Critiqué par la presse algérienne, contesté par le président de sa Fédération Mohamed Raouraoua, au bord du licenciement après la CAN 2013 catastrophique des Fennecs, Vahid Halilhodzic a survécu à tout pour devenir le premier entraîneur à mener les Verts en 8e de finale d’une Coupe du monde. Sans jamais se renier, Coach Vahid trace sa route. A l’Allemagne de le prendre au sérieux.
Sur la pelouse de Curitiba, Vahid Halilhodzic pleure. En accrochant la Russie (1-1), la sélection algérienne, menée par le Bosnien depuis juillet 2011, vient de se qualifier pour les huitièmes de finale du Mondial. Une première historique. Quelques minutes plus tard en conférence de presse, les lames remplacent les larmes. « Je ne joue pas pour les journalistes ou pour les critiques. Le chef de presse vient de me dire que j’avais trois millions de fans sur Facebook, donc cela veut dire qu’il y a des gens qui apprécient Vahid, déclare-t-il vengeur. Vous continuez de me critiquer mais je fais mon boulot. » Voici Coach Vahid résumé en deux actions. Père Fouettard sur le pré, papa poule en dehors. « C’est quelqu’un de très attachant, confie le défenseur central Mahjid Bougherra. Il est dur quand on travaille, minutieux dans tout ce qu’il fait. Mais en dehors, quand l’entraînement est fini, quand on gagne, il est proche des joueurs. (…) On l’aime. C’est quelqu’un de bien, malgré son côté dur. »
La presse algérienne ne lui laisse rien passer
Apprécié de ses joueurs, celui qui a débuté sa carrière d’entraîneur au Velez Mostar ne jouit pas de la même côte de popularité dans les rédactions algériennes. Ses choix sont épiés et discutés en permanence et son salaire exorbitant est critiqué (700.000 euros annuels selon la presse), d’autant que de nombreux journalistes regrettent son prédécesseur Rabah Saadane. « Autant de mensonges… On a attaqué ma propre famille. Ma fierté, mon honneur, personne n’a le droit d’y toucher. (…) Aujourd’hui c’est une petite récompense », savourait l’ex-technicien de Lille, Rennes et du PSG après la victoire contre la Corée du Sud. Torpillé suite à la défaite inaugurale face à la Belgique, l’entraîneur de 62 ans a revu ses plans. Et ses choix ont fait mouche. A la peine offensivement lors de leur première sortie, les Fennecs ont fait feu de tout bois. Derrière le prometteur Slimani, le trio Djabou, Brahimi, Feghouli a fait des étincelles. « Bien utiliser les qualités de notre attaquant (Slimani) en profondeur, jouer dans les intervalles, redoubler les passes… C’est le jeu qu’on pratique à l’entraînement », expliquait l’homme que les supporters des Verts appelle « Wahid », comme pour se dédouaner de la triste prestation des siens en ouverture.
Sur le banc des vainqueurs de la CAN 1990, le natif de Jablanica a déjà vécu plusieurs vies. A l’issue d’une Coupe d’Afrique des nations manquée dans les grandes largeurs en février 2013 (2 défaites, 1 nul), sa tête était proche du billot. Idem au coup de sifflet final du barrage aller perdu au Burkina Faso (3-2). Dans la folie de Blida, ses troupes avaient réussi à inverser la tendance. Halilhodzic, lui, avait gagné du répit. Une accalmie de courte durée. A l’approche du rendez-vous brésilien, les rumeurs allaient bon train sur des désaccords entre le président de la Fédération algérienne et le coach bosnien ainsi que sur des tensions au sein du staff algérien.
Qu’importe, Vahid Halilhodzic est resté fidèle à ses principes. Nul n’intervient dans ses choix et tout le monde est sur un pied d’égalité. Pour preuve, le capitaine Bougherra est resté sur le banc contre la Russie. « J’ai mis en place une concurrence que certains acceptent difficilement, je joue un peu sur leur orgueil. » Et quand Sofiane Feghouli, tout meilleur joueur algérien qu’il est, s’est permis de critiquer la préparation physique en vue du Mondial, la réponse du technicien d’Europe de l’Est a été cinglante. « C’est normal que Sofiane se plaigne de la charge de travail, vu qu’il n’aime pas trop les efforts physiques. Il faut que les joueurs sachent qu’on n’est pas en train de préparer un championnat de quartiers sur Alger. » Le bâton et la carotte, tel est le credo du technicien à la chevelure grise et au débit saccadé.
Halilhodzic a convaincu ses joueurs
Conscient du défi que représente son 8e de finale contre l’Allemagne, le double meilleur buteur du championnat de France (1983 et 85 avec Nantes) brouille les pistes. « Feghouli, Brahimi, ce sont des garçons de talent. (…) Mais il ne faut pas seulement mettre Feghouli, Djabou, Brahimi, il faut parfois mettre des joueurs plus costauds pour les coups de pieds arrêtés. » Désireux de maintenir son groupe sous pression, Coach Vahid ne manquera pas de lui transmettre confiance et rage de vaincre au moment de se frotter à la bande à Löw. Comme avant le match face à la Russie où il avait tenu un discours de motivation de plus de dix minutes lors du dernier entraînement.
A la mi-temps, visionnaire, il avait persuadé ses joueurs qu’ils allaient égaliser. Droit dans ses bottes, Halilhodzic a convaincu ses troupes de le suivre au feu. Et loin de la ligne de front, l’arrière commence à être convaincu qu’il s’agit du bon général pour mener le combat. En conférence de presse, un homme a confié que l’Algérie l’avait fait pleurer en décrochant son premier succès en Coupe du monde depuis trente-deux ans. C’était un journaliste…