Entretien avec le P/APC de Tipasa, Guidji Djamel : « La saison estivale a fait gagner 12 milliards à la municipalité »

Entretien avec le P/APC de Tipasa, Guidji Djamel : « La saison estivale a fait gagner 12 milliards à la municipalité »
Écrit par Seddiki Djamila

Depuis dix mois de mandature à la tête de la commune de Tipasa, chef-lieu de wilaya, Guidji Djamel fait le point, pour «Reporters», sur la situation de la commune, vitrine de la wilaya, célèbre pour son patrimoine archéologique et ses sites balnéaires très prisés par les vacanciers. Mais aussi, très convoitée, entre autres, par la mafia du foncier. Guidji Djamel est d’obédience FLN. Il avait essuyé plusieurs échecs aux élections locales

face à un candidat RND, un enfant du bled, pour ne pas dire du douar, qui « vient » de mettre fin à sa carrière politique en tant que sénateur pour fait de corruption. Il a fini, à force de persévérance, par réaliser son vœu en occupant le poste de président de l’APC de Tipasa, une expérience qu’il considère comme étant concluante et sans accroc avec les partis politiques qui composent le conseil communal. Dans cet entretien, il aborde, avec nous, la situation de la commune, où la saison estivale touche à sa fin après l’arrivée de milliers d’estivants, celle de la gestion administrative et financière de la commune qu’il a trouvée dans un état catastrophique, les efforts faits pour redresser la situation et régler bien des problèmes et casse-têtes, à l’image du fléau des constructions illicites qui a gangréné la région. Lors de notre passage dans la commune, nous l’avons croisé dans les couloirs en train de sermonner les agents qui ne s’appliquaient pas dans leur mission et laissaient les administrés errant dans les étages dans l’attente d’un rendez-vous ou d’un règlement de problème administratif.

Reporters : La saison estivale touche à sa fin, une première pour vous puisque cela fait dix mois seulement que vous êtes à la tête de la commune du chef- lieu de wilaya. Alors, quel bilan faites-vous aujourd’hui de cette expérience ?

Guidji Djamel : Depuis notre installation à la tête de la commune, il y a donc 9 mois, nous avons trouvé une situation catastrophique, des caisses vides, des dettes, des factures d’entreprises impayées et, surtout, une situation critique en matière de discipline du personnel, qui percevait leur salaire mais ne venait jamais travailler en particulier au niveau du parc de la commune.

Nous avons expliqué tout cela au wali et insisté sur les chantiers à l’arrêt, car les entreprises n’avaient pas été payées. Nous avons mis en place une cellule de crise et entamé une réunion avec le wali, que je salue au passage, car il nous a beaucoup aidé, encouragé et soutenu. On a réglé pas mal de problèmes, surtout au niveau du parc où des dizaines de travailleurs ont été convoqués. Nous leur avons mis les points sur les «i» et ceux qui ont voulu rentrer dans les rangs, tant mieux pour eux, car ils ont continué à travailler ici, tandis que ceux qui n’ont pas obéi ont été renvoyés. Ceux qui ont choisi le secteur privé sont partis. Il a fallu batailler pour remettre de l’ordre après des retraits sur salaires, il fallait trancher. Et nous l’avons fait pour le bien de la collectivité. Pour ce qui est des chantiers à l’arrêt, qui concernaient le revêtement des routes et l’aménagement urbain, tout a été repris et nous les avons, pratiquement, achevés. Il fallait mobiliser de l’argent qui était bloqué et nous avons réalisé beaucoup de nouvelles rentrées financières à la collectivité. Nous avons trouvé des locaux, biens de la commune, qui ne payaient aucun centime pour leur location ces cinq à six dernières années. Il y avait des restaurants, des cafés, des locaux destinés à diverses activités commerciales pour lesquels on payait des loyers dérisoires. Alors nous avons tout de suite procédé à la réévaluation des loyers de plus de 40 locaux commerciaux qui étaient loués pour la somme dérisoire de 2 000 DA par mois dans le meilleur des cas. Avec la direction des domaines nous avons procédé à la réévaluation des loyers, ce qui nous a permis de faire rentrer dans les caisses de la commune 12 milliards de centimes.

Concernant l’assainissement de la situation des campings de la zone du Chenoua, qu’est-ce qui a été fait ?

