Les prix du poisson ont connu des baisses sensibles durant les mois de juillet et d’août, au détriment, cependant, des ressources halieutiques des eaux côtières algériennes, a indiqué le président du Comité national des marins pêcheurs et des poissonniers (CNMPP), Hocine Bellout, dans un entretien accordé à l’APS.
Pour exemple, le responsable a indiqué que le prix de la sardine a chuté par rapport à ceux enregistrés au printemps dernier qui étaient de 700 à 800 DA le kilogramme, pour atteindre des prix avoisinant les 200 DA actuellement, et ce, à travers différentes poissonneries côtières.
Cette tendance baissière des prix depuis plus de deux mois, est observée pour différentes espèces poissonnières vendues sur le marché.
- Bellout explique que cette baisse des prix des poissons au profit du consommateur découle, cependant, d’un non-respect des normes et lois en vigueur de la part des pêcheurs, à la faveur d’un déficit de contrôle de la part des services concernés.
Selon lui, les prix des poissons vendus ont baissé en raison de leurs petites tailles, atteignant parfois 5 cm la pièce seulement, les pêcheurs se rabattant sur des spécimens jeunes vu l’amoindrissement général des poissons dans les eaux côtières.
Les poissons s’amenuisent en méditerranée à cause d’une pêche intensive et inconsciente, de la pollution des eaux, en plus des flux migratoires vers d’autres mers, a-t-il expliqué.
Les pêcheurs, pour leur part, bravent plusieurs interdits dans leur activité, a signalé M. Bellout, citant le non-respect des périodes de repos biologique, la recrudescence de la pêche à la dynamite, la pêche utilisant des filets interdits et le non-respect des tailles marchandes.
Pour ce qui est du non-respect des périodes de repos biologique, il représente un grand danger pour la pérennité des espèces puisqu’il engrange progressivement leur extinction, les chalutiers pêchant les poissons durant la période de reproduction et de ponte.
Durant cette période s’étalant du 1 mai au 31 août, les pêcheurs n’épargnent pas les fonds marins en y chalutant même dans la zone dite « zone une (1) », située dans les profondeurs des mers à 0,3 miles marins, que les poissons rejoignent afin d’y déposer leurs œufs.
A ce propos, le directeur de la Pêche et de l’aquaculture au ministère de l’Agriculture, du développement rural et de la pêche, Taha Hemmouche, a rappelé que la loi a durcit les sanctions jusqu’à une peine d’emprisonnement de 5 ans pour les marins pêcheurs pêchant durant cette période, ce qui a » fait reculé le nombre de délits ».
Selon ce responsable, « en 2017, le nombre de délais relatifs au non-respect de la période de repos biologique n’a pas dépassé le nombre de 10 le long du littoral algérien, les garde-côtes faisant un travail remarquable ».
S’agissant de la pêche à la dynamite, M. Bellout a indiqué qu’elle est pratiquée sur le long des côtes allant de Bou Haroun (Tipaza) à Ghazaouat (Tlemcen), alors qu’elle est interdite.
Le président du CNMPP a également affirmé que les filets interdits à la pêche tels les filets dérivants, les filets à quatre bras, les filets invisibles et ceux interdits en fonction de la taille de leurs mailles sont largement utilisés en dépit de la loi.
Pour ce qui est du non-respect des tailles marchandes, celui-ci représente également une menace directe puisque les poissons des différentes espèces sont empêchés d’atteindre la maturité nécessaire et propice à la reproduction.
« Le décret exécutif du 18 mars 2004 fixant les tailles minimales marchandes des ressources biologiques interdit formellement de pêcher, entre autres, des sardines dont la taille n’atteint pas les 11 cm », a indiqué M. Bellout.
Or, des sardines ne dépassant pas les 4 cm se vendent actuellement sur le marché, a-t-il poursuivi ajoutant que l’espèce est pourtant « en voie d’extinction ».
Ces jours-ci, des poissons de différentes catégories atteignant seulement 5 à 6 cm sont pêchés et ramenés en grande quantité.
Le texte du décret exécutif fixe les tailles éligibles à la pêche pour les poissons, certes, mais également pour les mollusques et les crustacés.
« Il y a destruction massive des réserves halieutiques »
Pa ailleurs, notre interlocuteur a évoqué l’action « destructrice » de la pollution des eaux méditerranéennes sur la flore et la faune marine comme raison additionnelle au manque de poissons de tailles appréciables sur le marché.
« La pollution est en train de faire un ravage au sein de l’écosystème marin », a déploré M. Bellout mentionnant le cas de l’Oued du Cibao, qui, recueillant et cumulant des détritus et produits polluant sur le long de ses 240 km, les déverse en mer.
La salubrité et la toxicité des mers exterminent les espèces, ou les poussent à migrer tel dans le cas de la sardine, très sensible à la pollution et qui a migré en grand nombre vers d’autres eaux, a-t-il estimé.
Aujourd’hui, bien des espèces n’existent plus dans les eaux côtières algériennes à cause de la pollution.
Outre la pollution des déversements en mers des oueds et des déchets générés en Algérie, le responsable évoque ceux des 12.500 bateaux qui transitent chaque année par la bassin méditerranéen.
« Les ballastages de navires en rades, leurs déchets, en plus des oueds et des pollutions côtières, dégradent la flore marine. A cette allure, d’ici 50 ans la méditerranée sera une mer morte », a-t-il ajouté en rappelant que la mer méditerranéenne est une mer quasi-fermée, n’ayant pour ouverture sur les océans que les 14 kms du détroit de Gibraltar.
Cette pollution qui détériore les récifs corallien et l’ensemble de l’écosystème marin est d’autant plus problématique, puisque 23 pays entourent la méditerranée a-t-il continué.
« Il y a destruction massive des réserves halieutiques algériennes alors que nous disposons de 194 espèces de poissons et 600 espèces d’algues (à usages cosmétique, médicinale et alimentaire) », a déploré M. Bellout, expliquant qu’à la cadence actuelle cette richesse disparaitra.