Elle analyse le retour du Maroc à l’union africaine: Louisa Dris-Aït Hamadouche : “Une dimension supplémentaire au conflit de la Rasd”

Elle analyse le retour du Maroc à l’union africaine: Louisa Dris-Aït Hamadouche : “Une dimension supplémentaire au conflit de la Rasd”

Maître de conférences à la faculté des sciences politiques et des relations internationales à Alger 3 et enseignante associée à l’ENA (École nationale d’administration) où elle enseigne la gestion des crises et des conflits, chercheuse associée au Cread, Louisa Dris-Aït Hamadouche, auteure de plusieurs publications, revient dans cet entretien express sur l’enjeu inhérent au retour du Maroc au sein de l’Union africaine, notamment ses implications possibles sur le conflit du Sahara occidental.

Liberté : La réintégration du Maroc au sein de l’UA peut-elle être considérée comme une victoire diplomatique du royaume ou un échec des pays qui se sont opposés à son retour ?

Louisa Dris-Aït Hamadouche : Deux éléments de réponse sont à prendre en compte : d’une part, cette intégration est le fruit d’une diplomatie cohérente, menée par un groupe formé de quadragénaires qui, tout en étant proches du roi, est tout à fait au fait des exigences de la diplomatie d’influence et de réseaux qui exige réactivité et adaptation. Pour obtenir les 39 voix sur un total de 54, cette diplomatie a dû convaincre les plus hésitants et élargir la sphère d’influence marocaine au-delà de l’Afrique de l’Ouest. Le second élément de réponse consiste à mettre en avant le fait que la victoire du Maroc n’est pas totale car l’idéal pour lui aurait été d’obtenir l’exclusion de la Rasd et d’imposer des réserves sur l’acte constitutif de l’UA qui affirme l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation. Deux objectifs qu’il n’a pas pu obtenir, ce qui l’a conduit à revoir ses objectifs à la

baisse.

Et, concrètement, ce retour pourra-t-il ouvrir la voie à une cohabitation avec la Rasd et donc à un éventuel règlement de la question sahraouie ou plutôt à un bras de fer encore plus tendu ?

Il existait déjà un bras de fer entre les alliés de la Rasd et ceux du Maroc au niveau de l’organisation panafricaine. L’intégration du Maroc risque de donner à ce face-à-face une dimension supplémentaire car le Maroc aura une marge de manœuvre supérieure à celle qu’il avait auparavant, lorsqu’il devait faire passer ses objectifs par procuration. Cette intégration montre bien que la politique de la chaise vide n’est jamais la bonne.

N’y a-t-il pas risque, à terme, de divisions, et par ricochet, blocage au sein de l’UA ?  

L’Union africaine n’a jamais constitué un bloc monolithique, homogène et unifié. En tant qu’organisation intergouvernementale, elle souffre de la lourdeur et des contradictions inhérentes aux institutions qui ne s’engagent pas dans une logique supranationale. L’UA pourrait éventuellement renforcer son poids à travers le renforcement des ensemble sous-régionaux plus au fait des besoins locaux. Par contre, les dossiers politiques et stratégiques révèlent régulièrement une organisation paralysée par les contradictions politiques et le manque de ressources financières.