Il y avait deux campings, dont le contrat de location était arrivé à sa fin, et qu’il fallait renouveler en bonne et due forme. Il s’agissait des campings « Salam » et « Hanane », les deux autres sont loués aux œuvres sociales de la police et l’autre aux œuvres sociales de la justice sur la base d’un contrat en bonne et due forme. Puis, est arrivée la saison estivale, et là, il fallait concentrer nos efforts sur les préparatifs avec les aménagements des accès des huit plages du Chenoua, Benouda, la plage Bleue, Beldj, Caroubier, Belhacine… On a pu aussi, dans le cadre du Fonds commun des collectivités locales (FCCL), aménager des parkings à partir de Beldj, Si Tayeb, Belhacine et Chenoua. Ils ont tous été loués par le biais d’adjudication pour un montant de 40 millions à 100 millions de centimes, selon la superficie, bien sûr. Il faut préciser que, jusque-là, la commune n’avait jamais touché un sou pour leur exploitation puisqu’ils étaient squattés par des jeunes qui faisaient la loi sur ces espaces.

L’opération n’a pas été facile car certains ont travaillé pendant dix ans dans l’impunité et considéraient qu’ils avaient des droits sur ces bouts de terre exploités sous forme de parking et qui constituaient leur gagne-pain. Finalement, à force d’efforts, d’explication et de pédagogie, on a fini par y mettre fin et tout est rentré dans l’ordre. Concernant l’accès aux plages, vous avez certainement constaté que celui-ci était gratuit et les seules locations autorisées sont celles de parasols, de tables et chaises stockées dans un carré loué pour 6 000 DA le mètre carré. Le préposé à la location n’a pas le droit de les installer sur la plage. Le citoyen qui arrive peut s’installer où il veut et étaler sa serviette à l’endroit de son choix sur la plage sans être importuné par quiconque.

Concernant la concession des plages, qu’est-ce qui a été fait, en particulier avec l’Anep ?

Il n’y a pas eu de concession de plages, à proprement parler, et pour ce qui est de l’Anep, qui devait gérer deux plages, à savoir la plage Bleue et une partie de celle du Chenoua, c’était une première expérience de parteneuriat après celle engagée, en 2017, avec la commune de Douaouda pour les plages

Colonel-Abbès et Haouès. Finalement, l’Anep n’a pris qu’une partie de la plage du Chenoua. Pour le moment, on n’a pas encore  fait le point sur le montant de la location, il s’agit de la première expérience de parteneuriat ici à Tipasa.

Etes-vous satisfait de cette expérience avec l’Anep, car l’administrateur de la plage de la commune, désigné par vous, n’était pas très satisfait de ce partenariat ?

Comme il s’agit d’une entreprise publique, c’est toujours intéressant, car l’expérience peut être renouvelée et de plus, on pourra toujours faire appel à eux en cas de besoin. Quant à la désignation d’un administrateur de plages (Monsieur plage), qui fait suite aux instructions du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, l’expérience était concluante car sa désignation et son installation sur le site balnéaire nous a permis d’avoir un droit de regard sur la plage et sur les jeunes qui géraient les carrés de location de parasols et de tables. Celui-ci nous faisait, quotidiennement, des rapports sur la situation pour essayer de rectifier le tir en cas de nécessité. La création de ce poste de Monsieur plage était, finalement, une très bonne idée du ministère de l’Intérieur qui nous a permis de faire d’une pierre plusieurs coups. Pour le squatt des plages, je dois signaler que les éléments de la Gendarmerie nationale ont fait plusieurs interventions sur les plages non autorisées à la baignade pour punir les contrevenants.

Concernant la plage mitoyenne au Centre de repos familial (CRF), réservé aux familles des militaires, comment expliquez-vous que celle-ci soit considérée comme zone militaire et que les citoyens ne soient pas autorisés à s’y installer mais seulement à la traverser ?

Je ne peux entrer dans les détails, car pour moi, c’est une zone militaire. Globalement, on peut dire que la saison estivale s’est bien passée, on a fait de bonnes rentrées pour les finances de la commune qui ont engrangé 12 milliards qui vont nous servir dans diverses opérations d’amélioration des conditions de vie dans la cité.

Au sujet de l’aménagement urbain dans le chef-lieu de wilaya, on ne comprend pas pourquoi les travaux ont été faits en pleine saison estivale. Ce qui a gêné tout le monde aussi bien les entreprises chargées de la tâche que les riverains et estivants qui se sont retrouvés face à des chantiers en pleine ville…

