Adjal Lahouari
Parmi les images fortes de cette haletante finale, on retiendra une, celle où, à l’instigation de Djamel Belmadi, tous les joueurs se sont prosternés fronts au sol. Un geste très significatif de la solidarité d’un groupe qui a combattu pour atteindre un objectif au départ jugé impossible. C’est aussi une réponse à la prétention sénégalaise et à l’hypocrisie égyptienne. «Une finale ne se joue pas, elle se gagne». Cette maxime a du mal à se faire une place dans le football où la glorieuse incertitude du sport s’invite assez souvent.
C’était pourtant le mot d’ordre de Djamel Belmadi avant le match : «Si on est en finale, c’est pour la gagner» ! On concèdera bien volontiers que ce ne fut pas le meilleur match de l’équipe algérienne, loin de là. Et toutes les statistiques, possession du ballon, tirs, corners, nombre de passes, dribbles et duels aériens, prouvent que le Sénégal aura été plus entreprenant. Sauf que ce sont les Algériens qui ont trouvé la faille après moins de deux minutes, ce qui a provoqué la réaction de leurs adversaires, les obligeant à leur laisser la balle. Il faut dire aussi que le pressing habituel des Verts a perturbé les Lions de la Téranga au point où, faute de solutions, ils ont balancé de longues balles. Hormis le troisième quart d’heure, on peut dire que les Fennecs, même en difficulté, ont su gérer comme il faut cette finale qu’ils ne devaient pas perdre.
Un authentique exploit
Gagner une coupe d’Afrique au pays d’Oum Dounia, c’est un exploit qui restera ancré dans l’histoire. Car il ne faut pas oublier toutes les provocations égyptiennes avant et pendant le tournoi.
C’est qu’en Egypte, on a toujours en travers de la gorge l’élimination humiliante subie à Oum Dormane. Or, au lieu de produire l’effet escompté, ces provocations indignes ont constitué une motivation supplémentaire pour les Verts, plus déterminés que jamais à aller jusqu’au bout. A l’image de leur entraîneur, les coéquipiers de M’Bolhi, n’ont jamais douté de leurs capacités, d’autant que ce challenge (gagner un trophée continental en Egypte) était très excitant pour de nombreuses raisons. Au lieu de s’arrêter à la finale de cette édition 2019 seulement, il faut considérer que l’équipe nationale d’Algérie a mérité cette coupe destinée trop tôt à d’autres postulants.
En effet, les Verts ont aligné un parcours parfait avec sept victoires, la meilleure attaque et la plus solide défense. En outre, cerise sur le gâteau, le jeune Bennacer a été élu meilleur joueur du tournoi, devançant -excusez du peu- toute une flopée de stars consacrées, à l’image de Mahrez, Mané, Salah et Koulibaly, pour ne citer que les plus connus mondialement. Donc, au jeu des comparaisons avec le sacre de l’équipe nationale en 1990, disons tout de suite, et sans vouloir minimiser le mérite de Madjer et ses coéquipiers, que c’était à domicile, un paramètre très important. En Egypte, il y avait 24 participants, plus d’obstacles à surmonter, ce qui signifie clairement que les poulains de Belmadi ont réalisé un authentique exploit dans un environnement hostile, qui sera difficile à égaler dans les éditions à venir.
Complémentarité et respect
C’est après de telles consécrations que certains joueurs consentent à ouvrir leur cœur. A l’image de Mahrez qui a dit texto : «C’est vrai que sur le terrain, nous sommes les acteurs, mais le coach Djamel mérite tous les éloges. Il nous a pris et refait l’équipe. Je pense qu’il faut lui rendre hommage pour tout ce qu’il a apporté à l’équipe depuis qu’il a pris les fonctions». A son tour, Belmadi a reconnu que, «sans eux (les joueurs), je ne suis rien. Mes joueurs ont été fabuleux. C’est magnifique ce qu’ils ont fait dans cette CAN. Quant aux raisons de notre match terne, c’est qu’on avait en face une grande équipe qui nous a mis en difficulté. Si on me disait avant le match que je vais gagner comme ça, j’aurais signé tout de suite. On n’est pas partis pour les presser haut car ils nous ont fermé les espaces». On rappellera que lorsque Belmadi a inclus dans la liste des 23 des joueurs contestés par certains analystes, il savait ce qu’il faisait. Un joueur comme Benlamri lui a envoyé l’ascenseur : «On m’a souvent écarté de l’équipe nationale, et c’est Belmadi qui m’a réhabilité.» Répétons-le encore une fois.
Des choix forts
Avec un groupe paraissant au départ assez hétéroclite, Belmadi a composé une équipe redoutable, avec une véritable identité de jeu, qui défend très bien, mais qui marque aussi des buts. En outre, la distinction d’homme du match a consacré trois Algériens, Bennacer (deux fois), Mahrez et M’Bolhi. Quant au trophée de meilleur joueur du tournoi, c’est encore un Algérien, Bennacer, qui l’a conquis. Que demander de plus ? Or, le sélectionneur Belmadi n’est en poste que depuis dix mois seulement ! On peut imaginer qu’il est en mesure d’améliorer cette équipe nationale par quelques retouches au sein de l’effectif et, surtout, affiner le système de jeu qui a fait sensation en Egypte.
Après un exploit d’une telle ampleur, Belmadi aura les coudées franches pour faire progresser l’EN. Et les prochaines échéances pointent déjà à l’horizon, avec les éliminatoires de la CAN 2021 et du Mondial 2022. Avec cette coupe d’Afrique des nations, Belmadi a déjà placé la barre très haut. Ceux qui le connaissent bien affirment qu’il ne fixe pas de limites. C’est en parfaite conformité avec la conviction de l’ancienne gloire de l’équipe FLN et ex-entraineur de l’équipe nationale Rachid Mekhloufi qui a dit un jour: «Sur un terrain, le ballon roule pour tout le monde !» C’est le premier pas pour se débarrasser des complexes, et ça, Belmadi en est conscient. Vivement les prochaines rencontres de l’équipe nationale !