Un des plus beaux théâtres de la Grèce antique s’ouvre à nouveau au public à Messène, dans le sud du Péloponnèse.
Nous avons l’habitude en France de voir des théâtres fermés pour restauration durant un an ou deux, afin de rouvrir leurs portes, plus éclatants, plus magnifiques encore. C’est arrivé à l’Opéra de Paris, au Grand Théâtre de Bordeaux, aux Théâtres des Champs-Elysées et de l’Odéon ou à l’Opéra de Lyon, pour ne citer que des maisons illustres.
Mais ce qui est pour nous infiniment plus rare, et dont on ne connaît d’exemples qu’avec les théâtres antiques d’Orange, d’Arles, de Fourvière ou Vaison-la-Romaine, rendus au public au XIXe et XXe siècles, c’est de voir ressurgir du néant un théâtre édifié… il y a 2.300 ans.
Abandonné par les Messéniens sous l’influence du christianisme (Epîtres de Saint-Paul aux Messéniens), oublié durant dix-sept siècles, le théâtre de Messène s’ouvre à nouveau à la vie par un concert qui aura lieu ce 3 août, après 1700 ans de silence, sur le site de l’antique cité grecque, au sud du Péloponnèse.
La cité idéale
L’histoire de Messène, des théâtres, des temples que renferment ses puissantes murailles, remonte à 369 avant J.C. L’illustre général thébain Epaminondas ayant vaincu les Spartiates à Leuctres en 371 et ayant enfin anéanti la tyrannie exercée par Sparte sur les nations voisines, libéra les peuples réduits en esclavage par la cité de Lycurgue. Il restitua la Messénie aux Messéniens, leur enjoignant d’édifier une capitale nouvelle où accoururent ceux de ce peuple qui s’étaient exilés en Libye, en Sicile où ils avaient fondé Messine, ou dans d’autres états grecs, de façon à résister à une possible revanche de Sparte.
C’est ainsi que naquit Messène, au pied du Mont Ithome,forteresse et sanctuaire dédié à Zeus Ithomatas. Construite harmonieusement en terrasses au cœur d’un cirque montagneux s’ouvrant vers la mer qu’on aperçoit au loin, conçue sur le modèle de la ville idéale établi par l’architecte et géomètre Hippodamus de Milet, Messène, dont les murailles renforcées de trente-huit tours couraient sur neuf kilomètres, renfermait en son centre ses plus beaux monuments publics de façon à ce que leur accès soit d’égale facilité pour tous les citoyens établis dans les quartiers alentour.
Un théâtre pour dix mille spectateurs
Agora magnifique, propylées imposants, fontaine monumentale, sources multiples, temples d’Esculape, d’Artémis ou de Déméter, odéon destiné aux assemblées populaires de l’Ecclesia, salle couverte vouée à l’assemblée des élus, la Boulé, stade superbe entouré de portiques et ouvrant sur le cirque des collines demeurées inchangées depuis l’Antiquité, un stade destiné à recevoir les 10 000 habitants de la cité et tous ceux des alentours, Messène dépassa sans doute en nombre d’habitants la population d’Athènes alors que trois ports la reliaient au reste du monde grec.
Edifié à la façon des théâtres grecs en utilisant la déclivité du terrain, adossé à un vaste mur semi-circulaire, le magnifique théâtre fut bâti lui aussi pour quelque dix mille spectateurs ou pour l’ensemble des citoyens à l’occasion de réunions d’ordre politique. Il ne subsiste plus que quelques rangées de gradins en grès, au premier rang desquels s’élève le siège à dossier destiné vraisemblablement au grand prêtre de ce temple de Zeus qui dominait la ville du haut de l’Ithome.
Si le géographe et écrivain Pausanias consacra de nombreuses pages à Messène dans sa « Description de la Grèce » au deuxième siècle après Jésus Christ, la cité devenue chrétienne fut plus tard abandonnée, recouverte par les vignes et les oliveraies, réduite à l’oubli et au silence même si des voyageurs français ou anglais en visitèrent les ruines dès le XVIIe siècle.
Statues d’Artémis, de Thésée, d’Hermès
Ce n’est qu’en 1986 que la Société archéologique d’Athènes racheta aux paysans des environs l’ensemble des terrains recouvrant la cité et que commencèrent des fouilles financées par l’Union européenne et confiées à l’archéologue Petros Themelis. On y a découvert des statues magnifiques de Thésée, d’Hermès, d’Artémis, celles de jeunes prêtresses de cette déesse et cela aux emplacements même décrits par Pausanias.
Petros Themelis (photo Bernard Crozier)
Quant au théâtre, partiellement restauré avec des fonds de la Fondation Niarchos, et qui était doté d’une vaste scène mobile à l’époque de sa construction, il se prépare fébrilement à une soirée de gala donnée ce 3 août pour célébrer sa renaissance.
Sous la direction de Vassilis Christopoulos, directeur de l’Orchestre national d’Athènes, un ensemble de musiciens accompagnera deux artistes natifs de la région, la soprano Cecilia Costea et le baryton Dimitri Platanias. Dans un répertoire fort peu grec, bien évidemment, consacré à Verdi et Puccini. Une soirée où l’on attend des milliers de spectateurs sur ce site généralement désert qui constituera le point final du Festival d’Athènes et d’Epidaure 2013, mais aussi le renouveau de l’un des plus beaux théâtres de la Grèce antique.