Eradication de l’habitat précaire: L’histoire des «Planteurs» sur la rive gauche de Ras El-Aïn

Eradication de l’habitat précaire: L’histoire des «Planteurs» sur la rive gauche de Ras El-Aïn

En ce début de l’année 2017, une bonne nouvelle vient d’être annoncée aux habitants d’une célèbre agglomération «Les Planteurs», débaptisée postindépendance «Haï Si Salah», et qui domine, au pied du Murdjadjo, la cité historique de Sidi El-Houari.

L’heureuse nouvelle, c’est le relogement de 2.000 familles dans la commune de Oued Tlélat. Ce projet est appliqué en vertu d’un programme d’éradication de l’habitat précaire, contenu dans la feuille de route du wali d’Oran, M. Abdelghani Zaalane. En vérité, ce programme totalise la réalisation de 9.000 logements destinés aux résidents de cette poche urbaine insalubre. Une plaie qui s’est développée aux limites de la forêt de pins. C’est aussi, un bidonville qui rappelle l’histoire douloureuse de l’administration coloniale qui a pratiqué la chasse à ces milliers de familles, fuyant la campagne, après avoir été dépossédées de tous leurs biens.

Un bref rappel historique nous éclaire sur la situation de ces bidonvilles qui se sont installés dans le périmètre de la commune à partir de 1938, mais qui ne présentent pas tous des caractères identiques. Ils différent les uns des autres, par la date de leur création et par leur extension. Les uns sont de véritables agglomérations dans la ville même, comme ceux de Sidi Hasni, des terrains Guerrab, du Génie, Lavigne et de Casals. D’autres d’importance au moins égale, se sont établis en dehors de l’agglomération urbaine, comme les Planteurs (actuellement Haï Si Salah). D’autres enfin, ne constituent que de petits groupes sporadiques de baraques isolées les unes des autres, comme à Carteaux, (Es-Seddikia) et Sanchidrian, (Ibn-Sina).Ils se différencient ainsi, par l’allure générale de l’habitat individuel: les uns méritent la dénomination de «bidonvilles», au sens strict du mot, comme les agglomérations de Sidi Hasni, des terrains Guerrab et du Génie, de la cité Petit (Haï Badr) car, ils se composent de baraques en planche et en tôle de récupération. D’autres sont, au contraire, de véritables maisons aux murs de pierre, couvertes de terrasses en ciment comme les agglomérations des Planteurs. Les bidonvilles diffèrent également par le régime de la propriété et de location des terrains. Les uns appartiennent à une collectivité administrative et sont occupés sans droit aucun, les autres sont à des particuliers qui en tirent un profit des plus lucratifs. Les uns louent des lopins à des propriétaires fictifs sans droit, les autres louent des baraques grevées d’un lourd loyer mensuel.

Les bidonvilles des Planteurs sont les plus originaux. Ils s’étendent de la rive gauche de l’Oued Ras-El-Aïn depuis le ravin lui-même, jusqu’au faubourg des Planteurs, en s’agrippant aux premières pentes méridionales du Murdjadjo. S’étendant sur 360 hectares, ils forment une série de taches d’agglomérations, composées de maisons, rappelant exactement les villages perchés des régions marocaines de Beni-Snassen et du Rif. Ils se sont fixés sur des terrains stériles, rocheux en pente forte. Les anciennes constructions en tôle ou en bois étaient érigées à côté des gourbis en briques d’argile, séchées au soleil. Le tout est séparé de ruelles, le plus souvent étroites, en des labyrinthes tortueux et peu sécurisants. Ces agglomérations encore inexistantes en 1931, se sont considérablement développées depuis 1938. Depuis 1952, 300 nouveaux gourbis ont été construits. Sur ces terrains, les propriétaires musulmans, juifs ou espagnols, percevaient un loyer semestriel qui variait entre 1000 et 3000 anciens francs par emplacement d’un gourbi. La plupart des propriétaires délivraient des reçus pour location de terres cultivées.

Seul le terrain Lebon appartenant à Electricité et Gaz d’Algérie (E.G.A), et la partie du Petit Santon appartenant au Génie militaire, sont occupés sans redevance. Le terrain Pastor rapportait les plus importants revenus à son propriétaire. L’hygiène et la salubrité sont inexistantes. Il n’y a pas d’électricité. Le soir ces terrains sont plongés dans l’obscurité totale, alors que les foyers sont éclairés à la lampe à pétrole et à la bougie. Les sanitaires sont inexistants. Pour l’ensemble de cette vaste agglomération, il n’y avait que quatre fontaines publiques très éloignées des habitations. Il n’existait qu’un seul lavoir pour toute la population à la place des Quinconces dans la vieille ville de Sid-El-Houari et que les Oranais surnomment «El-bassane», lieu de regroupement des lavandières d’origine marocaine. Les ordures ménagères étaient transportées à dos d’hommes. La seule polyclinique municipale était située près de l’église St-Louis. Avec 1429 gourbis ou baraques, les bidonvilles des Planteurs accueillaient à l’époque 16.000 habitants, dont 745 familles marocaines. Ils groupaient près de la moitié de la population des bidonvilles d’Oran. Les musulmans algériens qui constituaient les deux tiers de la population, se groupaient de préférence par lieu d’origine. Ils venaient surtout des communes mixtes d’Ammi-Moussa, Sidi-Ali Cassaigne, parfois de Mostaganem, Relizane, Inkermann (Oued Rhiou). Ils étaient surtout employés sur les quais comme dockers ou encore manœuvres dans le bâtiment ou l’industrie. Nombreux sont ceux qui exerçaient également les métiers de marchands ambulants, chiffonniers balayeurs municipaux. «A la fin du travail, au port, on les voyait remonter par groupes bruyants, portant souvent leurs provisions de bois pour cuire les repas», rapportait Robert TINTHOIN, membre de la Société de Géographie et d’Archéologie de la province d’Oran (SGAO). Les Planteurs abritaient vingt bidonvilles, dont les plus importants étaient localisés, sur les terrains Hadj-Hassen, (350 gourbis), Pastor (383), Chabat (110). Au total, on dénombrait plus de 16.000 habitants dans plus de 1400 gourbis et 90 baraques. Sur la vingtaine de propriétaires de terrains, huit étaient d’origine espagnole, huit musulmans algériens et quatre israélites. Un seul terrain, celui du Génie appartenait à l’Etat.