons depuis quelques années à l’ouverture de nombreuses écoles privées et instituts qui assurent un enseignement payant aux élèves de l’école primaire, du moyen et du secondaire, et aussi dispensent la formation de techniciens supérieurs et de cadres gestionnaires. Pourquoi l’école publique algérienne est-elle délaissée par certains parents pour aller inscrire leurs enfants dans des écoles privées ?

Et pourtant la grande majorité de ces parents ont reçu un enseignement public de qualité dans leur jeunesse. Est-ce parce que les classes sont surchargées ? Cela est-il dû au niveau du programme scolaire faible ou est-ce par manque de compétence des enseignants ? La qualité de l’enseignement est-elle meilleure dans les écoles privées ? Il s’agit d’une question que de nombreuses familles se posent à un moment ou à un autre du parcours scolaire de leurs enfants.

L’importance accrue du diplôme pour l’insertion professionnelle a renforcé la pression sur la réussite scolaire. De plus, la multiplication des organismes

proposant de dispenser des cours privés, observé en Algérie ces dernières années, est une évidence supplémentaire de la remise en question de l’école publique dans son fonctionnement actuel pour assurer la réussite de tous. Certains parents arguent que le développement de ces écoles, tout comme la tendance à avoir recours aux cours privés, ne fera qu’accentuer les inégalités entre les milieux favorisés et défavorisés, inégalités déjà bien imprégnées dans les systèmes de l’éducation. Certains parents, contactés par nos soins, avancent qu’ ‘’il y a des problèmes dans le système éducatif’’ ; par contre, dans les établissements privés, les responsables prennent à cœur la recherche des solutions: rencontres fréquentes avec les familles, conseils de discipline sévères, exclusions des élèves perturbateurs, recherche d’apaisement .

Les enseignants, mieux rémunérés que dans l’école publique, s’impliquent beaucoup plus dans leur travail, suivent plus attentivement les élèves de classe de taille normalisée et proposent une pédagogie adaptée.

La proportion d’élèves scolarisés dans les établissements privés a beaucoup progressé depuis une dizaine d’année en Algérie, notamment dans les grandes villes. Mais bien que l’on parle beaucoup de ce phénomène ces derniers temps, les enseignements primaire, secondaire et universitaire, restent, dans la majorité, l’apanage du secteur public en Algérie. Plus de 90 % des élèves fréquentent un établissement public dans l’enseignement primaire. Les pourcentages diminuent légèrement dans l’enseignement secondaire et le second cycle du secondaire.

D’autres parents pensent que les écoles qui regroupent des élèves d’un milieu social plus favorisé ont tendance à avoir accès à davantage de ressources en éducation et à moins subir les contrecoups d’une pénurie d’enseignants. De surcroît, ces élèves ont davantage une attitude positive envers l’éducation, ce qui crée un climat en classe plus propice à l’apprentissage.

De ce fait, l’amélioration de la performance des écoles publiques est déterminante pour que les parents des enfants scolarisés dans ces établissements gardent confiance dans le système public et ne cherchent pas à en partir.

Dans le monde, les pays où le nombre d’établissements privés est le plus important ne sont pas nécessairement les plus performants, car la qualité du personnel enseignant et la taille des classes sont les facteurs les plus importants à la réussite globale d’un système d’éducation. Réussite pour tous, et ceci quel que soit le milieu social d’origine des élèves.

Et pourtant, nos plus grands écrivains, historiens, journalistes, intellectuels, penseurs, chercheurs, médecins, professeurs, gestionnaires, ingénieurs et artistes algériens contemporains sont tous sortis des écoles publiques, et étaient issus, pour la plupart, de familles pauvres ou modestes.

Nous citerons, entre autres, : Mouloud Maameri, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, Malek Bennabi, Safir Abdelkader, Amar Boulifa, Assia Djebar, Moufdi Zakaria, Abdelhamid Benhedouga, Rachid Boudjedra, Malek Haddad, Mustapha Toumi, Baya Hachemi, Kateb Yacine, Mohamed Lakhdar Essaihi, Said Mekbel, Zoheir Ihadaden, Leila Sebbar, Mostépha Lacheraf, Rachid Mimouni, Yazid M’hamed, Abdallah Benyekhlef, Lakhdar Hamina, Mustapha Badie, Hocine Mezali, Omar Belhouchet, Abdelkrim Lakhdar-Ezzine, Kheireddine Ameyar, Tahar Djaout, Tayeb Belghiche, Idir, etc. Que des symboles de l’école publique !

Hamadouche Rachid, Docteur d’Etat en Sociologie, Professeur à l’Université d’Alger II ……….

l Tout d’abord, peut-on connaitre vos parcours scolaire et professionnel ?

J’ai un parcours et un cursus scolaires des plus normaux; après l’école primaire et le cycle moyen à Hydra, j’ai fait mon cycle secondaire au lycée Amara Rachid de Ben Aknoun ou j’ai obtenu mon baccalauréat. Puis l’université d’Alger pour la préparation d’une licence en sociologie industrielle ; à l’issue de ma formation, j’ai été classé Major de promotion, ce qui m’a valu l’obtention d’une bourse d’études à l’étranger, en Grande-Bretagne; à Londres, j’ai préparé mon Master-Magister en sociologie de la culture contemporaine.

