Regroupés au sein d’un nouveau parti, des dissidents de mouvements islamistes refusent la polarisation de la société égyptienne, entre sécurité et sectarisme.
« Ni Frères musulmans ni régime militaire », telle est la devise de La Troisième Voie (Midan Al-Talat, en arabe), dernier-né des mouvements de la révolution égyptienne. Le parti s’est formé au lendemain du 26 juillet, jour où le général al-Sissi, nouveau Zaim du pays, a donné mandat à l’armée de lutter contre « le terrorisme des Frères musulmans ». Craignant de voir l’Égypte basculer définitivement dans l’engrenage de la polarisation, une vingtaine de jeunes militants se sont mobilisés.
« Plus qu’une formation, notre mouvement est d’abord un état d’esprit », explique son porte-parole, Karim Hassan. « Nous sommes contre les Frères musulmans, mais ne cautionnons pas le massacre dont ils ont été victimes », précise-t-il. Les militants du groupe sont pour la plupart d’anciens adhérents de partis de gauche et de partis islamistes. Déçus par les directions radicales prises par leurs dirigeants respectifs, ces activistes ont choisi la dissidence.
Discours sectaire et sécuritaire
Cheveux mi- longs et barbe légèrement fournie, Karim Hassan faisait partie d’une formation d’extrême gauche, Notre Égypte (Masrina, en arabe), mouvement auquel adhérait également le célèbre cyberactiviste Wael Ghonim, devenu l’un des symboles de la révolution égyptienne de 2011. Le ton posé, Karim fait part de son inquiétude face à l’extrémisme galopant de ses compatriotes. « Dans cette bataille sans merci que se livrent l’armée et les Frères, il est de bon ton de se positionner », regrette l’architecte, déplorant la violence dont est régulièrement victime son mouvement. « Lorsque nous organisons des marches, nous sommes souvent chassés par les habitants des quartiers qui ne comprennent pas notre refus de prendre parti. »
Selon Karim, cette réaction hostile trouverait sa source dans la propagande que les militaires et l’organisation des Frères musulmans mènent depuis l’arrivée de Mohamed Morsi au pourvoir, en juin 2012. Le discours sécuritaire de la junte d’un côté et celui, sectaire, des Frères musulmans de l’autre auraient nourri les divisions. « Les militaires ont effrayé la population en allant jusqu’à lancer des rumeurs comme l’occupation prochaine du Sinaï par LeHamas (mouvement de résistance islamique palestinien) ou le déploiement de la flotte américaine dans le canal de Suez », dénonce Karim.
Page Facebook
Pour cet architecte de formation, les deux camps auraient donc chacun exploité la population, l’un avec l’intolérance, l’autre avec l’insécurité. Même le mouvement Rébellion (Tamarod, en arabe), instigateur de la mobilisation à l’origine du renversement de Mohamed Morsi le 3 juillet, ne trouve plus grâce aux yeux des révolutionnaires : « Leur action initiale de mise à l’écart de Morsi était louable, mais ils se rangent aujourd’hui du côté de l’armée », un choix que ne cautionne pas le mouvement, pour qui les acquis de la révolution ne sont pas négociables.
La Troisième Voie se structure peu à peu, via une page Facebook qui compte autour de 23 000 abonnés et un quartier général, le Sphinx, dans Mohandessin (sud-ouest du Caire). Vendredi, ils étaient plusieurs centaines à défiler, tentant d’élever leurs voix au-dessus des slogans de la discorde.