Espagne: Malgré le scandale, il est peu probable que Mariano Rajoy démissionne

Espagne: Malgré le scandale, il est peu probable que Mariano Rajoy démissionne

DECRYPTAGE – Le «scandale Barcenas» se rapproche de plus en plus du Premier ministre espagnol, mais, malgré les pressions de l’opposition, ce dernier ne devrait pas interrompre son mandat…

Qu’est-ce que les «notes de Barcenas»?

Luis Barcenas a été intendant du parti conservateur espagnol (Parti populaire, PP) de 1990 à 2008, puis son trésorier jusqu’en 2009. Il est impliqué dans deux enquêtes distinctes qui empoisonnent la droite au pouvoir. D’une part, il a été placé en détention provisoire le 27 juin pour son implication présumée dans une vaste affaire de corruption, baptisée «Gürtel», qui éclabousse les conservateurs depuis 2009.

D’autre part, il est au centre d’un scandale sur la possible comptabilité occulte du PP. Selon les révélations faites par El Mundo et El Pais en janvier, plusieurs dirigeants du parti auraient touché des compléments de salaires illégaux. Des copies de notes manuscrites attribuées à Luis Barcenas , surnommés les «notes de Barcenas», ont été publiées. Fin mars, la justice a estimé qu’un lien existait entre les deux enquêtes, et a confié les deux dossiers au juge Pablo Ruz.

En quoi Mariano Rajoy est-il impliqué?

Son nom est apparu dans cette affaire le 31 janvier. Selon les notes, Rajoy, président depuis 2004 du PP et qui fut un proche de Barcenas,  aurait perçu, entre 1997 et 2008, «des paiements pour un montant total de 25.200 euros par an», provenant de dons d’entreprises privées, ce qu’il nie. Le 9 juillet, El Mundo a publié des documents manuscrits prouvant, selon lui, que Mariano Rajoy avait perçu des salaires illégaux en 1997, 1998 et 1999. Dimanche, le journal a publié le contenu de plusieurs échanges de SMS attribués à Rajoy et Barcenas, montrant, d’après le quotidien, que le chef du gouvernement a demandé à l’ex-trésorier de nier l’existence de la comptabilité occulte et les compléments de salaires.

Quelles sont les dernières avancées de l’affaire?

Lundi, lors d’une audition, Luis Barcenas a «confirmé être l’auteur des notes», et affirmé avoir versé en 2010 25.000 euros en liquide à Mariano Rajoy et à la numéro deux du PP, Maria Dolores de Cospedal. «Il a déclaré que tous les dirigeants [du parti] recevaient des enveloppes» contenant des compléments de salaires, selon une source judiciaire présente lors de l’audition.

Quelles ont été les réactions?

Sur le terrain politique, l’opposition a dénoncé une «connivence» entre Rajoy et Barcenas, et réclamé la «démission immédiate» de Mariano Rajoy. Le Parti socialiste a rompu toutes relations avec le PP. Une demande que le PP a jugée «lamentable». Le PP soutient au contraire que «les SMS publiés sont la preuve matérielle d’une tentative de chantage» de la part de Barcenas. L’opposition comme la presse ont par ailleurs exigé mardi que Mariano Rajoy s’explique devant le Parlement. Sans succès.

Comment a réagi Mariano Rajoy?

Il ne s’est exprimé que lundi, forcé par une conférence de presse protocolaire prévue avec le Premier ministre polonais, Donald Tusk. Il a nié les accusations et a affirmé que Barcenas se livrait à un «chantage contre l’Etat». Il a exclu de démissionner. «J’accomplirai le mandat que m’ont donné les Espagnols», a déclaré le chef du gouvernement conservateur, élu pour quatre ans fin 2011, assurant que la justice poursuivrait son travail «sans aucune pression».

Quelles sont les chances qu’il démissionne?

Elles ne semblent pas très élevées. D’abord parce qu’il n’existe pas de «tradition» de la démission dans le pays. Il n’y a pratiquement pas d’exemples» depuis 1978, note Ferran Requejo, professeur à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone. Ensuite parce que les électeurs sont tolérants vis-à-vis des élus sur qui pèsent les soupçons: mis en examen dans l’enquête sur l’affaire Gürtel, Francisco Camps a par exemple été réélu avec une majorité absolue à la tête de la région de Valence en mai 2011. Enfin, parce que Rajoy peut compter sur une majorité absolue au Parlement assurant à son gouvernement la «stabilité». Et malgré quelques voix critiques venant de son parti, son bloc parlementaire reste pour l’instant uni.