Entretien avec l’artiste peintre Fatma-Zohra Bouaouni: «L’artiste ne voit pas avec ses yeux mais avec son âme»

Entretien avec l’artiste peintre Fatma-Zohra Bouaouni: «L’artiste ne voit pas avec ses yeux mais avec son âme»

Juriste de formation, Fatma-Zohra Bouaouni est artiste dans l’âme. La peinture est une passion et, pourrait-on dire, un «art de vivre» pour cette artiste native de Blida et originaire de Batna. Elle est aussi productrice d’émissions de télévision. Ces dernières années, elle a animé plusieurs expositions de peinture dont une au Palais de la culture de Blida en 2013, une autre intitulée «Voyage nostalgique» au Musée du Bardo d’Alger (2016) et une expo sous le thème «L’Algérie derrière les toiles» au Méridien d’Oran (2018).  Fatma-Zohra Bouaouni est en phase de préparation d’une exposition d’arts plastiques à Barcelone, en Espagne, pour la fin de l’année, riche d’une quarantaine de  tableaux mettant en exergue les similitudes entre les civilisations méditerranéennes.

En attendant, elle a entamé un projet qui lui tient à cœur : aider les enfants (surtout les malades) à travers une initiative qu’elle a appelée «Une couleur pour chaque enfant».

Elle nous en parle, dans cet entretien, de l’artiste qu’elle est, confirmant ce qu’avait dit Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince : «On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.»

Le soir d’Algérie : Dans tout voyage, il y a en réaction une nostalgie ?

Fatma-Zohra Bouaouni : Comme dit l’adage, le nostalgie se manifeste quand le présent n’est pas à la hauteur du passé, car nos pensées du présent se ressourcent et s’inspirent de notre nostalgie à tout ce qui a marqué notre enfance. En ce qui me concerne, la nostalgie se manifeste à travers les peintures que je réalise, car je me laisse guider par ce sentiment qui fait ressortir en moi mes lointains souvenirs aux paysages des Aurès, la Mitidja, les nuances des couleurs habillant celle-ci, Sidi El-Kébir… Cette nostalgie pour tout ce qui a marqué mon enfance s’est concrétisée lors de mon exposition «Voyage nostalgique» au musée du Bardo en 2016 avec un vernissage au parfum de la nostalgie que je considère l’âme de tout voyage.

Comment définissez-vous un artiste peintre en général et un artiste peintre en particulier ?

L’artiste en général est défini comme étant une âme sensible à tout ce qui l’entoure, sa perception aux choses est totalement différente de la personne ordinaire, car il ne voit pas avec ses yeux mais avec son âme. En ce qui concerne l’artiste peintre, je le définis comme étant le dieu de la création, car l’œuvre porte en elle l’âme de celui qui l’a réalisée, ce qui lui donne un état d’âme particulier lui permettant de communiquer aux personnes sensibles et faire ressortir des sentiments, des sensibilités, des chagrins, des bonheurs… Tout dépend de ce que dégage l’œuvre exposée. La peinture est une touche divine, car on naît avec cette bénédiction à dessiner, à peindre… Depuis la nuit des temps, la peinture et le dessin se sont manifestés dans toutes les civilisations à travers l’histoire de l’humanité. Les dessins rupestres sont le meilleur exemple.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? 

Mes sources d’inspiration sont les paysages et les scènes de vie, mais aussi notre patrimoine culturel matériel et immatériel, nos mythes, notre histoire, car l’Algérie est une nation dont on ignore l’Histoire qui remonte à un million d’années. Je veux tout simplement que mes toiles parlent de mon histoire, ma culture,  mes terres.

Vous est-il arrivé d’avoir une idée d’un tableau, de changer d’avis en le travaillant puis d’arriver à la fin à un résultat inattendu ?

En commençant mon tableau, je me laisse guider par le fin fond des mes sensations et de mes sensibilités. Je commence avec une idée sans connaître le résultat final. Toute peinture est une découverte de moi-même et à travers laquelle j’explore des zones en moi que j’ignorais. alors je vous confirme que tout le temps, je commence avec une idée, je me lance dans la découverte de moi-même et je me lance dans la découverte de moi-même dont le pilote n’est autre que mon subconscient.

Des projets ?

Je travaille actuellement sur un projet intitulé «Une couleur pour chaque enfant», et ce, en partenariat avec Amel Rougab, fondatrice de la galerie d’art Al Marhoon et avec Mira Gacem, fondatrice du site web Babzman.

Le projet est scindé en deux volets. Le premier entre dans le cadre de l’art-thérapie, où des ateliers d’arts plastiques sont organisés en faveur des enfants malades. Pour le deuxième volet, le projet consiste à organiser des ateliers de peinture destinés aux enfants, notamment ceux qui habitent dans les régions enclavées. C’est une concrétisation d’une philosophie et d’une conviction que nous partageons.

Que représente l’art pour vous ? 

L’art est un état d’esprit et un mode de vie. La peinture est ma passion, mon amour et ma raison de vivre. Dans les moments difficiles, c’est dans la peinture que je trouve mon refuge et mon soutien, et c’est grâce à la peinture que j’ai pu affronter les difficultés et les problèmes. La  peinture m’a sauvée.

La peinture a fait découvrir en moi des sensations et des sensibilités dont j’ignorais l’existence. La peinture m’a sauvée, tout simplement, la peinture m’a rendu plus forte que je ne l’ai jamais été.

Entretien réalisé par Kader B.