Egypte: Mohamed el-Baradei renonce à ses ambitions présidentielles

Egypte: Mohamed el-Baradei renonce à ses ambitions présidentielles

Revenu en 2010 dans la perspective d’incarner le changement face au président égyptien Hosni Moubarak, l’ancien haut fonctionnaire international vient de jeter l’éponge dans la course au poste suprême. La révolution de février 2011 ne lui a pas offert le boulevard politique escompté : la mainmise des militaires sur l’appareil étatique et la défaite des partis libéraux et laïcs aux dernières législatives ont joué contre sa candidature.

C’était le champion des jeunes, des classes moyennes, et des intellectuels égyptiens. Lorsqu’il pose à nouveau le pied sur le sol de son pays natal, au mois de février 2010, après des années de service à l’ONU à Vienne, une foule de sympathisants le porte déjà en futur dirigeant, devant un pouvoir inquiet d’une popularité si ostentatoire, relayée par la presse du monde entier. « L’homme providentiel », à la stature internationale, incarnait la changement pour nombre de ceux qui n’en pouvaient plus de trois décennies de règne d’Hosni Moubarak.

Ce samedi 14 janvier 2012, Mohamed el-Baradei, 69 ans, renonce pourtant à briguer l’investiture suprême, celle pour laquelle ses sympathisants, et une partie de la communauté internationale, le destinaient. L’élection présidentielle – prévue pour septembre 2011 puis reportée à l’été prochain – est déjà, selon lui, un « simulacre de démocratie ». Il fustige ainsi les décisions prisent par le Conseil suprême des forces armées assurant la transition, qu’il qualifie de « chaotiques et contradictoires » : l’insécurité, la répression des manifestations, l’envoi de civils devant la justice militaire, ou encore la gestion « désastreuse » de l’économie égyptienne ne garantissent pas, pour Mohamed el-Baradei, les conditions nécessaires à l’instauration d’une véritable démocratie… et au maintien de sa propre candidature. Voilà pour l’annonce officielle.

L’homme des organisations internationales

Car sur le plan purement politique, les cieux n’étaient pas plus cléments. Le conservatisme religieux dans la société égyptienne qui s’est fait jour lors des dernières élections législatives (remportées par les Frères musulmans et les salafistes) ne plaide pas en sa faveur. Le régime de l’ex-raïs ne s’était déjà pas privé, en son temps, d’écorner son image en le présentant comme un « mauvais musulman » qui servait du vin lors de son mariage et dont la fille s’affichait, malgré elle, en maillot en une des magazines.

Pour l’Egypte profonde, il reste ainsi l’homme des organisations internationales, éloigné des préoccupations du quotidien et bien trop libéral. Depuis 1964, ce fils d’avocat né en 1942 au Caire a écumé en effet les places fortes de la diplomatie mondiale, de New York à Genève, entrant dans les rouages onusiens dès les années 1980, jusqu’à prendre la tête, de 1997 à 2009, de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Fonction pour laquelle il obtient, en 2005, le prix Nobel de la paix.

Conscient de son manque de charisme auprès des classes populaires et conservatrices de son pays, il s’est évertué à se poser en rassembleur depuis deux ans : à maintes reprises avant et après la chute de l’ex-raïs, il a multiplié les prises de parole, place Tahrir, pour appeler notamment à la constitution d’un gouvernement d’unité nationale, en tendant notamment la main aux Frères musulmans.

Plus d’une dizaine de candidats restent en lisse dans la course à la présidentielle après son retrait, dont Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe ou encore Ayman Nour, ancien adversaire d’Hosni Moubarak en 2005.