Entre la faveur des uns, les réserves et le refus des autres : La classe politique divisée sur l’offre de l’ANP

Entre la faveur des uns, les réserves et le refus des autres : La classe politique divisée sur l’offre de l’ANP

NAZIM BRAHIMI

L’appel au dialogue lancé par Ahmed Gaïd Salah, pour une sortie de la crise politique que traverse le pays, a donné lieu à des réactions disparates de la part de la classe politique entre ceux accueillant favorablement l’offre (RND-MPA-TAJ et Talaïe El Hourriyet), ceux favorables avec des réserves et interrogations (Jil Jadid-MSP), et ceux qui s’y opposent (RCD-FFS).

Le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, s’il accueille favorablement l’idée du dialogue lancé par le chef d’état-major, n’en pose pas moins des interrogations quant aux conditions devant mener cette offre à des résultats probants. « Le dialogue est bon, encore faudrait-il réunir les conditions de sa réussite », a-t-il déclaré à Reporters, estimant que le fait que le chef de l’état-major abandonne l’idée d’une élection présidentielle pour le 4 juillet « constitue un basculement de situation et l’ouverture d’une nouvelle perspective à travers le dialogue annoncé». Pour le premier responsable de Jil Jadid, les questions qui se posent à présent : quelle est la nature de ce dialogue ? Qui en seraient les interlocuteurs ? Et quels seraient les objectifs de ce processus ? Ali Benflis a relevé, quant à lui, que par sa tonalité comme par son contenu, que le discours de Gaïd Salah « pose des jalons importants sur la voie de la recherche d’un règlement à la grave crise politique, institutionnelle et constitutionnelle que vit notre pays».

L’ex-chef de gouvernement a soutenu que ce discours « présente une base réaliste et solide à partir de laquelle il devient possible d’envisager une sortie de l’impasse actuelle ». Pour M. Benflis, le discours de Tamanrasset « précise les contours du dialogue proposé. Il en établit le cadre, il en définit l’objectif et il en expose la méthode ». Il se félicite, à ce propos, que le cadre soit celui de « la satisfaction des revendications de la révolution démocratique et pacifique, notamment au moyen de la libre expression de la volonté et de la souveraineté populaires». Et que l’objectif porte sur l’organisation de l’élection présidentielle dans des conditions incontestables et irrécusables, a-t-il souligné. De son côté, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) s’est réjoui de voir l’option de dialogue prendre forme sans pour autant se référer à l’annonce faite par le chef d’état-major de l’ANP. Plaidant pour l’engagement d’un dialogue « sérieux, responsable et raisonnable », le MSP s’est dit disponible « à faire aboutir tout processus de dialogue conduit par des personnalités novembristes jouissant de l’adhésion populaire et non impliquées dans des affaires de corruption».

Le parti de Makri a développé également sa vision pour une sortie de crise qui passerait par le remplacement de Bensalah par un autre chef d’Etat accepté par le Hirak et qui n’est pas impliqué dans des affaires de corruption et de fraude, par n’importe quelle manière décidée suite à une lecture élargie de la Constitution». Pour sa part, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a exprimé son opposition à l’offre de dialogue du chef de corps d’Armée. «Le dialogue est un moyen civilisé que l’opposition a toujours prôné et espéré. Il reste qu’il n’appartient pas à Gaïd Salah de fixer les termes du dialogue », a riposté Mohcine Belabbas, président du parti, sur son compte Facebook. M. Belabbas a estimé qu’«exclure d’autorité toute idée de transition qui tourne la page de l’autoritarisme relève d’un hold-up de la mobilisation et de la souveraineté du peuple en lutte». Sur sa lancée, le président du RCD évoque «l’entêtement» du chef d’état-major de l’Armée à aller vers une présidentielle «sans passer par une période de transition constituante…». «Nous voulons un dialogue vrai, sincère et fécond. Oui, nous voulons un dialogue ouvert et productif sur les problèmes de fond qui ont handicapé notre pays et la façon de sortir des crises cycliques que notre pays traverse depuis 1962», a-t-il ajouté.

Transition, la pierre d’achoppement
Le Front des forces socialistes (FFS) n’est pas allé par quatre chemins pour dire son rejet «dans le fond comme dans la forme » de l’offre de dialogue de l’ANP. « Le FFS rejette ce dialogue dans le fond comme dans la forme, car il ne vise qu’à pérenniser le système actuel, les participants étant appelés à simplement cautionner une démarche déjà décidée par le régime », a estimé le parti dans un communiqué. Le parti refuse l’offre dans la mesure où le chef d’état-major « fixe l’objectif principal de ce dialogue sans transition, arrête la composante de la commission qui sera chargée de l’organisation de cette élection». Le FFS lui reproche également d’avoir choisi en même temps « les protagonistes de ce dialogue, «des personnalités politiques et des élites nationales» d’un côté et les représentants actuels du système».

Pour le FFS, « aucun dialogue ne pourra s’engager véritablement ni aboutir s’il ne se fixe pas comme objectif le changement radical du système avec l’élection d’une Assemblée nationale constituante et l’instauration de la 2e République ». A contrario, le Rassemblement national démocratique (RND) a accueilli favorablement l’appel au dialogue lancé par Gaïd Salah, et à travers lequel il a tenu à organiser une élection présidentielle dans les plus brefs délais possibles. « Il s’agit d’une issue pour consacrer la souveraineté populaire et concrétiser les réformes souhaitées », a relevé le RND dans un communiqué. Il a souligné que « sa position découle de sa ligne constante depuis le début de la crise, convaincu que l’Algérie doit maintenir sa stabilité et son unité grâce à la contribution de tous les patriotes ». Tajamou Amel El-Jazaïr (TAJ) d’Amar Ghoul considère que la brèche de dialogue, désormais ouverte depuis mardi, constitue une «occasion précieuse et importante».

En sus de son adhésion, TAJ invite les formations politiques, la société civile, les personnalités, l’élite, des représentants du mouvement populaire à s’inscrire dans ce processus. Même son de cloche chez le MPA qui dit souscrire «pleinement» à l’appel de Gaïd Salah, tout en se déclarant «prêt à participer à ce dialogue». Ce dialogue «devra permettre l’organisation de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais.», a estimé le parti d’Amara Benyounès.