Lors de ces trois dernières années, l’économie mondiale a été soumise à rude épreuve. Il y a d’abord eu, en 2020 et 2021, la pandémie du covid-19, avec le lot de restrictions qu’elle a engendrées. Par la suite, en février 2022, s’est déclenché le conflit Russie-Ukraine qui a bouleversé l’équilibre économique du monde.
En conséquence de ces deux crises majeures, les pays ont connu des fortunes diverses : certains ont payé le prix cher, d’autres ont réussi à limiter les dégâts, voire à tirer profit de la situation. Alors, qu’en est-il des pays du Maghreb, de l’Algérie plus particulièrement ? Notre pays s’est-il mieux sorti que la Tunisie et le Maroc ?
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Pour apporter des éléments des réponses à cette question, nous nous sommes penchés sur une analyse de l’économiste français, Alexandre Mirlicourtois, expert auprès de l’institut d’études, Xerfi. Ce dernier brosse le tableau de la situation économique des trois pays à l’heure actuelle, puis termine par établir une hiérarchie des économies maghrébines en 2023.
Tunisie : un pays « au bord de l’implosion »
Alexandre Mirlicourtois commence par dresser le bilan de l’économie tunisien. Le tableau est noir chez nos voisins de l’est :
« L’économie tunisienne, commence l’économiste, en est assurément la grande perdante puisqu’elle se trouve au bord de l’implosion. C’est tout un système qui est aujourd’hui proche de la rupture. À telle enseigne que l’avenir du pays est suspendu à l’obtention d’un prêt de 1,9 milliard de dollars du FMI […].
[Le pont de divergence résida dans] le système de subvention tunisien des produits importés pour contrôler les prix des hydrocarbures, du café, du sucre, mais aussi des filières nationales comme celles du lait. Un système arrivé au point de rupture, car l’état n’a plus les moyens de le financer.
L’endettement public dépasse désormais 80 % du PIB. Les déficits s’empilent et ne laissent pas entrevoir autre chose que la poursuite de la dérive des finances publiques avec un risque grandissant de défaut de paiement […].
Autre signe qui ne trompe pas, les réserves de change se tarissent. Le dinar [tunisien] est au plus bas face au dollar comme à l’euro […]. La hausse des prix reste supérieure à 10 %. Elle s’approche de 16 % dans l’alimentaire, malgré les subventions.
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L’économie tunisienne est dans une impasse. Son industrie demeure sous-dimensionnée et le tourisme, important pourvoyeur de devises, est confronté à des problèmes de sécurité, à une concurrence étrangère accrue et à un manque d’investissement […].
La fuite des cerveaux, Médecins, ingénieurs, etc., s’intensifie et prend des proportions inquiétantes. »
Algérie : l’économie retrouve des couleurs et « le pays se diversifie »
En deuxième partie d’Analyse, Alexandre Mirlicourtois se penche sur le cas de l’Algérie. Cette fois, les choses se présentent sous un meilleur jour :
« L’Algérie, souligne-t-il, est à l’autre bout du spectre. La flambée [des prix] du pétrole et du gaz naturel ont en fait l’un des principaux gagnants de la crise énergétique. Et pour cause, l’Algérie est le 10e producteur mondial de gaz naturel et, surtout, le 8e exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) […].
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Pour prendre la pleine mesure de la dépendance de l’Algérie des hydrocarbures, il suffit de comparer 2 courbes : celle du cours du Brent et celle du PIB en valeur. Des prix élevés du pétrole et c’est l’assurance d’une accélération de la croissance […], de réserves de change qui enflent. Celles-ci continuent de progresser début 2023 (66 mds $ actuellement, NDLR) […]. »
Cependant, l’économiste ajoute cette nuance :
« L’apaisement des cours des hydrocarbures, rappelle-t-il, va peser cette année, mais les prévisions de croissance restent positives. [En outre], le pays n’en a pas pour autant terminé avec ses problèmes structurels : poids excessif d’entreprises publiques inefficaces, corruption, lobby des importateurs […], faiblesse du secteur financier, etc.
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Mais l’Algérie a pris un virage pour redonner des couleurs à son tissu économique, avec notamment l’abandon de la règle du 51 %-49 % qui freinait les IDE. Il y a aussi la volonté de mieux exploiter le sous-sol avec, par exemple, le projet [algéro-chinois] du phosphate dont le but est de permettre au pays de devenir l’un des principaux exportateurs d’engrais et de fertilisants. Bref, le pays se diversifie », conclut A. Mirlicourtois.
Maroc : malgré une inflation galopante, le pays garde la tête hors de l’eau
L’expert en économie termine son tour d’horizon du Maghreb par le Maroc. Un bilan mi-figue, mi-raisin :
« Le Maroc, analyse A. Mirlicourtois, se situe dans un entre-deux. Comme la Tunisie, le pays est confronté à une hausse générale des prix avec une inflation au plus haut depuis plus de 20 ans. Sur les produits alimentaires, elle a dépassé les 20 %, en février dernier.
Pour en atténuer ses répercussions sur les ménages, le Maroc a adopté une série de mesures, notamment l’octroi de subventions générales sur les produits de première nécessité et le maintien des prix réglementés […]. Mais à la différence de la Tunisie, le coût est supportable pour les finances publiques […].
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Mais mieux encore, les réserves de change sont à un pic historique grâce aux excédents courants : premier exportateur d’engrais dans le monde, à quoi s’ajoute l’amélioration des recettes touristiques qui surplombe leur niveau de 2019 et les transferts de fonds effectués par les Marocains résidants à l’étranger. »
Alexandre Mirlicourtois termine son analyse en établissant un classement général des économies des trois pays du Maghreb : « Algérie, Maroc, Tunisie, c’est la nouvelle hiérarchie des économies du Maghreb. » Nous vous laissons avec la vidéo complète si vous voulez plus de détails et d’explications techniques :