Economie nationale : les réformes ou l’agonie !

Economie nationale : les réformes ou l’agonie !

La trajectoire de la dette interne qui repose sur le concours de la planche à billets s’avérera insoutenable à moyen terme, alors que la fonte accélérée des réserves de change conduira inévitablement à l’endettement extérieur.

Les cours du brut ont signé cette semaine

la pire dégringolade mensuelle sur les dix dernières années. Le Brent et la référence américaine, le WTI, ont perdu plus de 20% de leur valeur en un laps de temps d’à peine un mois ; le pire repli mensuel depuis octobre 2008. Une chute qui fait ressurgir les vieux démons et qui met nombre d’économies à rude épreuve. Le déséquilibre du marché est tel que les perspectives s’assombrissent rapidement pour l’économie algérienne dont l’état de santé risque de se détériorer dans le sillage de la rechute des prix du pétrole. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a laissé entendre, jeudi, lors de la réunion gouvernement-walis, que l’année 2019 sera “difficile” au plan des finances et que le pays “vit à crédit”, une situation qui serait insoutenable à terme.

La tension était palpable, jeudi, lors du conclave regroupant les membres du gouvernement et les walis. Face aux risques d’une rechute durable des prix du pétrole, l’Exécutif sait que sa marge de manœuvre est très réduite, voire insuffisante, pour contrôler un navire qui fonce droit vers l’iceberg. Il y a de quoi s’inquiéter lorsqu’on sait que l’équilibre du marché pétrolier est désormais rompu avec, au compteur, une production de pétrole qui carbure à plein régime ; les trois poids lourds du marché signent des records inégalés ; l’Arabie saoudite à 11,2 millions de barils par jour, la Russie à 11,6 mbj et les États-Unis à 11,7 mbj, à l’heure où la demande ne s’est jamais montrée aussi capricieuse sous l’effet d’une croissance léthargique. Face au scénario pessimiste d’un retour à la situation d’avant-juin 2014, qui a précipité les cours du brut dans un engrenage baissier ininterrompu, le gouvernement n’a de choix que de remettre sur les rails, dès 2019, le train des réformes budgétaires et économiques en vue de réduire les déficits responsables de la forte contraction des réserves de change et la forte hausse de la dette interne.

La trajectoire de la dette interne, qui repose sur le concours de la planche à billets, s’avérera insoutenable à moyen terme, alors que la fonte accélérée des réserves de change conduira inévitablement à l’endettement extérieur qui, à ce stade, ne servira qu’à soutenir les dépenses de consommation. Le besoin de réforme n’a jamais semblé aussi pressant. Le contexte est, quant à lui, propice aux ajustements en profondeur. Et pour l’instant, le moins que l’on puisse dire est que l’attitude du gouvernement en la matière est mollassonne. La reprise sans délai de l’assainissement des finances publiques, l’amélioration de l’efficience et la gestion des dépenses publiques, la réforme des subventions, le recours à d’autres options de financement autres que ceux permis par la planche à billets, l’amélioration du climat des affaires et la refondation de l’actuel modèle de croissance basé sur l’investissement budgétaires… sont autant de réformes qui s’imposent, désormais, comme une porte de salut face à des tensions financières qui menacent de s’intensifier si les perspectives venaient à s’assombrir sur le marché pétrolier. L’Exécutif choisissait jusqu’ici des corrections de conjoncture en matière de réformes plutôt que d’initier des ajustements structurels à effets positifs tant sur la croissance que sur la soutenabilité du budget. Faute d’avoir investi suffisamment dans les réformes structurelles, le gouvernement pourrait être amené à appuyer davantage sur le champignon de l’assainissement budgétaire si la situation venait à se détériorer sur le marché pétrolier.

La pilule risquerait de se révéler amère, voire difficile à avaler. Ahmed Ouyahia a annoncé, jeudi, l’intention de son Exécutif de reprendre la réforme des subventions après l’avoir abandonnée en 2017, exception faite de la hausse des prix d’accès aux produits énergétiques. Les subventions pèsent pour environ 27 milliards de dollars annuellement dans le budget de l’État. Le soutien aux produits énergétiques accapare près de la moitié de ces subventions, alors que le soutien aux familles et aux produits de base coûtent à peine 4 milliards de dollars contrairement aux idées reçues. Ce qui signifie que des coups de rabot sont possibles sans pour autant rompre l’équilibre politico-social, et tout en améliorant durablement les perspectives budgétaires. Le soutien à l’habitat, qui mobilise annuellement plus de 4 milliards de dollars, peut être repensé et réorienté de sorte à ce qu’il y ait un retour sur investissement, plutôt que d’alimenter le marché spéculatif en distribuant des logements gratuitement et en autorisant leur revente sur un marché échappant complètement au contrôle de l’État. C’est maintenant qu’il faut agir en matière de réformes, pour ainsi dire, en arrêtant de se bercer d’illusions sur un probable retour à l’équilibre du marché pétrolier.

Ali Titouche