Par la suite, après mon retour au pays, j’ai également préparé mon Doctorat d’Etat en sociologie culturelle à l’université d’Alger en collaboration avec l’université de Lyon II. Je me considère, donc, comme un pur produit de l’école publique algérienne, affiné par l’université occidentale (Britannique et française).

S’agissant de mon parcours professionnel, j’ai débuté ma carrière en 1987 à l’INESG (Institut National des Etudes Stratégiques Globales), structure rattachée à la Présidence, en qualité de chercheur ; depuis quelques années, je suis professeur en sociologie à l’université d’Alger et j’enseigne également à l’école nationale d’administration (ENA) jusqu’à ce jour.

l Pour vous, c’est quoi l’école publique, avant et maintenant?

Avant, l’école publique représentait une valeur sure, vu la qualité de l’enseignement qu’on nous dispensait. Actuellement l’école publique, et même privée, est en crise et en perte de repères, parce qu’elle n’assure plus sa mission socialisatrice à laquelle elle est destinée.

l Est-ce vrai que, ces dernières années, certains parents font quitter leurs enfants des écoles publiques pour les inscrire dans des établissements privés ?

Il y a une petite part de vérité dans ce constat, mais du fait que l’école privée en Algérie ne représente que 4 à 5 %, chiffre insignifiant, on ne peut, donc, pas porter un jugement. Cependant, il y a ce que j’appelle «le Syndrome de l’école privée» chez les parents d’élèves, comme si les enseignants qui assurent l’enseignement dans ces écoles privées sont venus d’une autre planète, alors qu’on sait que 99% d’entre eux sont des retraités du secteur public. Dans l’imaginaire de certains parents, placer leurs enfants dans l’école privée peut être interprété comme un signe de promotion sociale. Ces dernières années, l’école privée s’est instrumentalisée par bon nombre de parents qui « blanchissent » le cursus de leurs enfants, exclus du secteur public, en faisant un détour vers le privée pour retourner ensuite à l’école publique ; manière de transgresser les valeurs et les normes

que l’école devrait justement inculquer à nos enfants.

l Lput-on avancer que les enfants inscrits dans les écoles privées sont issus de familles aisées?

Pas forcément ; il faudrait d’abord définir le concept de « famille aisée »; certes, on retrouve parmi les enfants scolarisés dans le privé issus de familles riches, mais on y trouve aussi ceux issus de parents salariés. Le niveau économique n’est pas un paramètre déterminant, mais je dirai que la qualité, peut-être, de l’enseignement est beaucoup plus déterminante, ajouter à cela le fait de se promouvoir socialement pour certains.

l Selon vous, serait-ce l’incompétence des enseignants, la surcharge des classes ou y aurait-il un autre motif qui pousse les parents à opter pour l’école publique?

Cela peut constituer un paramètre solide, mais d’autres variables peuvent entrer en compte. Comme je l’ai déjà dit, la quête de la qualité de l’enseignement chez certains parents est la cause de l’engouement pour le privé ; d’autres, par contre, c’est à la suite de l’échec scolaire de leurs enfants dans l’étatique.

l Selon vous, quels types

d’enseignants partent dans le privé ?

Tout simplement les retraités du secteur public, et aussi les « diplômés » sans travail, au chômage, donc sans aucune expérience; ce sont ces gens là qui trouvent leurs places dans le privé. Comment peut-on parler, alors, d’un enseignement de qualité ?

l Vous avez certainement des enfants. Sont-ils dans un établissement public ou privé ?

Mes enfants n’ont jamais fréquenté une école privée, El Hamdou lillah! Une de mes filles est en 5e année en Pharmacie, elle a eu son BAC avec une très bonne moyenne à l’échelle nationale; une autre va passer son Bac cette année, à l’école publique.

l Vos enfants suivent-ils des cours de soutien chez le privé ? Si oui, pourquoi ?

Une fois arrivé en classe de terminale, avec au bout un examen déterminant, et vu la fréquence des grèves enregistrées ces dernières années, on se voit obliger et même forcer de nous rabattre sur les cours de soutien.

l Quel pourcentage donnez-vous aux enfants inscrits dans les écoles privées dans les trois paliers de l’enseignement?

Sur 8 millions d’élèves inscrits dans les structures du secteur de l’éducation nationale en Algérie, le secteur privé ne représente que 4 à 5 %, soit un pourcentage relativement faible par rapport à la fréquentation scolaire dans le privé enregistrée dans le monde. Je vous rappelle, qu’à l’époque du lancement de l’école privé, en date du 08/11/2005, (Ordonnance présidentielle n°3-9 du 13/08/2003), le taux de fréquentation chez le privé ne dépassait pas le 1%.

l Avez-vous une idée sur la fréquentation des élèves dans les écoles publiques et privées dans le monde et notamment en Europe ?

A titre indicatif, le taux de fréquentation de l’école privée est de 5% en Jordanie, 27% aux Emirats arabes, 24% au Qatar, 23% au Koweït et 17% au Bahreïn. Aux USA 12% seulement d’enfants sont scolarisés dans le privé, 43 millions d’élèves fréquentent l’école publique. En Finlande, pays considéré comme étant le plus avancé en matière de performance dans le secteur de l’éducation, le privé ne constitue pas la locomotive de l’enseignement; bien au contraire, c’est l’école publique qui est donnée en exemple, et constitue une référence dans le monde .