Entretien avec Hacène Metref : «Un projet humain et de partage»

Entretien avec Hacène Metref : «Un projet humain et de partage»

Le Soir d’Algérie : D’abord un bilan d’une semaine de Raconte-Arts à Tiferdoud ?

Hacène Metref : Le bilan est positif. Le festival a été une réussite. Nous avons vécu avec la population une semaine d’activités intenses au sein du village où il n’y a pratiquement aucun espace qui n’a pas accueilli de spectacles et qui a échappé à la frénésie Raconte-Arts. Sur ce plan, le festival est en train de mûrir ; il y a un éclectisme et une diversité de spectacles tels qu’un visiteur ne peut pas voir en une seule journée. Il y a aussi de nouvelles couleurs musicales, du fado jazz par un groupe portugais, de nouveaux musiciens étrangers, notamment russe, qui nous ont rejoints.

Vous ne prenez pas le risque de dérouter ce public avec cet éclectisme ?

Pas du tout. C’est une richesse. Au contraire, les gens trouvent plaisant et c’est une opportunité pour faire des découvertes. Et cet aspect est ressorti dans les discussions que j’ai pu entendre autour de moi. Lorsque un groupe de visiteurs arrive sur place, des discussions s’animent aussitôt, sur le choix d’aller voir tel ou tel spectacle. Les gens arrivent à cerner l’esprit et le fonctionnement de Raconte-Arts qui est en émersion dans le village et qui essaime dans ses  divers espaces : il y a eu des spectacles dans la rue, dans les cours des maisons, et même dans les champs. Nous avons organisé la Nuit du conte dans un champ, c’était tout simplement merveilleux. Le défi de Raconte-Arts est d’essayer de dompter certains espaces, ce qui est une gageure au départ, mais au final, le résultat s’est révélé original, une réussite.

Que vous inspire cette effervescence, cette adhésion populaire constatée à Tiferdoud, durant une semaine ? 

Raconte-Arts est devenu un lieu de tous les possibles, sociologiquement parlant ; il apporte des attitudes qui n’étaient pas permises, dans une autre circonstance, dans un espace comme celui du village qui nous a accueillis. Je donne l’exemple de la mixité des genres qui est admise et acceptée. De façon plus générale, il y a une nouvelle dynamique, une lame de fond qui est en train de s’enclencher. Il y a, je crois, un état d’esprit qui est en train de s’installer ; les gens sont plus prompts à l’échange, à l’acceptation des  différences, à la découverte d’autres univers culturels avec tout ce que cela suppose de différent. C’est positif et encourageant, compte tenu de l’émergence de discours extrémistes et fascisants.

Des critiques ont été émises dans les médias, sur le réseau social Facebook. Certains ont parlé de tentation commerciale, de dérive mercantiliste. C’est un peu contraire à l’esprit du festival, non ?

Nous sommes dans un village qui a beaucoup travaillé et qui a consenti beaucoup de dépenses pour cela. Des frais qu’ils ont peut-être besoin d’amortir. J’estime que ces critiques portent sur de petits détails qui n’ont rien à avoir avec les choses magnifiques et toutes les émotions et la joie que le festival a apportées aux milliers de femmes et d’hommes qui sont venus des villages et des villes de Kabylie. Mais cela étant dit, la question ne manquera pas d’être évoquée au sein de l’équipe organisatrice du festival ; on ne peut pas zapper cet aspect lié à l’organisation. Il faut en parler, pour, s’il y a lieu, rectifier le tir mais il ne faut pas dramatiser outre mesure. En tout cas, l’esprit Raconte-Arts ne mourra jamais, le festival est populaire, citoyen et le restera. Même si, à l’avenir, des choses doivent être négociées avec le village accueillant. S’il sera admis que le village profite du passage de Raconte-Arts, il faut que cela se fasse dans les règles de l’art sans spéculation. Je dirai, pour finir, que les critiques qui ont été émises sont loin d’écorner la notoriété du festival ni d’altérer la réputation de Tiferdoud, un village, beau, accueillant et pittoresque.

Des villages candidats pour la prochaine édition de Raconte-Arts ?

Il y a quatre villages candidats, trois dans la wilaya de Tizi-Ouzou, et un autre, la Qalaâ des Ath Abbès, dans la wilaya de Béjaïa. C’est à l’équipe de Raconte-Arts de décider mais personnellement, je suis très  favorable pour le choix de ce village, pour diverses raisons : d’abord, les atouts historiques que recèle ce village de la vallée de la Soummam, et puis il serait bon pour le festival d’aller explorer d’autres espaces, d’aller dans l’autre versant de la Kabylie.

Entretien réalisé par S. A.M.