L’orage gronde entre l’Europe et les Etats-Unis. Le programme mis en place par les Etats-Unis pour espionner leurs partenaires de l’Union européenne (UE) a rendu furieux bon nombre de responsables européens, dont François Hollande, qui a demandé «que cela cesse immédiatement. Ce scandale, qui fait suite aux fuites d’informations confidentielles organisées par l’ex-analyste de la NSA Edward Snowden
a causé une «rupture de confiance» et pourrait déclencher une «crise politique sérieuse»ont averti lundi les Européens, prêts à sanctionner un comportement jugé inacceptable.
Obama promet de fournir toutes les informations
En réponse, Barack Obama a assuré depuis Dar es Salaam en Tanzanie, que les Etats-Unis fourniront à leurs alliés européens toutes les «informations» qu’ils réclament sur les activités d’espionnage électroniques dont est accusée la NSA contre leurs représentations à Washington et à l’ONU. Washington continue «d’évaluer» le contenu de l’article du quotidien britannique Guardian, citant des documents fournis par l’ancien consultant de la NSA Edward Snowden et les Etats-Unis « communiqueront (ensuite) de manière appropriée avec leurs alliés», a poursuivi Barack Obama en visite en Tanzanie»
Le président américain a également sous-entendu lundi que les pays européens se livraient à des activités similaires d’espionnage et souligné que les agences américaines de renseignement continueraient leurs activités. «Il y a une chose que (les Etats-Unis et ses services de renseignement) continueront de faire, c’est d’essayer de comprendre mieux le monde et ce qui se passe dans les capitales de par le monde», a expliqué Barack Obama. «Ils cherchent des vues de l’intérieur, au-delà de ce qui est disponible dans les sources ouvertes». «Dans les capitales européennes, il y a des gens intéressés, si ce n’est par ce que je mange au petit déjeuner, du moins par ce que seraient mes propos si je parlais à leurs dirigeants», a-t-il affirmé. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, avait déjà affirmé lundi que la recherche d’informations sur d’autres Etats n’était «pas inhabituelle pour un grand nombre de pays».
Hollande : «Nous ne pouvons accepter»
«Nous ne pouvons pas accepter ce type de comportement entre partenaires et alliés», a également averti le président en marge d’une visite à Lorient, jugeant que «les éléments sont déjà suffisamment réunis pour que nous demandions des explications». Sans évoquer directement la négociation sur la création d’une zone de libre-échange transatlantique, le président François Hollande a déclaré qu’«on ne peut avoir de négociations ou de transactions» avec les Etats-Unis «qu’une fois obtenues (les) garanties» sur une cessation de l’espionnage de l’Union européenne et de la France. L’affaire enflamme par ailleurs ce lundi la classe politique française, certains responsables appelant même le chef de l’Etat a accordé l’asile politique au «lanceur d’alertes».
Schulz, Barosso et Barnier montent au front
Les allégations selon lesquelles les Etats-Unis auraient espionné les institutions européennes, si elles se confirment, porteront «un coup terrible» aux relations entre les deux continents, a estimé lundi le président du Parlement européen, Martin Schulz.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a demandé un contrôle de la sécurité des bâtiments la Commission à Bruxelles, après les allégations sur l’espionnage des institutions de l’UE par les Américains, a annoncé lundi sa porte-parole. Face au déluge de documents communiqués via Edward Snowden, au coeur d’un imbroglio mondial digne des meilleurs romans d’espionnage, Bruxelles a averti même de possibles conséquences sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique.
«Si c’est vrai que les Américains ont espionné leurs alliés, il y a aura des dégâts politiques. Cela dépasse de loin les besoins de sécurité nationale. C’est une rupture de confiance et on est parti pour quelque chose de très sérieux»,a confié à l’AFP un responsable européen. Michel Barnier, le commissaire français, a également réagi sur son compte Twitter en déclarant que «clarté, vérité et transparence sont ce que l’on peut et doit attendre de nos amis et alliés. Les explications américaines sont nécessaires et urgentes».
Berlin et Rome plus contrastés dans leur réaction
Un porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré ce lundi que « les Etats-Unis doivent rétablir la confiance» avec leurs alliés européens. Le gouvernement allemand a communiqué à la Maison Blanche son «étonnement» durant le week-end, a déclaré le porte-parole, Steffen Seibert, ajoutant que cette affaire devait faire l’objet d’éclaircissements. «L’Europe et les Etats-Unis sont des partenaires, des amis, des alliés. La confiance doit être la base de notre collaboration. Et la confiance, dans cette affaire, doit être rétablie», a affirmé M. Seibert, lors d’une conférence de presse ordinaire du gouvernement.
L’Italie a également demandé aux États-Unis des «éclaircissements» sur l’affaire, mais s’est déjà déclarée «confiante» dans les explications qui seront apportées par Washington, selon un communiqué du ministère italien des Affaires étrangères publié lundi.
«Nous avons demandé les éclaircissements nécessaires sur cette affaire très délicate» et les États-Unis «nous ont assurés que tous les éclaircissements seront donnés à l’égard de l’Union européenne et des États-membres», écrit la ministre Emma Bonnino dans le communiqué.
Les ambassadeurs US à Vienne et Bruxelles convoqués
Le ministre belge des Affaires étrangère Didier Reynders a «invité» l’ambassadeur américain Howard Gutman à venir donner des explications sur de possibles activités d’espionnage des Européens par les Etats-Unis, notamment à Bruxelles. Même décision à Vienne, où le ministère autrichien des Affaires étrangères a convoqué pour mardi l’ambassadeur américain William Eacho.
La Grèce «ne peut comprendre les informations concernant la surveillance, entre autres, des missions diplomatiques grecques de la part de services d’un ami et allié», a dit le porte-parole du ministère, Constantinos Koutras, dans un communiqué. «Les services grecs (de renseignement) ont déjà commencé à examiner ces informations et les clarifications nécessaires seront demandées en fonction du résultat», a-t-il ajouté.
Kerry minimise
En première ligne, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a rencontré lundi son homologue européenne Catherine Ashton, en marge d’un sommet asiatique à Brunei, sans répondre précisément aux demandes d’explications européennes. «Je dirai que chaque pays dans le monde qui est impliqué dans les affaires internationales, de sécurité nationale, exerce de nombreuses activités afin de protéger sa sécurité nationale et toutes sortes d’informations qui peuvent y contribuer», a-t-il ajouté. «Tout ce que je sais, c’est que cela n’est pas inhabituel pour un grand nombre de pays».