Les martyrs de la flottille de la paix bousculent les lignes
La Turquie est en train de pren- dre le leadership d’un monde islamique tétanisé par les allégeances de ses dirigeants à Washington.
Moubarak essaye d’éviter l’opprobre en ouvrant le passage de Rafah. Obama continue de défendre Israël, l’opinion mondiale n’est pas dupe. Sans surprise, les Américains ont empêché une condamnation franche de l’attaque israélienne contre la flottille de la paix dans les eaux internationales.
La déclaration adoptée par le Conseil de sécurité a été rendue suffisamment vague par Washington pour permettre à Israël de l’interpréter comme bon lui semble. Ainsi, l’enquête «impartiale, crédible et transparente conforme aux critères internationaux» ne porte pas la mention «indépendante». C’est donc Israël qui mènerait l’enquête sur ses propres crimes.
Sans sourciller l’ambassadeur américain adjoint à l’Onu, Alejandro Wolff, se dit convaincu «qu’Israël peut mener rapidement en interne une enquête crédible, impartiale et transparente».
Le Conseil de sécurité réclame la libération des navires et des civils détenus et «regrette profondément» les pertes en vies humaines et blessures «ayant résulté de l’usage de la force durant l’opération militaire israélienne dans les eaux internationales contre le convoi se dirigeant vers Gaza».
Le texte condamne de manière alambiquée «les actes qui ont résulté en la perte d’au moins dix vies humaines et fait de nombreux blessés». La levée du blocus n’est pas exigée de manière formelle, le texte appelant seulement à la «la nécessité d’un flux soutenu et régulier de biens et de personnes vers Gaza, et de la fourniture et distribution sans entrave d’aide humanitaire dans tout le territoire».
Il est clair que c’est le maximum que pouvait obtenir la Turquie face aux Etats-Unis arrimés aux Israéliens. Le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a déclaré : «Je dois être franc, je ne suis pas très satisfait de la déclaration de Washington hier… Nous attendons une condamnation claire».
UNE PROPAGANDE MISÉRABLE
L’opinion mondiale sait de quoi il retourne. Les premiers humanitaires de la flottille de la paix ont confirmé ce que tout le monde savait : ce qui s’est passé est une agression d’une brutalité inouïe «contre une mission pacifique dans les eaux internationales».
«Personne n’était armé» a indiqué la députée allemande Inge Hoeger. Cela réduit à néant la misérable propagande israélienne, bêtement reprise dans des médias occidentaux, sur la présence à bord de personnes armées. L’attaque israélienne – dont le bilan n’est pas encore certain – met les Occidentaux dans un embarras grandissant. Les arguments – endossés par le Quartet – pour maintenir un embargo inhumain contre la population de Ghaza sont d’une lamentable inconsistance.
Les Occidentaux s’apprêtaient à essayer de faire repasser les formules léonines du Conseil de sécurité à la réunion du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU qui a commencé hier aprèsmidi à débattre de l’attaque israélienne. C’est cependant dans la région du Proche-Orient que les lignes commencent à bouger. Sous la conduite de la Turquie d’Erdogan qui s’impose dans la stature de leader du monde islamique.
La vigueur de la réaction de Tayeb Erdogan et l’indignation générale au sein des opinions publiques a déjà bousculé Hosni Moubarak. Le chef de l’Etat égyptien, allié de fait, de l’embargo contre Ghaza et qui a entrepris de tuer «l’économie des tunnels», unique soupape pour le million et demi de Palestiniens encerclés, a été obligé de lâcher du lest.
L’Egypte qui se veut «leader» du monde arabe tout en faisant le jeu des Américains constate l’entrée en lice de la puissante Turquie dans la scène du Proche-Orient. Difficile d’agiter la «menace turque» comme on le fait de manière grossière pour la «menace iranienne».
Un analyste de commande du journal Alsharq-al-awssat – qui fait ses choux gras de cette menace – a, par réflexe pavlovien, estimé qu’Israël et l’Iran étaient les seuls «gagnants» des évènements…
LES «MODÉRÉS» ARABES N’ONT RIEN À DIRE
En réalité, les faux «modérés» arabes, à bout d’arguments, ne savent plus quoi dire. Le Premier ministre turc, en termes à peine voilés, leur reproche d’abandonner les Palestiniens et il s’est engagé à ce que la Turquie n’abandonne pas Ghaza et exige la levée du «blocus inhumain» qui lui est imposé.
Erdogan a averti Israël, sous les applaudissements des députés turcs, contre «le risque de mettre à l’épreuve la patience de la Turquie».
Le chef du gouvernement d’Ankara a appelé à punir Israël pour le carnage qu’il a commis, en perpétrant «une attaque insolente et irresponsable, et en transgressant le droit international», signalant que Tel-Aviv, à travers son acte, a piétiné «l’a dignité humaine» et qu’il «mérite d’être condamné, et puni». Le discours ferme d’Erdogan ne laissait pas d’autres possibilités à l’Egypte que d’ouvrir le passage de Rafah «pour une durée indéterminée».
Le Caire se dissocie ainsi du blocus mais beaucoup craignent qu’il ne s’agisse que d’un geste de courte durée destiné à absorber les critiques. Khaled Mechaal, le chef du Hamas, a souhaité que cette ouverture soit permanente et a reconnu à l’Egypte le droit de prendre toutes les mesures pour s’assurer que des armes ne passent pas vers Ghaza.
Le Président «a donné des instructions pour ouvrir le terminal de Rafah afin de faire entrer les aides humanitaires et médicales nécessaires pour la bande de Gaza et accueillir les cas humanitaires, les blessés et les malades qui doivent passer par l’Egypte», a indiqué l’agence égyptienne MENA. La décision «fait partie des efforts de l’Egypte pour alléger les souffrances du peuple palestinien» précise l’agence officielle égyptienne.
La mesure a été annoncée quelques heures avant le début d’une réunion de la Ligue arabe. La flottille de la liberté a déjà provoqué une brèche dans l’obéissance aveugle du gouvernement égyptien aux exigences israélo-américaines.
M. Saadoune