Contre la Russie, l’Algérie espère enfin passer le cap des poules. Pour y arriver, les Fennecs pourront en tout cas compter sur leur jeune pépite, Nabil Bentaleb, que la France n’a jamais pris au sérieux.
Ces dernières années, l’Algérie s’est souvent réfugiée derrière les jupons d’un de ses nombreux hypothétiques cracks. Souvent elle a été déçue, pensant dénicher enfin son nouveau guide. Celui qui les guiderait vers l’oasis. Mourad Meghni, Karim Ziani ou encore Ryad Boudebouz ont tous suscité de l’espoir pour mieux décevoir derrière. Aujourd’hui, Nabil Bentaleb a récupéré ce costume qui a tendance à tailler grand. Même si au bled sa cote de popularité n’est pas encore très élevée, le milieu de Tottenham est pour beaucoup celui qui pourra faire la différence pour les Gladiateurs du désert.
Depuis qu’il s’est installé dans l’entrejeu des Spurs lors du dernier Boxing Day, Nabil Bentaleb a eu les faveurs d’André Villas-Boas puis de Tim Sherwood. À même pas 20 ans, son profil milieu polyvalent a relégué sur le banc Capoue, Sandro, Holtby et Dembélé. Mais le destin n’est pas toujours allé dans son sens pour le natif de Lille passé par le centre de formation du LOSC. Dans le Nord, le gars fait tranquillement ses classes, sans pour autant taper dans l’œil de ses superviseurs. Au bout de cinq années, on lui signifie poliment le chemin de la sortie. La famille Bentaleb n’a rien vu venir. « Je ne sais pas toujours pas pourquoi. […] Depuis que Lille ne m’a pas gardé, j’ai gardé une mauvaise image de ce club », avouera-t-il encore plus tard à InfoFM. Trop petit, pas assez discipliné au goût des éducateurs, le gamin loupe le coche. Contacté, le club lillois ne voudra en dire davantage. Pas envie de commenter ce qui ressemble à une erreur de casting.
Le déclic Dunkerque
Le gamin rebondit ensuite à Mouscron, puis à Dunkerque. Mais son éviction de Lille est encore présente et la plaie n’est pas encore cautérisée. Bentaleb garde cependant espoir, trop touché dans son orgueil par cette éviction. En 2011, après son départ de Belgique, il fait la connaissance de Frédéric Basir, coach en U17 nationaux de Dunkerque. « Je l’ai pris à l’essai, j’ai senti quelqu’un de meurtri mais pétri de talent.» Viré de Mouscron pour mauvais comportement, Nabil joue là sa dernière carte. « On a pris le pari. Car vous savez, des types comme lui à Dunkerque, on en voit passer tous les 100 joueurs. » Les premiers mois sont difficiles. Trop indiscipliné hors comme sur les terrains, son coach avoue découvrir un « bon gars mais fâché avec l’autorité. » Malgré quelques petites vagues, il se concentre sur son football et s’intègre au projet collectif du club. « Je pense qu’il lui fallait ce déclic, cette personne qui arriverait à le canaliser », croit Basir.
À l’été 2012, tout s’enchaîne. Son agent lui propose un essai à Birmingham, qui tente alors à l’époque de remonter en Premier League. « Les tests ont été concluants, mais il (son agent)m’emmène à Tottenham. Il avait téléphoné à Harry Redknapp pour lui dire qu’il avait un jeune à lui proposer. Je suis allé faire les tests et deux semaines après je signais. » Impressionné par le talent de cet inconnu, à l’image de ce qu’il avait déjà pu entrevoir chez Adel Taarabt (passé parLens, lui), Dirty Harry envoie son joyau s’aguerrir en réserve et place de grands espoirs en lui. « À Tottenham, ils gardent la personne et construisent autour. Ils s’adaptent à ton profil. »
Il file à l’anglaise
Sous la tutelle de William Gallas et de Younès Kaboul, Bentaleb s’adapte très vite. Chez les Spurs, on est en tout cas sous le charme. « Bentaleb est un bon joueur. Il a apporté une nouvelle touche au milieu », vantait Adebayor au Daily Express. À Dunkerque, on n’a pas vu venir, aussi bien côté administration que sur le bord de la pelouse, cette explosion soudaine. « Ça été brutal. Je pensais plus qu’il allait attraper un club en National, puis passer par la Ligue 2 avant d’atteindre le haut niveau », confie Frédéric. Aujourd’hui titulaire à Tottenham et international en Coupe du monde, les dirigeants regrettent de ne pas avoir pris au sérieux les essais de Nabil. « On est passés à côté d’un bon paquet d’argent. Quand il est parti faire des essais, le manager général n’avait demandé que 10 000 euros pour un hypothétique achat. Vu ce qu’il est devenu, on peut nourrir de gros regrets. Surtout qu’on attend toujours l’indemnisation de Tottenham qui fait le dos rond…», admet un employé du club.
Aujourd’hui, Bentaleb est au Brésil et est en passe de qualifier l’Algérie pour un huitième de finale historique. Une incroyable ascension pour celui qu’on a finalement toujours un peu sous estimé et en qui on n’a jamais vraiment cru. « Il m’a envoyé un petit texto quand il avait débuté à Tottenham. Ça m’a fait chaud au cœur, et puis ça prouve qu’il a mûri », sourit Basir. À lui de faire de même avec l’Algérie.