Je ne suis pas d’accord ! Nous avons entamé les travaux au printemps, malheureusement, ils ont traîné en longueur à cause de la pluie qui est tombée au lancement du chantier. Mais, une chose est sûre, il est difficile de déterminer à l’avance la durée des travaux, car beaucoup de paramètres entrent en jeu. Le gros problème rencontré par les entreprises, ce sont les travailleurs. De plus, il a été très difficile de faire travailler les gens pendant le mois de Ramadhan, par exemple, ce qui est à l’origine du retard dans les délais de livraison. N’oubliez pas, non plus, qu’il y a eu de gros travaux engagés, dont des changements des réseaux d’assainissement, celui des eaux pluviales. Il fallait installer en même temps la fibre optique pour éviter de revenir sur les tronçons refaits. Il fallait refaire et élargir tous les trottoirs, élargir les voies et même replanter les arbres arrachés. Car beaucoup de trottoirs étaient défoncés, des caniveaux détruits, etc. L’opération a été confiée à la Direction de l’urbanisme et de la construction (DUC) qui a mobilisé une enveloppe de 50 millions DA. Les travaux sont enfin finis mais il reste, maintenant, les rues adjacentes qui ont besoin d’une prise en charge sérieuse. Concernant les aménagements faits au chef-lieu de wilaya, les petites ruelles sont prises en charge par la commune, de même que l’éclairage public, la réfection des trottoirs en béton imprimé tandis que la salle de cinéma a été prise en charge pour sa réfection par la wilaya à travers l’Epic Tipasa Propreté et Espaces verts.

La question de l’hygiène publique, malgré la création d’une Epic, dont c’est la principale mission, reste posée. Et le plus grave pour une ville touristique mais aussi pour ses habitants, c’est la prolifération de moustiques. Un véritable calvaire qui ne trouve pas de solution…

Nous avons fait l’épandage d’insecticides à l’aide de camions, nous avons fait quatre opérations en tout, mais n’oubliez pas que la population est multipliée par quatre, en été, avec l’arrivée des touristes, ce qui engendre plus de déchets et, par conséquent, des moustiques et autres insectes nuisibles au bien-être des gens. De plus, la population, ces dix dernières années, a quadruplé, ce qui nécessite de nouveaux moyens matériels et financiers. L’APC est débordée par la tâche, car il

faut, aussi, procéder à l’abattage des chiens errants ; ce qui nécessite des moyens financiers supplémentaires. Il ne faut pas oublier que l’APC a , aussi, d’autres priorités, et c’est ainsi par exemple que celle-ci a pu débloquer pour cette rentrée scolaire, sur PCD, des enveloppes pour la réalisation de trois cantines scolaires qui seront ouvertes au niveau d’El Beldj, Chenoua et dans la Cité nouvelle, de terrains sportifs de proximité pour les jeunes, un jardin public et pour les enfants des aires de jeux près du douar Hadid, en plus d’un nouveau stade qui est en cours de réalisation. Nous allons délocaliser le stade situé à proximité du parc archéologique romain pour le transformer en parking pour les délégations officielles qui viennent en visite touristique. Nous allons, également, procéder à l’élargissement du cimetière, où on a démoli le mur d’enceinte qui donne sur la mer. Il s’agit d’un grand terrain qui était squatté par des citoyens qui l’utilisaient pour l’apiculture et autres activités. On a réussi à les convaincre et ils ont libéré les lieux. Sans oublier la clôture qui est achevée et offre une autre image à l’entrée de la ville. Nous avons, aussi, réalisé la placette Tafza, à l’emplacement de l’ex-gare routière qui a été déplacée à l’entrée de la voie express. Cette place a été inaugurée, dernièrement, et il y aura un accès direct vers Matarès, le complexe touristique, par la réalisation d’un pont qui servira de promenade touristique en quelque sorte. Un projet qui date de 2015 vient d’être concrétisé.

Cela fera, en novembre prochain, un an de gestion FLN, comment se passe la cohabitation avec les autres partis ?

Tout se passe bien pour le moment, nous n’avons que dix mois, laissez-nous travailler et faire nos preuves car la tâche n’est pas aisée avec, entre autres, le dossier des constructions illicites qui ont envahi les hauteurs de la ville.

Concernant ce problème justement, nous avons engagé une vaste opération, dernièrement, et 30 habitations ont été arrêtées et 10 démolies. Mon message aux citoyens est de les appeler à respecter les décisions de l’administration. Quand les membres de la commission interviennent et demandent l’arrêt d’une construction, il faut que le citoyen concerné obtempère.

Nous avons démoli, en juillet, un hôtel qui a coûté la bagatelle de 30 milliards de centimes, construit illicitement à El Beldj, et qui était opérationnel depuis 10 ans. Un hôtel de 50 chambres, trois piscines, 1 restaurant et autres salles au douar Etouil après la plage Bleue. Photos à l’appui, tout a été fait légalement avec mise en demeure en bonne et due forme. Le contrevenant avait, au départ, commencé à construire une villa avec piscine, qui s’est vite transformée en hôtel de 50 chambres et ce, devant l’indifférence générale, le silence des responsables pour ne pas dire leur complicité. Alors Il fallait frapper fort et donner un exemple. Autrement dit, plus de laxisme. A voir.