Pour sa troisième campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à reprendre les thèmes chers à l’extrême-droite. Quitte à verser dans la surenchère face à une Marine Le Pen qui, elle, tend plutôt à arrondir les angles.
Est-ce un pas de plus fait en direction des électeurs frontistes ? Alors qu’il avait initié le Grenelle de l’environnement en arrivant à l’Élysée, Nicolas Sarkozy se range à présent du côté de ceux qui doutent de l’urgence du changement climatique. Mercredi 14 septembre, lors d’une réunion à l’Institut de l’Entreprise, il affirmait, selon Marianne : « Cela fait quatre milliards d’années que le climat change. Le Sahara est devenu un désert, ce n’est pas à cause de l’industrie. Il faut être arrogant comme l’homme pour penser que c’est nous qui avons changé le climat ».
Tryptique identité, immigration et sécurité
Un point de vue que n’aurait pas renié le très climato-sceptique clan Le Pen (malgré un positionnement du FN sur l’écologie, remis en cause par Reporterre) et qui vient renforcer l’inflexion déjà très droitière de la campagne de Nicolas Sarkozy. Certains diront qu’il prend à chaque déclaration un peu plus le risque de se couper des électeurs centristes et de la droite modérée, lui s’en moque. Plus que jamais, Nicolas Sarkozy est convaincu d’adopter la bonne stratégie en misant une fois de plus sur le tryptique identité, immigration et sécurité, des thématiques si chères au Front national.
Depuis le début de l’année, Nicolas Sarkozy a ainsi proposé de stopper l’immigration économique durant toute la durée du prochain quinquennat, d’appliquer une politique d’assimilation systématique, de restreindre le droit du sol, de suspendre le regroupement familial, de mettre en place de nouveaux accords de Schengen et de restaurer, en attendant, les contrôles aux frontières, d’interdire le port du voile à l’université, dans l’administration et les entreprises ou encore de mettre fin aux menus de substitution dans les cantines scolaires publiques. Autant de propositions qui sonnent comme une douce musique aux oreilles des électeurs de Marine Le Pen et qui visent justement à répondre à leurs attentes.
La stratégie de ce grand consommateur de sondages répond à l’évolution de l’opinion. Une étude de l’Ifop publiée durant l’été et réalisée après l’attentat de Nice montre ainsi un changement profond chez les Français : pour la première fois depuis 2002, la question sécuritaire est passée en tête de leurs préoccupations, détrônant celle de la lutte contre le chômage et de la relance de l’économie.
« Sarkozy l’a compris : la campagne se jouera à droite, affirme à France 24 Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Iris, spécialiste de l’extrême droite. Il y a un retournement de l’opinion depuis les attentats [janvier 2015, ndlr], mais la question pour lui est de savoir comment convaincre les électeurs de droite partis au FN de lui faire à nouveau confiance. »
Contrairement à 2007, Nicolas Sarkozy a effectivement un bilan de président. Or, celui-ci ne plaide pas en sa faveur aux yeux des électeurs frontistes qui ont pu constater l’écart entre les promesses de campagne et l’action menée à l’Élysée entre 2007 et 2012. Pour séduire, l’ex-patron du parti Les Républicains, candidat pour la troisième fois à l’élection présidentielle, est donc contraint de faire dans la surenchère.
Des propositions plus radicales que l’extrême droite sur l’État de droit
Celle-ci est assez flagrante sur la question sécuritaire et terroriste. Alors que Marine Le Pen prône le respect de la Constitution et de l’État de droit, Nicolas Sarkozy, comme il l’a de nouveau affirmé dans le JDD, dimanche 11 septembre, souhaite placer en centre de rétention toutes les personnes fichées S et susceptibles de constituer une menace pour la sécurité. Il veut également pouvoir adapter l’État de droit en créant une juridiction d’exception avec une cour spéciale antiterroriste et un parquet national antiterroriste.
Cette stratégie n’est toutefois pas sans risques et s’est d’ailleurs soldée par une défaite en 2012. Longtemps proche de Nicolas Sarkozy, dont il fut l’un des conseillers lors des deux dernières campagnes présidentielles, l’ancien secrétaire d’État Frédéric Lefebvre estime en effet que ce virage est responsable de la perte de la droite. « La France est une terre d’équilibre et on ne peut pas être candidat avec une jambe droite bodybuildée et une jambe gauche atrophiée, affirme-t-il à France 24. En 2007, nous avions trouvé le bon équilibre, mais, sous l’influence de Patrick Buisson, Nicolas Sarkozy s’en est détourné et a fait de cette ligne identitaire sa martingale gagnante cinq ans plus tard, avec le résultat que l’on sait. »
« Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de pousser le bouchon un peu loin quand on parle de sécurité et de terrorisme car ça ne sera jamais assez pour les frontistes, explique Jean-Yves Camus. Il faut bien regarder le programme de Marine Le Pen dans le détail pour s’en rendre compte. Il y est notamment question de peine de mort, de la fin de Schengen, de la sortie de l’Union européenne, du retour au franc ou de la sortie de l’Otan. Nicolas Sarkozy ne propose pas tout ça. »
Reste que le contexte actuel lié aux attentats change la donne, estime le chercheur. Et à en croire les derniers sondages qui éliminent la gauche du deuxième tour dans toutes les hypothèses envisagées, la stratégie de la surenchère droitière pourrait cette fois-ci s’avérer gagnante.