Plusieurs hommes d’affaires et chefs d’entreprise sont actuellement frappés par la mesure d’interdiction de quitter le territoire national (ISTN) à titre judiciaire, pour certains, et à titre conservatoire, pour d’autres. Selon nos sources, ces mesures, qui sont intervenues, pour la grande majorité, après la grandiose et inattendue marche du 22 février dernier, sont effectives et touchent plus de 150 individus qui gravitent autour des milieux politiques et des affaires, notamment ceux qui sont proches du Forum des chefs d’entreprise (FCE) et de l’organisation Jil-FCE, mais aussi d’autres patrons de sociétés privées et étatiques et des sociétés qui activent dans l’import-export et de hauts cadres des institutions financières censés être sollicités et/ou réquisitionnés pour les besoins des enquêtes judiciaires.
Selon nos sources, ces ISTN revêtent, pour la plupart, un caractère conservatoire tant que les mis en cause ne sont pas frappés par l’article 7 (article 36-bis) de l’ordonnance n°15-02 du 23 juillet 2015 modifiant et complétant l’ordonnance n°66-155 du 8 juin 1966 portant code de procédure pénale.
En revanche, les autres, pour la plupart soupçonnés de corruption et de blanchiment d’argent, de transfert illégal de devises, sont directement touchés par cette loi qui stipule que “le procureur de la République peut, pour les nécessités de l’enquête, sur rapport motivé de l’officier de Police judiciaire, ordonner l’interdiction de sortie du territoire national de toute personne à l’encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer sa probable implication dans un crime ou un délit”, d’une part, et que cette interdiction “prend effet pour une durée de trois mois renouvelable une seule fois”, d’autre part.
Cet article de loi est conforté par l’article 55 de la Constitution (paragraphe 3) qui stipule que “toute restriction à ces droits ne peut être ordonnée que pour une durée déterminée, par une décision motivée de l’autorité judiciaire”.
Parmi ces personnes frappées par des ISTN figurent une vingtaine d’individus qui ont déjà quitté le territoire national, notamment pour la France, l’Italie, l’Espagne, la Turquie ou encore Dubaï.
Ces derniers, qui risquent de tomber sous le coup d’un mandat d’arrêt international, ont, pour la plupart d’entre eux, rejoint le pays en attendant les résultats des enquêtes engagées par les sections et les brigades financières spécialisées, relevant des différents corps des services de sécurité.
Cela étant, et conformément à l’article 36-bis de la même ordonnance de 2015, “lorsqu’il s’agit des infractions de terrorisme ou de corruption, l’interdiction peut être renouvelée jusqu’à la clôture de l’enquête”, et ce, avant que la levée de l’ISTN ne soit ordonnée dans les mêmes formes, c’est-à-dire par décision de justice dûment délivrée par le procureur de la République. Il faut noter que les récentes saisies astronomiques des devises dans plusieurs aéroports d’Algérie, notamment à Alger, à Constantine et à Oran, et la suspicion générale qui règne au niveau des banques quant aux transferts illégaux de devises qui sont ou pas effectués par des hommes d’affaires et des chefs d’entreprise ont provoqué un climat de crispation dans le milieu financier. Cette situation a semé le trouble tant au niveau des banques que sur le marché parallèle des devises où l’euro est cédé à plus de 220 DA, alors que le dollar américain a atteint la barre des 198 DA au square Port-Saïd d’Alger.
Cet état de fait avait contraint la Banque d’Algérie à réagir pour apporter un démenti, affirmant que “le prétendu emballement des transferts de capitaux, par le canal bancaire, tel que rapporté par des médias, est dénué de tout fondement” et que “le dinar étant l’unique monnaie qui a cours légalement en Algérie, aucune banque, et en aucun cas, ne peut octroyer et n’a octroyé un crédit en dollars ou en toute autre monnaie que le dinar. C’est le cadre légal. Toute autre assertion est infondée”.
En revanche, plusieurs ISTN à caractère conservatoire, qui touchent des personnalités politiques, n’obéissent à aucun article de loi et sont en porte-à-faux avec l’article 55 de la Constitution (paragraphe 2) qui stipule que “le droit d’entrée et de sortie du territoire national lui est garanti”.
FARID BELGACEM