Après deux réunions, le conseil consultatif (majless échoura) du parti islamiste tunisien Ennadha a décidé de ne soutenir aucun candidat à la présidentielle, laissant libre cours à ses sympathisants de voter pour le candidat de leur choix. Diverses lectures ont été faites de cette décision qui cache une politique singulière et bien particulière au parti islamiste. Désormais, habitués au double langage de ce parti, aussi bien les partis politiques que les observateurs n’arrivent pas à déchiffrer le message que les islamistes entendent communiquer à tous ceux qui suivent de près l’évolution politique en Tunisie. Cependant, l’adoption d’une telle attitude traduit une image claire des dissensions qui divisent ce parti partagé (ce n’est un secret pour personne) entre faucons et colombes alors que pour les nahdhaouis c’est une illustration de l’adhésion du parti islamiste au processus démocratique.
En tout état de cause, le plus grand perdant serait l’actuel président Mohamed Moncef Marzouki qui comptait beaucoup sur un soutien sans équivoque du parti islamiste dans sa campagne électorale pour succéder à lui-même. En réaction à cette décision, le président de l’ANC sortante et candidat à la présidentielle, Mustapha Ben Jaâfer, s’est interrogé sur la signification de l’attitude adoptée par le parti islamiste qu’il a exhorté à prendre une position claire vis-à-vis du scrutin présidentiel. D’autres observateurs lisent ce message comme un soutien implicite au candidat Caïd Essebsi qui avait eu, il y a quelques jours, une rencontre avec le chef du parti islamiste.
Malgré le silence observé par les deux parties quant à la teneur de cette rencontre, certains y voit l’ébauche d’une entente sur la composition du prochain gouvernement au sein duquel Ennahdha cherche à y avoir place. Ce serait, donc, un marché à conclure entre les deux partis les plus puissants du pays pour occuper à eux seuls le paysage politique tunisien. Cette rencontre aurait été, aussi, l’occasion de déclencher un processus d’alliance ou du moins d’entente qui exclurait tous les autres partis d’un éventuel rapprochement avec Nidaa Tounès.
Car avec ses 86 sièges à l’Assemblée, ce dernier se voit dans l’obligation de courtiser les divers partis siégeant avec lui pour obtenir la majorité requise à la formation du futur gouvernement. Et malgré leurs divergences parfois profondes, les deux grands pourraient entrer dans une phase de collaboration “gagnant-gagnant” qui permettrait à Nidaa Tounès d’obtenir une majorité confortable et à Ennahdha d’avoir un “pied-à- terre” dans le prochain gouvernement. Quant à la campagne électorale, entrée dans sa deuxième semaine, elle est en disjonction avec les prérogatives du chef de l’Etat. Aussi bien dans les meetings que sur les plateaux de télévision, les candidats confondent leurs prérogatives avec celles du chef du gouvernement.
En effet, sans exception, ils parlent tous de questions économiques et sociales alors que le champ des prérogatives du président de la République se limite à la conception de la politique générale des secteurs de la Défense et de la sécurité nationales et des Affaires étrangères après consultation avec le chef du gouvernement tel que défini par l’article 77 de la Constitution. Ainsi menée de la sorte, la campagne électorale de la présidentielle aura laissé les électeurs sur leur faim.
M. K.